Victor Hugo : en donnant un bulletin de vote à ceux qui souffrent, on leur ote un fusil !
Article rédigé par Alain Garrigou en 2015 et Brigitte Bouzonnie au mois de mai 2019
1°)- Brigitte Bouzonnie : Victor Hugo écrit : "en donnant un bulletin de vote à ceux qui souffrent, en leur donnant le suffrage universel, on leur ote un fusil"(sic). Très juste. De tout temps, le suffrage universel a été la ruse de la Bourgeoisie pour étouffer les révoltes populaires, faire croire aux femmes et aux hommes descendus dans la rue, afin d'obtenir un monde meilleur, que "l'isoloir", le bien mal nommé, allait leur permettre aussi d'accéder à une vie radieuse (promesses électorales jamais tenues) à peu de risques.
Au XIXème siècle, il faut savoir aussi que le point de vue critique de Victor Hugo n'était pas un cas isolé. Alain Garrigou, professeur de sciences politiques, a rédigé l'ouvrage : "Le vote et la vertu". Comment les français sont devenus électeurs", édition Presses de la Fondation Nationale des Sciences Politiques, 1993. Il pointe la difficile construction historique, qui a fait du vote " le seul moyen" de faire de la politique. Dans la France paysanne de 1848, que l'élection au suffrage universel n'intéresse absolument pas, toute la difficulté des élites de l'époque a été de "faire voter". Daniel Stern notait que "beaucoup de paysans, dans les campagnes reculées, s'étonnaient de cette liste de noms imprimés qu'on leur remettait, et disaient naïvement : "mais puisque le Gouvernement a déjà choisi, pourquoi nous fait-on voter ," (sic) (page 49 du livre de Garrigou).
Entre les lignes, le manque d'appétence pour voter montre aussi l'absence d'enjeu réel de choisir entre notables de la Politique tous pareils. Comme disait Coluche : "si voter servait à quelque chose, il y a bien longtemps qu'on l'aurait supprimé"(sic).
Alain Badiou développe la même analyse, écrivant : "voilà comment les deux révoltes "Ben Ali dégage" et "Moubarak dégage" de 2011, tant en Tunisie qu'en Égypte se sont engluées dans un suffrage universel sans vérité, la poursuite vaille que vaille du vieux monde libéral fatigué, l'initiative populaire ayant été oubliée, "soldée", grâce au triomphe électoral des frères mulsumans, l'équivalent de la démocratie chrétienne italienne (cf "Le réveil de l'Histoire", édition Lignes, 2012).
C'est exactement ce qui se passe aujourd'hui. Pour faire oublier le courageux et tenace mouvement des gilets jaunes, qui en est à sa 26eme semaine, on monte en épingle une petite élection sans importance, celles de députés européens dans UN PARLEMENT N'AYANT MÊME PAS L' INITIATIVE DES LOIS ! A partir de là, tous les discours de la petite gauche "changer l'Europe" (Ian Brossat), appeler à "l'Europe sociale" (Manon Aubry) sont de pures escroqueries intellectuelles, totalement irréalisables !
Pour que l'oligarchie allemande et française cède un commencement d'Europe sociale", ou de changement de l'Europe", il faudrait que tous les Gilets jaunes descendent dans la rue, avec tous les salariés, tous les retraités, les lycéens de Première et de Terminale, tous les étudiants, les femmes au foyer, les malades valides et volontaires. Et passent sur le corps des Arnault, Pinaut, Niel, Dassault fils, Bompard de Carrefour, Leclerc fils, Lagardère, Drahi, etc.
Loin d'être un combat pacifique et "sans risque", le Peuple français se heurterait à une répression féroce, à côté de quoi la violence de la Police contre les gilets jaunes, les 33 000 tirs de LBD feraient figure de petit stage d'entrainement sans importance !
MOBILISATION AVEC LES GILETS JAUNES LE 25 MAI. ABSTENTION LE 26 MAI 2019 !
2°)- Alain Garrigou : LE VOTE OU LE FUSIL, janvier 2005
2-1°)-Contexte historique :
En février 1848, la révolution parisienne surprenait tout le monde et, avec la fuite rapide du roi Louis-Philippe, laissait bien dépourvus les nouveaux dirigeants improvisés. Quoique portés au pouvoir par l’insurrection, les hommes du Gouvernement provisoire craignaient d’abord la pression armée d’une foule parisienne d’autant plus exigeante qu’elle avait eu facilement raison de la monarchie censitaire. Devant des ouvriers en armes et échauffés, l’éloquence de Lamartine n’avait pas été de trop, pas plus que sa promesse lancée dans la salle Saint-Jean de l’Hôtel de Ville d’instituer le suffrage universel. Celui-ci n’était proposé par aucun programme politique, même si quelques rares républicains en évoquaient l’avènement dans un avenir indéfini. L’urgence l’imposa. Le suffrage universel consacrait l’inévitable abandon du système électoral censitaire car il était devenu impossible de se contenter d’un simple élargissement du cens électoral, comme le réclamait la campagne des Banquets, ce qui serait revenu à exclure les insurgés du corps électoral. Le décret du 5 mars 1848 avait d’abord vocation à ramener le calme.
2-2°)-Analyse des images :
Identifié par son vêtement, un ouvrier abandonne son fusil pour déposer un bulletin de vote. Dans cette scène allégorique, le suffrage universel est symbolisé par une urne antique dont le modèle est assez éloigné des urnes réelles mais qui rattache la procédure aux sources les plus anciennes. L’allégorie présente encore la nouvelle institution comme une conquête populaire qui justifie d’autant plus que l’on dépose les armes. Ce n’était peut-être pas l’objectif de tous les insurgés, ni même de la plupart d’entre eux, mais l’idée s’en imposa. Au-delà de cette sorte d’interprétation immédiate de la révolution de février 1848 proposée par les républicains, l’abandon des armes pour le vote a valeur d’exhortation : la violence révolutionnaire menaçait toujours, de nombreuses armes étaient aux mains de la population parisienne, et le succès du suffrage universel restait incertain. L’insurrection populaire de juin 1848 confirma ces craintes, tout en donnant l’occasion aux forces de l’ordre de désarmer la population parisienne.
2-3°)-Interprétation :
Au-delà d’un moment historique daté de la révolution de 1848, la substitution du bulletin de vote au fusil visait un sens de portée générale et universelle ; le rejet démocratique de la violence politique. Les promoteurs du suffrage universel avaient partiellement convaincu les partisans de l’ordre en réussissant à organiser les premières élections d’avril 1848 et à démontrer aussi que le vote populaire n’était pas révolutionnaire par essence, qu’il pouvait même se révéler conservateur. Dans un pays et un siècle agités par le cours incessant et ruineux des révolutions, le suffrage universel devint, non sans difficultés et à la suite d’une longue série d’élections régulières, ce qu’un homme de la IIIe République appelait de ses vœux : le « souffle régulier de la démocratie ». Quelle pouvait être la légitimité du recours à la violence quand le peuple devenait souverain par son bulletin de vote ? Si cette institution ne put empêcher immédiatement des insurrections comme la Commune de 1871, les justifications des révolutions furent désormais contestées au nom du suffrage universel, et des gouvernements opposèrent le suffrage universel en principe ou en actes, comme en 1968, aux « mouvements de la rue ».
Bibliographie
Vincent DUCLERT et Christophe PROCHASSON (dir.)Dictionnaire critique de la RépubliqueParis, Flammarion, 2002.Alain GARRIGOUHistoire sociale du suffrage universel en France, 1848-2000Paris, Le Seuil, coll. « Points Histoire », 2002.Maurice AGULHON1848 ou l’Apprentissage de la RépubliqueParis, Le Seuil coll. « Points Histoire », nouv.éd.2002.Pascal PERRINEAU et Dominique REYNIÉ (dir.)Dictionnaire du voteParis, Presses universitaires de France, 2001.Pierre ROSANVALLONLe Sacre du citoyen.Histoire du suffrage universel en FranceParis, Gallimard, 1992.
Pour citer cet article
Alain GARRIGOU, « Le vote ou le fusil », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 13 mai 2022. URL : http://histoire-image.org/fr/etudes/vote-fusil
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