"VENI, VIDI, VICHY"…rédigé par Raymond Brugère !
Présentation du livre sur Vichy rédigé par Raymond Brugère par les équipes d'ELUCID
23/09/2022
Veni, Vidi, Vichy… et la suite (1953) présente une certaine conception de la résistance, plus intellectuelle que physique. Selon l’auteur, la résistance prend la forme d’un discours pour faire prendre conscience à autrui, de la gravité d’une situation.
Podcast
Téléchargez et écoutez la synthèse en version podcast :
% buffered00:00
24:05
L’ouvrage se focalise sur la Seconde Guerre mondiale et la nécessité de lutter contre l’occupant allemand. Le récit se fonde sur des correspondances, des entretiens, des télégrammes, des conversations rapportées et des réflexions circulant dans les corps diplomatiques et dans les milieux politiques français et étranger. L’ouvrage s’efforce ainsi de décrire le véritable visage du régime de Vichy.
Ce qu’il faut retenir :
Cet ouvrage qui fut rédigé en partie en 1944, puis augmenté en 1953 constitue un témoignage éclairé sur un certain nombre d’acteurs et d’institutions de la Seconde Guerre mondiale, au premier lieu desquels le gouvernement de Vichy et la Résistance de de Gaulle. Malgré le statut de Raymond Brugère, qui confère à son propos sa crédibilité et sa richesse, cet ouvrage doit cependant être considéré comme une source évidemment subjective, non une vérité historique, nécessitant d’être confrontée à d’autres documents.
Compte tenu des informations qui circulaient dans le milieu diplomatique entre 1939 et 1944, il est possible d’affirmer que l’armistice et la collaboration ont été davantage le fruit d’une volonté déjà présente de se rapprocher de l’Allemagne de la part des dirigeants du régime de Vichy, plutôt que d’une soumission contrainte face à une force germanique irrésistible.
L’ouvrage distingue la Résistance désintéressée de de Gaulle et la Résistance tâtonnante menée par les États-Unis, entre rapprochements avec le gouvernement de Pétain, sape de la Résistance gaulliste, exploitation de la ferveur patriotique des mouvements de résistance français, le tout en gardant les intérêts américains en vue.
Biographie de l’auteur
Raymond Brugère (1885-1966), diplomate français, fut ministre plénipotentiaire de France au Canada en 1934 puis en Yougoslavie à partir de 1937. Désapprouvant la signature de l’armistice par le maréchal Pétain, Raymond Brugère préféra démissionner le 17 juin 1940, plutôt que de servir le gouvernement de Vichy. Cette démission lui permit de mener à bien une résistance personnelle. Arrêté le 8 novembre 1942 pour gaullisme, il rejoignit le camp d’internement administratif d’Évaux-les-Bains où il débuta la rédaction de son témoignage sur Vichy (publié pour la première fois en 1944). Après sa libération et celle de la France en juin 1944, il occupa brièvement la fonction de secrétaire général des Affaires étrangères puis celle d’ambassadeur de France en Belgique, où il acheva sa carrière.
Avertissement : Ce document est une synthèse de l’ouvrage de référence susvisé, réalisé par les équipes d'Élucid ; il a vocation à retranscrire les grandes idées de cet ouvrage et n’a pas pour finalité de reproduire son contenu. Pour approfondir vos connaissances sur ce sujet, nous vous invitons à acheter l’ouvrage de référence chez votre libraire. La couverture, les images, le titre et autres informations relatives à l’ouvrage de référence susvisé restent la propriété de son éditeur.
Plan de l’ouvrage
Chapitre I. Belgrade — avril/août 1940
Chapitre II. Retour en France
Chapitre III. Vichy — État
Chapitre IV. Corps diplomatique
Chapitre V. Révolution et Rebrousse-Poils
Chapitre VI. Prisonnier de Pétain et de Laval
Chapitre VII. Les mauvais embrayages d’Alger
Chapitre VIII. Trois semaines au Secrétariat général des Affaires étrangères
Synthèse de l’ouvrage
Chapitre I. Belgrade — avril/août 1940
En 1939, la politique du gouvernement d’Édouard Daladier, sous la présidence d’Albert Lebrun, était profondément marquée par la volonté de ne pas entrer en guerre. Ainsi, malgré une Italie menaçante, la France prend du retard dans la modernisation de son armement.
En avril 1940, alors que Raymond Brugère se trouve à Paris en compagnie du nouveau Président du Conseil, Paul Reynaud, du Général Weygand (Commandant de l’armée d’Orient) et du Général Gamelin (chef d’État-major de la Défense nationale), l’imminence d’une offensive générale allemande à l’ouest se fait ressentir. Cependant, le retard accumulé face à l’armée allemande se manifeste à plus d’un titre. Par exemple, la première opération interarmées du 9 avril 1940 en Norvège avait été ébruitée, ce qui permit à l’armée allemande de se positionner par avance aux points stratégiques de la région. En outre, les capacités de déploiement de l’armée allemande étaient également incomparablement plus rapides que celles de l’armée française.
Avant même l’invasion de la Belgique, le milieu diplomatique français savait que l’Allemagne s’apprêtait à mener une Blitzkrieg à l’ouest et prévoyait de soumettre la France et l’Angleterre avant la fin de juillet 1940. L’Allemagne fut aidée en cela par le ralliement, le 10 juin 1940, de l’Italie – qui n’avait pas été mise hors d’état de nuire.
Jusqu’au 14 juin 1940, le service d’information du ministère des Affaires étrangères n’avait pourtant émis aucun message alarmant concernant l’Allemagne. Divers télégrammes, une lettre de l’ambassadeur William Bullitt du 12 juin, et des témoignages de ses collègues montraient que les chefs militaires français restaient convaincus qu’un redressement était alors possible.
En outre, certains éléments auraient dû encourager la France à poursuivre la lutte avant de signer l’armistice le 17 juin 1940. En effet, des télégrammes du 18 et 20 mai, ayant transité par le service d’information du ministère des Affaires étrangères, expliquaient qu’il était possible que l’URSS entre également en guerre.
La signature de l’Armistice conduit Raymond Brugère à démissionner, le 17 juin 1940. En parallèle, le colonel Deltel en concertation avec les militaires stationnant sous son commandement à Belgrade faisait quant à lui parvenir au Président de la République, une lettre lui demandant de poursuivre la lutte hors de France. Au sein de la Légation française de Belgrade (le Consulat), le personnel était divisé. Bien que ses collègues n’aient pas suivi l’exemple de sa démission, le refus de Brugère d’accepter l’armistice était néanmoins largement partagé par la communauté des Français établis en Yougoslavie. L’équipe de l’Institut français de Belgrade défendait et diffusait d’ailleurs des messages de résistance similaires, considérant qu’« il [nous] restait une arme contre laquelle blindés, moteurs, Stukas ne pouvaient rien : celle de l’esprit ».
Chapitre II. Retour en France
À son retour en France, en août 1940, Raymond Brugère a été mis en retraite anticipée. Cette situation lui permet de mener sa propre résistance intellectuelle sous la forme de prises d’informations et de conversations éclairées. Son objectif est alors de faire naître une prise de conscience des torts de l’armistice, de la traîtrise du régime de Vichy et des atouts et soutiens de la France.
La résistance entreprise par Brugère prend la forme d’« une lutte continue », « une affirmation de foi et d’enthousiasme » envers son pays, laquelle ne saurait s’arrêter avec la disparition du régime de Vichy et la Libération.
Lorsqu’il arrive en France, Brugère constate une apathie généralisée dans la population et une véritable soumission à l’Allemagne de la part des autorités politiques et militaires françaises. Certains tiraient parti de la confusion née de l’armistice pour se promouvoir mutuellement. Parmi ses interlocuteurs, aucun ne semblait prendre la mesure des enjeux de la signature de l’armistice, d’autant plus grande que celle-ci s’accompagnait d’un abandon politique de la France.
Le rapprochement du maréchal Pétain avec l’extrême droite et le régime nazi était pourtant connu et confirmé par différents témoignages. En effet, en 1934, il refuse un accord pour une alliance franco-britannique et pour la limitation des livraisons d’armes à l’Allemagne. Il rencontre également à plusieurs reprises le ministre allemand, Hermann Goering.
En outre, la défection des parlementaires face à la nécessité de sauvegarder les institutions et le système politique français malgré la capitulation fut générale. Ces attitudes furent encouragées par Pierre Laval et Philippe Pétain qui, pour que ce dernier obtienne les pleins pouvoirs, menacèrent de mettre en place une dictature militaire.
Cependant, certains acteurs de l’époque se distinguèrent par leur attachement aux valeurs de la France de 1789, et ce, au mépris de leur sécurité personnelle, à l’instar d’Édouard Herriot, de Louis Marin et du marquis Gilbert de Chambrun qui luttèrent pour la préservation de l’image prestigieuse de la France à l’étranger grâce en particulier à leur prise de position contre Vichy.
Chapitre III. Vichy — État
La léthargie de la population commença à se dissiper vers la fin de 1940, à mesure que la propagande en faveur de Pétain et de Vichy se développait, mais aussi à mesure que la défaite tant annoncée de l’Angleterre tardait à se réaliser. La population retrouvait progressivement une attitude nationaliste. Ce phénomène ne s’observa cependant pas parmi les militaires. Ces derniers considéraient en effet une victoire des Alliés comme irréaliste. Selon une conversation de l’auteur avec le Général Lasson, à la fin d’août 1940, le gouvernement s’apprêtait à préparer progressivement l’opinion à une entrée en guerre contre l’Angleterre, selon le souhait de l’amiral François Darlan, le ministre de la Marine.
Cependant, des militaires se distinguèrent par le revirement de leur position face aux Allemands et au régime de Vichy. Le général de Laurencie était le représentant officiel de Pétain à Paris, d’août à décembre 1940. Pourtant, prenant conscience de la collusion entre les autorités allemandes et françaises, il fut démis de ses fonctions, après avoir ordonné l’arrestation de Marcel Déat, un homme politique français collaborateur et proche du mouvement allemand d’extrême droite ainsi que de Pierre Laval, le vice-président du Conseil des ministres de Vichy. Il s’engagea alors dans des mouvements d’opposition à Vichy. De même, le général Doyen, chef de la délégation française de la Commission allemande d’armistice de septembre 1940 à juillet 1941, tenta de préserver ce que l’armistice avait laissé à la France en matière d’armement et d’industrie. Il s’opposa également à toute déportation de civils vers l’Allemagne et informa Vichy des ambitions allemandes et italiennes sur le territoire français. Après que ce dernier fut remercié, son successeur céda aux Allemands sur chacun de ces domaines.
Par la suite, le déséquilibre des forces en faveur des Alliés ainsi que la découverte des exactions allemandes favorisèrent un retournement d’opinion général du milieu militaire contre Vichy.
Chapitre IV. Corps diplomatique
En France, le ministère des affaires étrangères installé à l’Hôtel du Parc reposait sur une poignée de fonctionnaires ayant accepté de collaborer avec le régime de Vichy. Ce faisant, il était d’une « lamentable inutilité », dénué de compétence et dignité. Par exemple, ils furent à l’origine, en 1940, de la rupture diplomatique abrupte avec la Hollande, la Belgique et la Norvège, alliés naturels contre l’Allemagne.
Entre la fin de 1941 et janvier 1942, Raymond Brugère eut l’occasion de s’entretenir avec l’ambassadeur du Japon en France, Sotomato Kato, avec qui il était proche. Ce dernier lui fit part d’une conversation, qu’il avait eue avec Hermann Goering en octobre 1941, durant laquelle le ministre allemand l’informait de l’anéantissement de l’armée russe et du plein soutien de l’Italie. La divulgation de ces informations rassurantes avait alors pour but d’encourager les Japonais à diriger leurs forces vers le Pacifique et les États-Unis étant donné qu’ils ne risquaient plus les représailles de l’armée rouge. En effet, le Premier ministre modéré, Fumimaro Konoe, fut remplacé par des militaires tandis qu’un mois plus tard, l’attaque de Pearl Harbor était lancée.
Les relations de la France avec les États-Unis étaient particulièrement ambiguës. Cette ambivalence se manifestait tout d’abord par le maintien de relations diplomatiques cordiales avec Vichy, qui, selon l’auteur, contribuaient à diffuser auprès de la population, le sentiment que les États-Unis soutenaient le régime de Vichy. D’autres documents confirment ce soutien. Après le départ pour Alger de l’ambassadeur américain Robert Murphy en septembre 1940, Harrisson Matthews, un diplomate francophile, fut nommé Premier secrétaire de l’Ambassade des États-Unis. Ce dernier, malgré les entretiens chaleureux qu’il accorda à l’auteur, lui fit parvenir une lettre avant son départ en 1941 mentionnant son soutien au maréchal Pétain. Son successeur, l’ambassadeur et amiral William Leahy, était quant à lui bien moins informé de la situation française et se laissa se développer les relations avec Vichy.
Ces faits sont révélateurs de la position anti-gaulliste de la politique américaine. Le général de Gaulle était en effet d’autant moins soutenu que son mouvement à Londres peinait à se constituer, du moins jusqu’au printemps 1942. En outre, selon des membres du corps diplomatique américain en France, certaines factions de résistance gaulliste avaient par ailleurs exigé, entre 1940 et 1941, des sommes d’argent exagérément importantes.
Chapitre V. Révolution et Rebrousse-Poils
Parallèlement au renforcement du gouvernement de Vichy et de ses liens avec les autorités allemandes, un centre de pouvoir, formé d’individus gravitant autour de Vichy, s’était constitué. Ce groupe s’inspirait du principe de gouvernement développé par Alexandre Saint-Yves d’Alveydre : la synarchie. Cet homme de lettres du XIXe siècle, avait opéré une distinction entre l’Autorité, qui décide, et le Pouvoir, qui exécute. Cette synarchie se composait ainsi de polytechniciens, de banquiers et d’inspecteurs des finances dont l’objectif principal était de créer les conditions qui leur permettraient de garder le total contrôle de l’économie, tout en restant indépendant du pouvoir politique en place. Le fonctionnement de ce cercle d’influence prenait la forme d’un « travail mystérieux et souterrain d’une équipe à ramifications financières internationales. »
Les membres de cette organisation étaient liés plus ou moins directement à la banque Worms, et à son fondateur, Hippolyte Worms, et son directeur, Gabriel Le Roy-Ladurie. Malgré les origines juives d’Hippolyte Worms, la banque Worms collaborait activement avec les entreprises allemandes, selon une vision réaliste des affaires, ce qui lui permit de prospérer. Jusqu’en 1940, cette synarchie n’avait d’emprise sur le « pouvoir » français qu’à travers le ministère des Travaux publics. L’armistice et l’émergence du régime de Vichy permirent une expansion considérable de l’influence de ce groupe à travers le placement de « ses hommes » dans le gouvernement de Philippe Pétain.
Ses membres sont, entre autres, Paul Baudoin, ministre de l’Information puis ministre des Affaires étrangères, René Belin, ministre du Travail, Pierre Pucheu, secrétaire d’État puis ministre de l’Intérieur, François Lehideux qui travaillait dans le ministère de l’Armement, ou encore Jacques Barnaud, un inspecteur des finances travaillant également pour la banque suscitée et qui fut délégué général aux relations économiques franco-allemandes.
Chapitre VI. Prisonnier de Pétain et de Laval
Depuis son retour en France, Raymond Brugère, s’opposant ouvertement à Vichy, faisait l’objet d’une hostilité croissante et d’une surveillance continuelle par les services de police de Vichy.
Au cours de l’année 1942, le général de Gaulle avait cependant manifesté son désir de le rencontrer. En dépit de ses multiples tentatives, Raymond Brugère ne parvint pas à quitter le territoire français pour rejoindre de Gaulle à Londres. Le soir du débarquement américain en Afrique du Nord, le 8 novembre 1942, il fut arrêté sur ordre de Pierre Laval, à sa résidence à Beaulieu, en raison de ses « sentiments antigouvernementaux et gaullistes ».
Il rejoignit tout d’abord le centre de séjour surveillé de Saint-Sulpice, qui avait été créé originellement pour accueillir des réfugiés espagnols. En 1942, des hommes de tout milieu partageaient ce camp dans des conditions matérielles austères. Ce séjour ne dura cependant qu’un mois grâce à l’intermédiation de collègues et amis, notamment le ministre plénipotentiaire de Hongrie. Il fut alors transféré dans l’Établissement d’Internement administratif d’Évaux, ouvert depuis peu et inauguré par Édouard Herriot, le général Paul Doyen et Léon Jouhaux, qui était alors le secrétaire général de la CGT. Cet établissement était réservé aux opposants politiques, mais aussi aux simples opposants à la collaboration de Vichy avec les Allemands.
Bien que les conditions matérielles se fussent améliorées par rapport au camp de Saint-Sulpice, les détenus subissaient en contrepartie une surveillance constante de leurs courriers, conversations, déplacements et biens personnels. Par ailleurs, pour toute infraction commise par l’un d’entre eux, l’entièreté des pensionnaires était mise au secret, c’est-à-dire coupée de tout contact entre eux et à l’extérieur. Contrairement à l’idée qui était diffusée alors, le régime de Vichy ne protégeait pas, par l’emprisonnement, les opposants politiques des représailles allemandes. En effet, par leur détention, ces individus étaient alors identifiés et leur dossier transmis aux autorités allemandes.
Finalement, le 8 juin 1944, à la suite du débarquement américain, le personnel de la prison d’Évaux constitué majoritairement de gendarmes, libéra tous les prisonniers délibérément en prenant pour prétexte une attaque de maquisards. Le soutien populaire du régime de Vichy avait pris fin.
Chapitre VII. Les mauvais embrayages d’Alger
La Libération fut loin de représenter le « Renouveau » français auquel on aurait pu s’attendre après la disparition du régime de Vichy. Dans ce nouveau système politique obéissant aux mêmes us et coutumes politiciens qu’auparavant, le général de Gaulle préféra démissionner, le 20 janvier 1946. Cette situation résultait principalement des erreurs de jugement commises par les Hommes de la Libération qui, ayant fui la France durant l’occupation, n’avaient pas perçu la psychologie des Français, notamment des résistants, restés sur place. Ils auraient dû se servir de cette énergie patriotique, née de la défense individuelle de parcelles de territoire ou des valeurs nationales, pour reconstruire le pays.
De nombreux individus, fonctionnaires et parlementaires, affluèrent à Alger dès qu’ils sentirent un revirement de situation en faveur des Alliés. Cependant, leur démarche n’était pas commandée par un sentiment patriote d’opposition à Vichy, mais plutôt par un esprit opportuniste.
Or, si l’objectif initial avait été d’écarter les acteurs du Régime de Vichy, la résistance dirigée par le général de Gaulle était plutôt marquée par une forte hostilité envers les États-Unis. Par conséquent, le gouvernement provisoire qui s’établissait à Alger devait dans une certaine mesure reposer sur des facteurs permettant à la fois d’affirmer sa légitimité aux yeux des États-Unis, mais aussi d’inscrire ce gouvernement dans le prolongement des systèmes politiques précédents. Dans cette perspective, certaines fonctions gouvernementales ou parlementaires furent ainsi confiées à des hommes politiques chevronnés, comme Jules Jeanneney, à qui fut confiée la charge de Président intérimaire du Conseil, alors que ce dernier avait présidé, malgré son hostilité au projet, l’Assemblée ayant accordé les pleins pouvoirs au maréchal Pétain, le 10 juillet 1940.
Ces précautions permirent d’atténuer les tensions qui auraient pu apparaître après un changement de régime. Cependant, la réaction relativement favorable de la population face à ce changement de régime confirmait le rôle de ciment que jouait le général de Gaulle. Par son engagement désintéressé pour la France, il avait progressivement permis à un sentiment d’union et de patriotisme particulièrement fort, de se développer dans la population française. Il était alors le seul à posséder la légitimité nécessaire pour unir à nouveau la France.
Chapitre VIII. Trois semaines au Secrétariat général des Affaires étrangères
Après sa libération de la prison d’Évaux, Raymond Brugère retourna vivre dans sa résidence familiale située dans le Loiret. En son absence, un pôle de résistance s’était développé dans la forêt d’Orléans qui regroupait près de 300 maquisards. La zone libérée, ces derniers continuèrent leur lutte contre les Allemands, et ce, jusqu’à Paris.
À la mi-septembre 1944, on proposa à Brugère le poste de Secrétaire général des Affaires étrangères, aux côtés de Georges Bidault, le nouveau ministre des Affaires étrangères. Cette nomination confirmait la conviction de Brugère d’une mauvaise gestion de la Libération en raison, d’une part, de l’incompétence notoire dont faisait preuve le ministre, et, d’autre part, du caractère superflu de sa propre fonction.
En parallèle, alors que débutait le processus dit « d’Épuration » dont il déclina la présidence, il appelait à ce que tous les avancements de carrière reçus sous le gouvernement de Vichy fussent annulés. Cette proposition s’adressait plus particulièrement aux fonctionnaires, parmi ses collègues, ayant bénéficié d’avancements à la fois sous Vichy et sous le Gouvernement provisoire. Elle ne fut cependant pas retenue.
Dans les mois qui suivirent, le gouvernement provisoire du général de Gaulle en France attendait d’être reconnu par le reste de la communauté internationale. Les États-Unis firent preuve d’une hostilité discrète, en envoyant en Europe un ambassadeur inconnu, spécialiste des affaires d’Amérique latine, Jefferson Cafferty.
Afin de hâter cette reconnaissance, différentes alternatives s’offraient à la France. Le recours au corps électoral aurait permis d’asseoir la légitimité du gouvernement, mais, face à la possibilité d’une victoire des communistes, cette option fut écartée. Une autre option consistait à dépêcher des ambassadeurs auprès des gouvernements étrangers afin de diffuser un message de soutien au gouvernement français. C’est une voie proche qui fut choisie : Raymond Brugère fut chargé de la désaccréditation massive du corps diplomatique anciennement accrédité par le régime de Vichy. Leur nouvelle accréditation était alors soumise à la reconnaissance par leur gouvernement, du gouvernement français.
*
Vous avez aimé cette synthèse ? Vous adorerez l’ouvrage ! Achetez-le chez un libraire !
Signaler une erreur Bibliothèque France