Victor Hugo : "et s'il n'en reste qu'un, je serai celui-là"(Les châtiments (1853) !
Histoire de la citation de Victor Hugo, sur le site "l'Histoire en citations", publiée le 17 mai 2023
Napoléon III et Victor Hugo : duo devenu très vite duel « à mort ». L’empereur encaisse les coups sans répondre, jusqu’à la chute de l’Empire. C’est le poète qui gagnera à la fin.
« Et s’il n’en reste qu’un, je serai celui-là ! »2234
Victor HUGO (1802-1885), Les Châtiments (1853)
Le prestigieux proscrit témoigne de son opposition irréductible à l’empereur, à présent haï de lui. Le poète qui se veut « écho sonore » et conscience de son siècle refusera de rentrer en France après le décret d’amnistie (1859). À la date où son œuvre est diffusée sous le manteau, l’opposition républicaine est réduite à néant : chefs en prison ou en exil, journaux censurés. Ces mots ont d’autant plus de portée, Hugo devenant le chef spirituel des républicains refusant le dictateur : « Si l’on n’est plus que mille, eh ! bien, j’en suis ! Si même / Ils ne sont plus que cent, je brave encore Sylla ; / S’il en demeure dix, je serai le dixième ; / Et s’il n’en reste qu’un, je serai celui-là ! »
« Louis Bonaparte ne connaissait qu’une chose, son but […] Toute sa politique était là. Écraser les républicains, dédaigner les royalistes. »2222
Victor HUGO (1802-1885), Histoire d’un crime (1877)
Ainsi résume-t-il la politique du nouvel homme fort, entre le coup d’État du 2 décembre 1851 et le rétablissement de l’Empire à son profit, en novembre 1852.
« Louis Bonaparte est un homme de moyenne taille, froid, pâle, lent, qui a l’air de n’être pas tout à fait réveillé […] Les chefs de la droite disaient volontiers de Louis Bonaparte : C’est un idiot. Ils se trompaient. C’est un livre où il y a des pages arrachées. À tout moment quelque chose manque. Louis Bonaparte a une idée fixe, mais une idée fixe n’est pas l’idiotisme. »2245
Victor HUGO (1802-1885), Napoléon le Petit (1852)
Un pamphlet n’est jamais impartial et Hugo en veut d’autant plus à l’homme qu’il l’a d’abord soutenu, dans sa course au pouvoir. Mais ces lignes ne sont pas plus sévères que le jugement de nombreux témoins, Même constat des historiens : Napoléon III, à l’image du Second Empire, est mal aimé, hormis quelques exceptions et de récentes réhabilitations.
« M. Louis Bonaparte a réussi. Il a pour lui désormais l’argent, l’agio, la banque, la bourse, le comptoir, le coffre-fort, et tous ces hommes qui passent si facilement d’un bord à l’autre quand il n’y a à enjamber que de la honte. »2253
Victor HUGO (1802-1885), Napoléon le Petit (1852)
Ralliements nombreux, mais ni plus ni moins choquants que tous les précédents, dans cette France qui ne cesse de changer de régime depuis le début du siècle. Hugo fut ulcéré par le coup d’État du 2 décembre 1851, combattu sans succès comme député à la Chambre et comme manifestant appelant le peuple aux barricades ; ulcéré par l’irrésistible ascension au pouvoir impérial qui a suivi, en 1852. Et d’accuser Napoléon III : « Il a fait de M. Changarnier une dupe, de M. Thiers une bouchée, de M. de Montalembert un complice, du pouvoir une caverne, du budget sa métairie. »
Karl Marx tourne en dérision le « héros Crapulinsky » (Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte). Plaies d’argent et vie scandaleuse du personnage exagérées - son analyse des deux prises de pouvoir bonapartistes étant par définition marxiste.
« L’histoire a pour égout des temps comme les nôtres. »2257
Victor HUGO (1802-1885), Les Châtiments (1853)
Il faut être hors de France pour avoir cette liberté d’expression. Il faut être Hugo pour avoir ces mots. Le prestigieux proscrit de Jersey, bientôt de Guernesey, se veut plus que jamais la conscience de son siècle.
Après le pamphlet politique contre « Napoléon le Petit », Les Châtiments sont une œuvre poétique ambitieuse. Suite au crime du 2 décembre et à la répression, Dieu inflige le châtiment et l’expiation. Le Poète, seul face à l’océan, parlant au nom du Peuple, est le messager qui annonce l’espoir, avec la venue de temps meilleurs.
Hugo n’est pas marxiste, mais comme Marx, il dénonce le double crime bonapartiste et rapproche les deux coups d’État, 2 décembre 1851 et 18 brumaire an VIII, où Bonaparte prit le pouvoir par la violence. Les deux faits sont comparables et l’un est la conséquence de l’autre, mais Napoléon est un héros et l’autre un nain qui s’est servi du nom et de la légende.
« Citoyens, j’avais dit : le jour où la République rentrera, je rentrerai. Me voici ! »2335
Victor HUGO (1802-1885), de retour à Paris, gare du Nord, 5 septembre 1870
Actes et Paroles. Depuis l’exil (1876), Victor Hugo
Après dix-neuf ans d’exil, il rentre donc, sitôt proclamée la République. Il a pris le train de nuit de Bruxelles, pour passer inaperçu. Peine perdue. La foule l’attend. La renommée du poète proscrit a encore grandi. Il doit parler. Orateur né pour le peuple, les temps héroïques, la résistance : « Les paroles me manquent pour dire à quel point m’émeut l’inexprimable accueil que me fait le généreux peuple de Paris […] Deux grandes choses m’appellent. La première, la république. La seconde, le danger. Je viens ici faire mon devoir. Quel est mon devoir ? C’est le vôtre, c’est celui de tous. Défendre Paris, garder Paris. Sauver Paris, c’est plus que sauver la France, c’est sauver le monde. Paris est le centre même de l’humanité. Qui attaque Paris attaque en masse tout le genre humain. » Et l’Histoire continue, avec la IIIe République.
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À ce rythme - 4 citations par jour - les 10 Chroniques de l’Histoire en citations sont à vous dans trois ans. Encore trois ans et vous aurez aussi le Dictionnaire. Mais que de temps perdu !