"Tout le monde a du sang sur les mains"!
Article rédigé le 1er septembre 2023 par Brigitte Bouzonnie
Alain Badiou : « TOUT LE MONDE A DU SANG SUR LES MAINS : CAPITALISME, COMMUNISME »
« Tout le monde a du sang sur les mains ». C’est la phrase favorite du philosophe Alain Badiou, lorsqu’il dresse le bilan de la Révolution bolchevique de 1917. Tout le monde a du sang sur les mains, phrase prononcée tant sur le plateau de télévision de Ce soir ou jamais (2014), que lors d’une interview avec Olivier Delamarche sur la radio France Info (février 2016). Sous-entendu le capitalisme et le communisme : un point partout, la balle au centre (1).
Côté Capitalisme…
Certes, on le sait : 1°)-De la part du capitalisme naissant du XIXème siècle, arrachant brutalement la paysannerie anglaise de ses terres, pour la mettre férocement à l’usine, par des journées de 14 heures passées au fond de la mine. Avec les enfants de cinq ans travaillant aussi au fond des galeries. De la part du capitalisme naissant du XIXème siècle avec ses horribles guerres coloniales, qui ont fait dire plus tard à un colon : « ce que Hitler a fait sur vous avec les camps de concentration, ce n’est, ni plus ni moins, ce que vous, occidentaux, aviez commis sur nous, africains, indiens,… avant 1914.
Oui, le capitalisme a du sang sur les mains. Le capitalisme du XXème siècle avec son horrible boucherie de classes de la guerre de 1914-1918, faisant 10 millions de morts, 20 millions de blessés, analyse l’historien canadien Jacques Pauwels dans son excellent livre : 1914-1918, la grande guerre des classes, édition Delga, 2016. Le capitalisme du XXème siècle a du sang sur les mains avec 6 millions de morts dans les camps d’extermination nazis. Après tout, Hitler n’était-il pas le meilleur ami des capitalistes allemands (Krupp, Thyssen) et américains (Ford, Exxon, Total, Banque JP Morgan…), qui, par anticommunisme, l’ont financé jusqu’au mois de mai 1945, c’est-à-dire jusqu’à la fin extrême de la guerre, alors que les Etats-Unis étaient officiellement en guerre contre l’Allemagne (cf vidéo librairie Tropiques, interview de Jacques Pauwels sur les « 100 ans de la guerre froide », 2022). Le capitalisme états-uniens du XXème siècle a encore du sang sur les mains, responsable de 22 guerres et 200 000 morts après 1945 : guerres en Yougoslavie, Libye, Ukraine, Syrie, Irak, Afghanistan, Vietnam, Cambodge, Yemen, Somalie…
Sans parler du Capitalisme du XXIème siècle, qui a du sang sur les mains, et dont on doit « sauver les banques » de la crise des subprimes de 2008. Et à qui il faut donner des milliards et des milliards d’euros, sur nos impôts : par exemple, les 300 milliards d’euros donnés à la va-vite en mars 2020, par tous les partis politiques, dont les élus de la France Insoumise.
Le capitalisme mondialisé occidental du XXIème siècle a du sang sur les mains, puisqu’on doit lui donner chaque année sur notre budget de l’Etat 157 milliards (chiffre du site ELUCID) en « aides aux entreprises », ne créant pas un seul emploi supplémentaire : l’argent étant envoyé illico dans les paradis fiscaux. On doit également donner aux entreprises 498 milliards d’euros en exonérations de cotisation patronales de sécurité sociale (chiffre 1992 -2018). Le capitalisme mondialisé occidental du XXIème siècle a du sang sur les mains, responsable de l’explosion du chômage et de la pauvreté de masse, histoire de dégager de nouveaux gains de productivité, à défaut d’avoir trouvé une nouvelle accumulation capitalistique. Le capitalisme a du sang sur les mains, dans sa volonté forcenée de faire monter l’action en bourse de façon forcenée. Diminuer sans limite le coût du travail. Résultat : en France, le chômage passe de 1 million en 1980 à 2 millions en 1988. 3 millions en 1997, 6,5 millions selon les chiffres de la DARES. 9 millions selon mes calculs, si on inclut les 2 millions de chômeurs cherchant un emploi par eux-même, les radiés…Le Capitalisme du XXIème siècle a du sang sur les mains, puisque 135 personnes ont autant de revenus que 3 milliards d’individus, se scandalise Alain Badiou dans son interview avec Olivier Delamarche sur France Info, février 2016. Le Capitalisme du XXIème siècle a du sang sur les mains, puisqu’il était prévu que la seule pandémie de Covid inventée en laboratoire par Fauci fasse 65 millions de morts (chiffre donné par le journaliste alternatif, Adam Israël Shamir dans son article : la boite de Pandore de juillet 2020, posté sur son blog la plume et l’enclume). Or, il n’a fait « que » 6,955 161 millions de morts au 18 août 2023. Et ce n’est pas tout : dans ses pronostics, le délicat Schwab du Forum international ne table-t-il pas sur l’élimination de 4 milliards de mangeurs de trop sur la planète, d’ici 2050, dan le cadre du “Grand Reset” ?
Côté communisme :
Pendant longtemps on nous a dit : tout le monde a du sang sur les mains. Après tout, ne nous dit-on pas que les dirigeants communistes sont des despotes infâmes. Leur pays, des dictatures sanguinaires. Un dirigeant comme Staline n’a-t-il pas 100 millions de morts au goulag sur la conscience, comme le fanfaronne Soljenistine, à la solde de la CIA ? Et son pote Stéphane Courtois dans le très mensonger livre noir du communisme.
Sauf que les archives s’ouvrent, que des informations nouvelles apparaissent. Et que de nouveaux livres d’histoire sont publiés. C’est le cas notamment des livres rédigés par Viktor Zemskov, historien russe non soviétique : « Staline et le Peuple », édition Delga, 2023. Grover Furr : Krouchtchev a menti, édition Delga, 2023.Aymeric Monville : Et pour quelques bobards de plus. Contre-enquête sur Staline et l’Union soviétique édition Delga, 2021. Madame Annie Lacroix-Riz : « Le livre noir de l’anticommunisme », 2014…
L’ouvrage de Viktor Zemskov, intitulé : « Staline et le peuple », éditions Delga, 2023, est particulièrement stimulant. Pour la première fois, l‘auteur a eu accès aux archives du GuéPéOu, contenant les chiffres du nombre de déportés au goulag, chiffres réservés jusque là aux seuls dignitaires du régime soviétique. Les chiffres du GuéPéOU évaluent à 4 millions le nombre de déportés aux camps du goulag soviétique et le nombre de morts à moins de 1 million. Inversement, le chiffre de 100 millions de morts annoncé, crié, téléphoné par le menteur Soljenistine est un fake de haut vol. Il en est de même de tout le supposé « totalitarisme de Staline » inventé par la bande des nouveaux philosophes « antitotalitaires » : BHL, André Glüscksmann, Claude Lefort, Jean Daniel Jacques Julliard… : ces derniers ne faisant que reprendre la littérature violemment anticommuniste et fallacieuse des conservateurs américains des années 1950. De la même façon, l’ouvrage rédigé par l’historien américain, Grover Furr, « Khrouchtchev a menti, op cit) montre de façon extrêmement précise, avec des tableaux du sens à donner à chaque affirmation de Nikita Khrouchtchev dans son rapport, montre que ce dernier a menti tout au long de son rapport. Inventant de toutes pièces des « crimes de Staline »(sic) totalement imaginaires.
A partir de là : « tout le monde a du sang sur les mains », faux jugement de Salomon se révèle être un jugement entâché d’erreur manifeste d’appréciation. Bien que je n’ai aucune illusion sur le faux communisme des pays de l’Est/ vrai capitalisme d’état mené par Staline et sa bande de petits-bourgeois (Béria, Krouchtchev, Trotsky, Boukharine, Malenkov, Mikoïan,…) entre 1924 et 1953, la simple honnêteté intellectuelle consiste à ne pas charger Staline de crimes et de morts qu’il n’a visiblement pas commis.
A partir de maintenant, et au vu des archives déclassifiées, il faut cesser de dire : tout le monde a du sang sur les mains. A la place, il faut dire : le capitalisme occidental, notamment les Etats-Unis, a vraiment du sang sur les mains. Ceux qui ont voulu construire en URSS le communisme et ont bâti un capitalisme d’Etat : non. Il faut cesser de renvoyer dos à dos communisme et capitalisme : d’une part, parce que le communisme n’a jamais été établi dans aucun pays de la planète. D’autre part, parce que les régimes s’en réclamant comme les pays de l’Est, si imparfaits soient-ils, n’ont pas de sang sur les mains à hauteur des crimes commis par les Etats-Unis et l’Allemagne de Hitler.
Avec la jumellité sensée exister entre Hitler et Statine, le capitalisme et le communisme, les idéologues anticommunismes opèrent, dans la tête des intellectuels sincèrement communistes comme Alain Badiou par exemple, un transfert de culpabilité : on transfère les propres crimes du capitalisme (dont la liste est immense, comme on vient de le voir) aux crimes inventés pour liquider l’idéologie communiste, par des idéologues anticommunistes au service de la CIA. C’est donc une opération psychologique, à laquelle se laisse prendre hélas beaucoup d’intellectuels communistes honnêtes comme Badiou. Je leur dis : “ressaisissez-vous : c’est un pur mensonge, que de faire croire que « tout le monde a du sang sur les mains », afin qu’ensuite que les Peuples ne fassent plus jamais la révolution” !
Notre rôle d’intellectuel critique et communiste est :1°)-Montrer le livre noir des crimes capitalistes, comme on a tenté de le faire modestement au début de cet article. 2°)-Populariser les livres de Viktor Zemskov, Grover Furr, Annie Lacroix-Riz, Aymeric Monville, prouvant que toutes les critiques de l’Union Soviétique reposent sur des bobards insensés inventés par les anticommunistes : de façon à ce que, plus jamais, personne ne dise : « tout le monde a du sang sur les mains ».
(1)-Que Alain Badiou ne se frappe pas, pour une fois que je suis en désaccord avec lui. Moi aussi, j’ai longtemps cru au caractère véridique du rapport Khrouchtchev. Cela remonte au PSU, lorsque j’avais 17 ans, et que j’étais à mon premier stage du PSU des Guyons, près de Briançon. Comme animateurs de ce stage, il y avait Bernard Ravenel, responsable du secteur international du PSU, et futur auteur du livre : “Quand la gauche se réinventait. Le PSU, histoire d’un parti visionnaire”, édition La Découverte, 2016. Et Serge Depaquit, membre du Bureau Politique du PSU, ex-responsable très brillant de l’Union des Etudiants Communistes. Il nous parlait beaucoup du PCF, d’Aragon et du rapport Khrouchtchev. Voilà comment les choses se sont passées. Durant le congrès de 1956, on a réuni à part les délégations étrangères, dont la délégation française avec Maurice Thorez : et on leur a parlé pendant deux heures des “crimes de Staline”(sic). Puis Thorez est rentré à Paris. Trois jours plus tard, il fit un meeting salle Wagram. Pas un seul mot sur le rapport Khrouchtchev ! Le rapport Khrouchtchev a été éventé par le PCI Togliattiste. Ce sont eux qui l’ont traduit, puis diffusé dans toute l’Europe occidentale. En France, il est même sorti en format de poche. Voilà pour le récit de Serge. Ensuite, dans le livre de Hamon et Rotman “Révolution”, qui parle de la génération 68, j’ai retrouvé le récit intégral de Depaquit.
Aujourd’hui, après avoir lu “Khrouchtchev a menti” de Grover Furr, je repense aux soupçons de Thorez, qui ne voulait pas en parler Salle Wagram. Dès cette époque, certains dirigeants communistes soupçonnaient ce livre d’être un faux