Sur le silence des intellectuels de gôche, qui a rendu possible l'arnaque et la malfaisance des nouveaux philosophes ...!
Article rédigé par Brigitte Bouzonnie, à partir du livre d'Alain Badiou :"Eloge de la Politique", édition Café Voltaire-Flammarion, 2017 et Dominique Kern, professeur de philosophie à la retraite
Les nouveaux philosophes style BHL se sont imposés en lieu et place de nos grands philosophes passés : Jean-Paul Sartre par exemple. Ils nous ont vendu le capitalisme mondialisé sous hégémonie américaine, comme seul espace des possibles. Le plus incroyable est que personne n’a moufté. BHL et ses potes n’ont subi aucune attaque frontale de la part des supposés intellectuels de gôche.
Le seul à s’être insurgé contre cette pure arnaque est Alain Badiou, qui a rédigé avec Aude Lancelin un ouvrage intitulé : "Eloge de la Politique", édition Café Voltaire-Flammarion, 2017 : où il analyse de façon très lucide l'aventure des nouveaux philosophes. Voilà ce qu'il écrit :
1°)- Alain Badiou : "Oui la faillite des états socialistes est notre vrai difficultés. Ellle a permis la contre-offensive bourgeoise généralisée qui s'est déployée à partir des années 80, et dont un des épicentres idéologiques a été la France. Car la France a produit le plus grand nombre d'intellectuels anti-totalitaires-en réalité réactionnaires convaincus- mis à la disposition du monde entier, si je puis dire. Avec Bernard Henri-Lévy, avec André Glüscksmann, ou encore avec jean-Claude Milner ou jacques-Alain Miller, nous avons bénéficié, pour notre malheur, d'une figure intellectuelle inédite : le renégat triomphant. Tous ces jeunes gens- à l'époque vers 1970-avaient trempé dans le maoïsme activiste. Je les ai vus lancer des pavés dans les vitrines des banques américaines pour soutenir la guerre de libération nationale des vietnamiens ; je les ai vus taper du pied sur une estrade d'amphi universitaire en disant qu'il fallait bruler tous ces temples du savoir bourgeois, je les ai vus courir à travers champ, les CRS à leurs trousses, après avoir tenté d'occuper en force l'usine Renault à Flins ; je les ai entendus crier : "Marx ! Engels ! Lénine-Staline-Mao, vive la Révo-lution ! " Je les ai entendus me traiter de "droitier", parce que j'émettais quelques doutes sur leurs méthodes activistes, leur violence symbolique, leur fanatisme inapproprié aux circonstances et leur tapage médiatique.
Et puis déçus que tout ça ne leur ait rien rapporté de tangible, ils ont pris la posture rentable de qui a fait l'expérience, d'après eux creuse et quasi criminelle, du totalitarisme communiste, et peut donc prêcher en connaissance de cause le libéralisme, la démocratie parlementaire, les droits de l'Homme, et souhaiter l'intervention démocratique de l'armée américaine et des parachutistes français partout où cela chauffe. Et ils ont fait des livres "philosophiques" avec toute cette bouillie libérale et confite" (sic).
2°)- Brigitte Bouzonnie :
2.1°)-D’abord, on pointera LE SILENCE entourant des nouveaux philosophes, au début de leur entreprise : Le problème, ce n'est pas de démolir la piètre analyse des "nouveaux philosophes" contre le “totalitarisme” de l’URSS, au profit de l’impérialisme américain partout dans le monde. Elle se fait d'un claquement de doigts. Le problème, c'est l'incroyable SILENCE qui a accompagné et RENDU POSSIBLE la prise de pouvoir de BHL dans le champ idéologique en 1977, lorsqu'ils sont apparus. Et au cours des années suivantes : où presque personne n'a moufté.
Certes, nous eûmes des critiques de qualité, avec Gilles Deleuze, Louis Pinto, Pierre Bourdieu lui-même, quoiqu'à la marge. Mais ce n'étaient pas des critiques "lutte des classes" des nouveaux philosophes, montrant comment ces derniers étaient des machines à désorienter les consciences en cette fin d'années 70 : alors que le mouvement social commençait à refluer : baisse du nombre de journées de grèves et de cartes dans un syndicat à partir de 1976.
La Bourgeoisie nous a imposés ses "philosophes" à la fin des années 70, exactement comme elle nous a imposés Macron Président en 2017...!
C'est ce hold up du champ intellectuel français, dominé aujourd’hui par ces pseudo idéologies à deux neurones, qu'il faut à présent démolir. Déconstruire pour en montrer l'imposture. Souligner son lien avec l'offensive libérale de la fin des années 70, qui nous impose au même moment la mondialisation, et la casse du statut du salarié fordien. Or, malheureusement, elle a été rendue possible, parce que les critiques molles dont BHL a fait l’objet en 1977 ne posaient pas le problème de la lutte des classes. Naturellement depuis, des intellectuels sont montés au créneau, mais à mon avis beaucoup trop tard, et de façon trop généraliste : contre l'entreprise libérale et non contre les nouveaux philosophes proprement dit...!
Voilà pourquoi, ces critiques n'ont pas empêché leur "gloire" et leur "triomphe" pendant 30 ans. Certes aujourd'hui, dans son ouvrage "Eloge de la Politique", Badiou développe enfin une analyse très lucide, très "lutte des classes" sur l'arnaque des nouveaux philosophes, comme élément culturel de la contre offensive de la Bourgeoisie libérale contre le mouvement social post-68ard. Mais cette analyse arrive avec 40 ans de retard. Idem pour l'épisode Botul, dénoncé fort justement par Aude Lancelin dans l'Obs : mais cette critique n'intervient qu'en 2010. Malgré des cailloux ici et là, la caravane des nouveaux philosophes a passé allègrement tous les obstacles. Elle a triomphé pendant 30 ans. Continue vaille que vaille son chemin avec Raphaël Enthoven et Raphael Glücksmann, dont personne ne conteste les sottises libérales dans leurs nombreux passages média...!
Un homme a rompu ce silence : il s'agit de Guy Hocquenghem, auteur du célèbre ouvrage "Lettre ouverte à ceux qui sont passés du col Mao au Rotary", édition Albin Michel, 1986. Mon livre de chevet politique. Il a dénoncé la figure du "renégat triomphant" mentionné par Badiou ; voilà ce qu'il écrit avec sa plume virtuose : "Votre pouvoir insolent s'est établi sous la gauche, mais il n'est ni de droite, ni de gauche, il est d'un âge : celui qui est parti de Mao-Mai pour arriver au Rotary et aux Rolls. Directeur de journaux et convertis du nucléaire, capitalistes récents et stratèges de la dissuasion, vous avez renié à tour de bras vos idées, mais pas vos structures mentales ni vos méthodes. Ni droite ni gauche, mais la pire des deux ensemble ; fidèles au plus dangereux style manipulatoire des groupuscules, quand vous avez renoncé à l'utopie généreuse qu'ils prétendaient servir ; plus que "récupérés", portant votre crachat de renégat en sautoir, vous êtes la légion du déshonneur, les décorés e la volte-face ; et de plus, vous prétendez donner des leçons de permanence dans la souplesse"(sic).
On n'a pas oublié la super dérouillée que s'est prise Hocquenghem chez Pivot, par les nouveaux philosophes eux même. Glucksmann allant même jusqu'à dire à son compère : "Arrête, tu vas en faire un martyre...!"(sic) Une arrogance de ton qui montre combien ces jeunes loups se sentaient appuyés, protégés en haut lieu idéologique, politique et surtout économique...! Or, cette émission d’Apostrophes est aujourd’hui introuvable sur l’INA. Elle a été remplacée par une seconde émission entre Pivot et Hocquenghem beaucoup plus “convenable”.
2.2°)-Comment ces pseudos philosophes, qui avaient loupé Mai 68, n'ont eu de cesse ensuite de donner des leçons de politique et de morale : Badiou traite les nouveaux philosophes d'"activistes maoïstes" un peu bornés. Hocquenghem pas du tout. il est beaucoup plus sévère que Badiou. Pour lui, BHL n'a jamais fait Mai 68 : voilà ce qu'il écrit à son sujet : "Avoir raté, à ce moment là, ton BAC de révolutionnaire à déréalisé toute ta carrière. Tu es devenu le bachoteur perpétuel, en rattrapage continu de ce qu'il n'a pas vécu ; comme Sollers, qui était au parti communiste en Mai 68 ne sera jamais assez Mao après coup : tu ne te pardonneras jamais d'avoir raté, non l'insurrection, mais l'occasion d'être chef" (sic).
Ainsi, ces pseudo-révolutionnaires, depuis le départ, se sont habillés de l'habit avantageux de "révolutionnaire déçu" qu'ils n'avaient jamais été. Et n'ont eu de cesse de donner des leçons de morale politique, "d'anti totalitarisme", avec l'aplomb, l'expérience et le travail acharné d'un véritable intellectuel reconnu par ses pairs ! Avec les nouveaux philosophes, l'imposture est totale : et personne, mise à part Hocquenghem qui n'est hélas plus là, et Alain Badiou, ne le dit...!
Personne pour pointer la malfaisance des nouveaux philosophes, sauf Alain Badiou qui écrit avec lucidité : “Les français de type BHL ont surtout joué le rôle très important en fin de compte, de qui se propose de liquider tout ce que représentait l’intelligentsia française révolutionnaire, du point de vue mondial” (sic). Rien de plus juste. Du jour au lendemain, le champ intellectuel français prestigieux anti système a été décanillé par ces sombres médiocres, au profit d’un ralliement craintif à l’idéologie mondialiste de Thatcher, mitterrand et Reagan. Au profit d’une daube non marxiste, non révolutionnaire. Et tout le monde a trouvé cela “normal”, “allant de soi”, “sans importance” !
2°)- Dominique Kern : Tu oublies Brigitte l'offensive structuraliste, qui s'opposait de fait au Marxisme à laquelle ont participé des "intellectuels communistes" comme Althusser du temps où il était encore lucide. Mais aussi du Lacanisme qui a fait un mal fou à la pensée philosophique...La gauche a disparu avec le Parti Communiste à laquelle elle voulait s'adosser, alors que Marchais n'a jamais voulu être de gauche...La vogue de la sociologie aussi a fait des dégâts ...Tous cela n'a jamais été analysé sauf par Pierre Fougeyrollas dans son livre jamais réédité sur la question du structuralisme ...
OU SITUER LA FRENCH THEORIE DANS CE MAGMA...? Où situer Foucault (anti marxiste), Derrida, même Deleuze Guattari ?! Qui avait conscience de l'existence de ce magma, même Maffélosi qui a été la dernière idole universitaire ! ...
Est ce que la disparition du Marxisme dans l'Université a détruit le PC ou est-ce son ralliement à l'Union Européenne ? Je pense que "la gauche" s'est suicidée dans son ralliement à Mitterrand, pour vaincre la droite... Cela ne fonctionne pas comme ça du tout ...