Trump et son nouveau réseau social : les coulisses d'une offensive médiatique
Article haineux rédigé par par Axel Gyldén pour L'Express du 02 janvier 2022. A lire au second degré.
Exclu de Twitter et animé par un esprit de vengeance, l'ancien président américain s'apprête à dégainer son arme secrète. Joe Biden, lui, dégringole dans les sondages.
Une personne montre l'application "Truth social" sur son téléphone, devant un fond d'écran de Donald Trump, à Los Angeles le 20 octobre 2021.
afp.com/Chris DELMAS
De tous les "exploits" signés Donald Trump, celui-ci est le plus incontestable : entre le début de sa campagne électorale en 2016 et la fin de son mandat en 2020, il a fait "exploser" son compte Twitter, passé de 5 à 89 millions de followers en cinq ans ! Puis est arrivé le 6 janvier 2021. Ce jour-là, ses partisans, chauffés à blanc, déferlent sur le Capitole. S'ensuit une hallucinante émeute, qui fait plusieurs morts. Les dirigeants du réseau social en concluent que le 45e président, battu deux mois plus tôt dans les urnes, représente un danger public. La sanction tombe : ils ferment son compte Twitter.
Mais voici qu'un an après ce bannissement, Trump a trouvé un remède. Avec l'argent d'investisseurs conservateurs, il s'apprête à lancer sa propre plateforme digitale qui, ironie de l'histoire, s'appelle "TRUTH Social", autrement dit: "Vérité (en lettres capitales) social". "Trump et la vérité, c'est l'oxymore parfait !" s'esclaffe Barbara A. Perry, une auteure spécialiste des présidences américaines, qui enseigne à l'université de Virginie.
"Trump Media" annonce une nouvelle levée de fonds
"C'est un peu comme si Fox News, se rebaptisait Nuance News", ajoute-t-elle, sans pouvoir encore anticiper quel sera, au juste, l'impact du nouveau média trumpien. "Force est de reconnaître qu'avec son émission de téléréalité The Apprentice, sa carrière télévisuelle fut un succès et qu'il a, de plus, parfaitement réussi sur Twitter grâce à ses mensonges diffusés "H 24". Il pourrait rééditer l'exploit avec son TRUTH social."
Nul ne sait exactement à quelle date le "roi de Mar-a-Lago" (le nom de son palais kitch de Palm Beach, en Floride) prévoit de lancer son offensive médiatique. Mais tout est déjà en place. Créée à l'automne 2021 grâce à une levée de fonds initiale de 300 millions de dollars, la société Trump Media & Technology Group, ou TMTG, a annoncé, le mois dernier, une nouvelle levée de plus de 1 milliard de dollars ! TMTG chapeautera TRUTH social, mais également d'autres médias, comme une plateforme de podcasts ou des talk-shows radio.
Trump a placé à la tête du groupe Devin Nunes, un allié de longue date. Elu depuis 2003 à la Chambre des représentants de Washington, il y préside la commission du renseignement depuis 2015. Ces jours-ci, il abandonne la politique pour sa nouvelle vie de PDG. "Il est temps de relancer Internet et d'y rétablir la liberté d'expression sans la censure tyrannique de la Big Tech", a-t-il déclaré. On l'aura compris : TRUTH Social ambitionne de concurrencer directement Facebook/Meta et Twitter. Rien de moins.
Selon le business plan, la plateforme entend passer de 0 à 16 millions d'utilisateurs en un an, avec l'objectif de 81 millions de fidèles en 2026. A titre de comparaison, Twitter totalise 400 millions d'abonnés. L'entreprise mise par ailleurs sur les podcasts, un marché, lui aussi, en expansion - 120 millions d'Américains en écoutent.
Dans le business model de TMTG, Donald Trump représente le "produit d'appel". Aussi étonnant que cela paraisse, l'entreprise souhaite, à plus long terme, élargir son audience à toutes les sensibilités politiques, mais aussi à l'information, au sport, au divertissement. Selon les projections, les recettes du réseau social pourraient atteindre 258 millions de dollars en 2026, soit environ un dixième du chiffre d'affaires espéré par la maison mère TMTG.
Dans l'immédiat, Donald Trump veut aussi se servir de son nouveau média pour réussir son come-back. Dans sa ligne de mire : les élections législatives de mi-mandat en novembre prochain, où il compte consolider son emprise sur le Parti républicain en faisant faire élire ses poulains. "Il est déjà sur le chemin de la vengeance", glisse l'ex-ambassadeur de France aux Etats-Unis Gérard Araud. Or il y a lieu de penser qu'une autoroute s'ouvre devant lui.
"Après un début de présidence démocrate vraiment réussi, symbolisé par le vote, début août, de la loi sur les infrastructures (avalisée par 19 sénateurs du camp républicain), le vent a tourné, note l'auteur-journaliste-documentariste Chris Whipple. Ensuite, avec le retrait désordonné des troupes américaines d'Afghanistan, une séquence plus compliquée s'est ouverte", euphémise-t-il.
Depuis la chute de Kaboul, la popularité de Biden, dont la fragilité physique saute aux yeux, décroît de façon inversement proportionnelle à l'inflation (qui redémarre) et au variant Omicron (apparemment incontrôlable). "Le problème, c'est que Biden a été élu sur le programme de la droite du Parti démocrate et qu'il met en oeuvre celui de la gauche : il y a donc tromperie sur la marchandise", estime, à Washington, le sondeur et consultant vedette Whit Ayres.
Pour ne rien arranger, son camp semble irréconciliable. "Aux Etats-Unis, reprend de son côté Chris Whipple, il existe une boutade qui dit : "Oh, moi, vous savez, je n'appartiens pas à une structure politique organisée : je suis un démocrate !" Cette plaisanterie décrit la situation actuelle à merveille."
Le réseau social, arme fatale de Trump
L'histoire américaine enseigne en outre que les élections législatives de mi-mandat (s'il s'agit du premier) sont presque toujours perdues par le camp en place à la Maison-Blanche. Comme pour Obama et pour Trump, ce sera probablement le cas pour Biden. "D'ailleurs, un signe ne trompe pas : de nombreux sortants démocrates ont déjà annoncé qu'ils ne se représenteraient pas, ce qui signifie qu'ils ne croient guère en leurs chances de réélection", observe le politologue new-yorkais Andrew J. Polsky.
Pour nombre d'analystes, une double défaite démocrate, à la Chambre des représentants et au Sénat, n'est plus exclue. Pour Trump, il ne reste plus qu'à entretenir la flamme des électeurs républicains dont 2 sur 3 sont persuadés que leur champion s'est fait voler la Maison-Blanche en novembre 2019 et que Joe Biden est un président illégitime. Et pour cultiver ce mythe, quoi de mieux que TRUTH social, qui pourrait devenir l'arme fatale de Trump en 2024 ?
Axel Gyldén
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