Reuben Efron, l’espion juif de la CIA qui interceptait le courrier de l’assassin de JFK
Article publié le 23 aout 2023 par Laurent Guyénot sur le site Réseau International
De nouveaux documents récemment déclassifiés ont révélé l’identité de cet immigrant juif de Lituanie, qui aurait aussi vécu à Jérusalem.
La liste des agents israéliens impliqués dans le crime du siècle ne cesse de s’allonger. Même les routes les mieux fréquentées de la recherche sur l’assassinat de JFK semblent converger inévitablement vers la piste israélienne :
• Les enquêteurs qui, comme Phillip Nelson, incriminent Lyndon Johnson, finissent par découvrir une fosse aux serpents de sayanim dans sa Maison-Blanche («LBJ : From Mastermind to «The Colossus» et Remember the Liberty»).
• La piste de la CIA converge sur James Jesus Angleton, le chef du contrespionnage et du Bureau Israël à la CIA, que Jefferson Morley, son dernier biographe, découvre de mèche avec la crème du Mossad («The Ghost : The Secret Life of CIA Spymaster James Jesus Angleton»).
• Jack Ruby, l’homme qui a éliminé le patsy Lee Harvey Oswald, s’appelait Jacob Rubenstein. Proche de Mickey Cohen, il appartenait comme lui à la mafia de Meyer Lansky et s’était impliqué dans le trafic d’armes pour le compte de l’Irgoun. Son avocat et son rabbin ont tous deux témoigné qu’il avait déclaré avoir agi «pour les juifs» (Seth Kantor, «The Ruby Cover-up»).
• Clay Shaw, la seule personne (à part Oswald) à avoir été inculpée pour l’assassinat (par Jim Garrison), était membre du conseil d’administration de Permindex, «une entreprise de trafic d’armes et de blanchiment d’argent du Mossad» présidée par Louis Bloomfield, un partisan dévoué de la cause israélienne et du Mossad (Michael Collins Piper, «Final Judgment»)
• Arlen Specter, qui au sein de la Commission Warren imposa la thèse de la «balle unique» (dite «balle magique»), a été honoré à sa mort par le gouvernement israélien comme «un défenseur inébranlable de l’État juif», et par l’AIPAC, comme «un architecte de premier plan du lien au Congrès entre nos pays et Israël».
• Abraham Zapruder, l’homme dont la caméra n’a pas tremblé lorsque la tête de Kennedy a explosé, avait son bureau dans l’un des nids de snipers, le bâtiment Dal Tex surplombant Dealey Plaza, propriété de David Weisblat, un financier du B’nai B’rithiv.
• George DeMohrenschildt, ami proche d’Oswald à Dallas, se plaignait que «la mafia juive» était à ses trousses avant d’être retrouvé mort d’une balle dans la tête en 1977 (d’après le rapport de police et le témoignage de sa femme).
Et bien sûr, nous devons ajouter à l’équation le profil criminel d’Israël établi au cours des soixante dernières années. Grâce à Ronen Bergman, auteur de «Lève-toi et tue le premier. L’histoire secrète des assassinats ciblés commandités par Israël», nous savons que les services secrets israéliens n’ont jamais eu d’inhibition à éliminer toute personne perçue comme une menace pour la sécurité nationale d’Israël, en particulier pour le monopole nucléaire d’Israël au Moyen-Orient.
Cerise sur le gâteau, voici maintenant Reuben Efron, «l’espion juif [et israélien] de la CIA qui interceptait le courrier de [Oswald]», dont Jefferson Morley a par ailleurs souligné le lien avec Angleton.
Vous retrouverez tous les indices importants de l’implication d’Israël dans l’assassinat de John Kennedy dans mon livre «Qui a maudit les Kennedy ?», et un résumé dans le film réalisé par ERTV «Israël et le double assassinat des frères Kennedy», tous deux disponibles chez KontreKulture.
Laurent Guyénot
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par Ron Kampeas
Depuis des dizaines d’années, les analystes amateurs qui tentent de percer les mystères entourant l’assassinat de l’ancien président américain John F. Kennedy tentent de découvrir l’identité du responsable chargé d’intercepter le courrier du futur assassin, qui était suivi par la CIA avant son assassinat.
Selon les conspirationnistes, cette personne aurait compris les relations de Lee Harvey Oswald avec l’Union soviétique, ouvrant ainsi la voie à de nouvelles pistes sur un éventuel complot communiste contre Kennedy, ou sur le plan mis en place par le gouvernement américain pour dissimuler l’identité du véritable meurtrier.
Le mois dernier, un nouveau document déclassifié, parmi des milliers de documents liés à Kennedy, a révélé l’identité de la personne chargée de surveiller le courrier pour la CIA : Reuben Efron, lieutenant-colonel de l’armée américaine et immigrant juif de Lituanie.
Le New York Times a été le premier à révéler l’identité d’Efron et s’est interrogé dans son article sur les implications que cela pouvait avoir : «Une piste prometteuse pour démêler un complot complexe que le gouvernement tente d’étouffer depuis des dizaines d’années ? Une preuve supplémentaire que la CIA en savait plus sur Oswald que ce qui avait été initialement reconnu ? Ou un détail sans importance dissimulé pendant tout ce temps en raison d’impératifs bureaucratiques sans aucun rapport avec la question de savoir si Oswald était bien le tireur solitaire le jour fatidique ?»
Si une recherche approfondie sur l’identité juive d’Efron ne répond à aucune de ces questions, elle révèle qu’Efron a non seulement travaillé comme espion, mais qu’il possédait également un savoir détaillé des espions juifs anciens.
La Jewish Telegraphic Agency a confirmé qu’Efron a vécu en Israël avant sa mort le 22 novembre 1993 – 30 ans jour pour jour après l’assassinat de Kennedy. Durant son séjour, il a contribué à cinq articles dans les années 1970 au Jewish Bible Quarterly, une publication affiliée à l’Organisation sioniste mondiale basée à Jérusalem (WZO), qui a fait appel à son expertise dans le domaine de l’espionnage.
«Rahab et ses quartiers étaient surveillés par une équipe de contre-espionnage du roi de Jéricho, qui a rapidement établi que les deux hommes qui rendaient visite à Rahab étaient en fait des espions israélites», écrit-il dans l’un des essais, faisant référence à une courtisane de Jéricho qui, selon le livre de Josué, a aidé les Israélites à organiser la déroute des Canaanites. Selon Efron, Rahab était «le prototype d’une Mata Hari», la courtisane devenue (un peu) espionne pendant la Première Guerre mondiale.
Dans l’un de ses articles, Efron aborde directement le problème des espions qui évaluent mal la cible devant être surveillée, une critique souvent formulée au sujet de son interprétation d’Oswald. Il écrit, à propos des dix espions qui, dans le livre des Nombres, reviennent vers les Israélites troublés par leur aventure à Canaan, que «les explorateurs militairement inexpérimentés semblaient avoir été indûment impressionnés par les prouesses de l’ennemi et, comme c’est souvent le cas avec les Orientaux, avaient exagéré ses capacités».
Ces essais, dont trois ont été publiés dans une série intitulée «Military Intelligence in the Bible», ne contribuent guère à éclaircir les mystères de l’assassinat de Kennedy ou la vie intérieure de l’homme qui a lu le courrier d’Oswald. Mais ils nous apprennent comment il a passé sa retraite.
Efron est né Ruvelis Effronas à Simnas, en Lituanie, le 12 avril 1911. Il y a fréquenté un lycée juif (un «gymnase hébraïque», comme il l’a lui-même appelé), puis l’université Vytautas Magnus, dans ce qui est aujourd’hui la ville de Kaunas. Pendant cinq ans il a exercé le droit dans cette ville, un centre florissant de la vie juive lituanienne qui allait devenir le site du plus grand ghetto du pays sous le régime nazi, avant de rejoindre son frère parti pour les États-Unis avant lui.
Efron a immigré aux États-Unis en décembre 1939, arrivant à Miami via Cuba. Les documents d’immigration américains indiquent qu’il a travaillé comme vendeur. Selon un récit familial compilé par un parent, il s’est inscrit à l’automne suivant à l’école de droit d’Atlanta, un cours du soir qui a fermé ses portes dans les années 1990. Il a travaillé dans un magasin de vêtements du centre-ville d’Atlanta jusqu’à l’obtention de son diplôme en 1943.
Il parlait le russe, le lituanien, l’hébreu, le yiddish et l’allemand, et s’est engagé dans l’armée de l’air pendant la Seconde Guerre mondiale en tant qu’interprète, peut-on lire dans un avis de décès publié dans le Miami Herald. Après la guerre, précise l’avis de décès, il a joué un rôle dans les négociations de paix et dans les pourparlers relatifs à la réinstallation des réfugiés de guerre – parmi lesquels se trouvaient peut-être des membres de sa propre famille, à l’exception de sa mère, qui, selon la généalogie publiée, a été assassinée pendant la Shoah.
Efron a travaillé pendant des décennies pour le gouvernement américain, tenant des fonctions qui ne sont révélées qu’au fur et à mesure que des documents secrets du gouvernement sont rendus publics. Dans le récit familial, on lit seulement : «Reuben a travaillé pour le Pentagone».
Outre son rôle désormais révélé d’intercepteur du courrier d’Oswald, Efron apparaît dans un autre document déclassifié traitant d’un domaine qui a suscité chez les chercheurs amateurs un engouement aussi intense, sinon plus, que l’assassinat de Kennedy.
En octobre 1955, Efron voyageait en train en Union soviétique avec le sénateur américain Richard Russell, un démocrate de Géorgie, et un haut responsable de l’armée américaine. Les trois hommes rapportent avoir vu deux «avions circulaires et non conventionnels ressemblant à des disques volants ou à des soucoupes volantes… décollant presque verticalement à une minute d’intervalle».
«Après les avoir aperçus, les employés soviétiques des trains se sont excités, ont baissé les rideaux et ont refusé de regarder par les fenêtres», peut-on lire dans le rapport de 1955, qui a été déclassifié en 2004. «Les observateurs américains étaient convaincus que ces avions non conventionnels étaient des soucoupes volantes ou des avions à disque».
À la retraite, Efron semble avoir apprécié de pouvoir donner son avis en toute liberté. Vivant à Washington en 1971, il a écrit au New York Times pour exhorter l’administration Nixon à rejeter les propositions d’une force conjointe américano-soviétique pour contrôler la paix entre l’Égypte et Israël, affirmant que cela «communiserait toute la région».
On ignore s’il a jamais officiellement immigré en Israël en vertu de la Loi du retour, qui accorde automatiquement la citoyenneté aux juifs qui s’installent dans le pays, mais l’avis de décès du Miami Herald indique qu’Efron «a fait la navette entre Israël et les États-Unis pendant de nombreuses années, au cours desquelles il a étudié le droit israélien et a été admis au barreau israélien». L’avis indique qu’Efron a été inspiré par le travail de sa mère en Lituanie auprès des Juifs souhaitant immigrer en Palestine mandataire.
En 1982, Efron vivait sur la rue Keren Hayesod à Jérusalem, à la frontière du quartier de Rehavia, d’après des archives généalogiques. Rehavia, aujourd’hui un quartier chic, était alors une enclave verdoyante et quelque peu délabrée, où vivaient des yekkes (juifs allemands) vieillissants, dont beaucoup étaient issus du milieu universitaire et étaient arrivés dans la région dans les années 1930, fuyant les nazis.
L’adresse aurait été à 10 minutes de marche des bureaux du Jewish Bible Quarterly, la publication pour laquelle Efron écrivait.
Un membre du personnel du Jewish Bible Quarterly a vérifié auprès des retraités survivants qui y ont travaillé à la fin des années 1970, mais aucun ne se souvenait avoir travaillé avec Efron. La plupart des contributions d’Efron au trimestriel ont pourtant été préservées. La JTA a pu retrouver trois de ses cinq essais.
Efron se présente comme un passionné de l’histoire, convaincu, comme le sont les fondamentalistes, que la Bible reflète un récit historique exact.
«La Bible rapporte fidèlement la personnalité charismatique de David, son charme physique, ainsi que ses faiblesses et ses lacunes éthiques», écrit Efron, qui passe en revue les techniques secrètes employées par David et Jonathan dans le livre de Samuel pour déterminer si Saül, le père de Jonathan, avait l’intention d’assassiner David.
Comme il sied à quelqu’un qui écrit pour une publication de l’Organisation sioniste mondiale, Efron a établi des parallèles entre l’Israël ancien et moderne, et trouve beaucoup à louer dans les deux expressions nationales.
«Il est intéressant de noter que, dans les temps anciens comme dans ceux plus récents, le peuple d’Israël a tenu ses promesses et ses engagements envers ses voisins», écrit-il, décrivant le respect par Josué de sa promesse de protéger les Gibéonites malgré leur tromperie, à savoir les activités d’espionnage qui sont le sujet principal de l’article.
Efron a utilisé les récits de l’espionnage moderne d’Israël pour établir un continuum entre les temps bibliques et le 20e siècle.
«Un exemple récent d’une telle réunion secrète dans le cadre des relations internationales d’Israël est la rencontre, aujourd’hui bien célèbre, mais à l’époque très discrète, entre l’ancien ministre des Affaires étrangères Moshe Dayan et le vice-Premier ministre égyptien de l’époque, Muhammed Hassan al-Tohami, au Maroc en septembre 1977, qui a jeté les bases de la visite historique du président égyptien Sadate à Jérusalem», écrit-il dans l’article consacré à David et Jonathan.
Les détails de l’identité et des antécédents d’Efron intéressent beaucoup moins la communauté des amateurs de théorie du complot sur l’assassinat de JFK que le fait qu’un haut responsable de la CIA surveillait Oswald, ainsi que la perspective alléchante qu’il y avait encore des choses à découvrir.
«Ce document prouve que des officiers de haut niveau au sein de la CIA s’intéressaient aux moindres détails de la vie d’Oswald 17 mois avant l’assassinat de Kennedy», a déclaré Jefferson Morley, auteur de nombreux ouvrages sur la CIA et sur Kennedy, sur son blog, JFK Facts, après la nouvelle révélation. «Si Oswald était réellement un ‘tireur isolé’, comme le croit une minorité substantielle d’Américains, les services secrets avaient accès à bien plus d’informations personnelles sur lui que la plupart des gens ne le savent».
Efron avait une femme, Edna, un frère, Irving, et pas d’enfant. L’avis de décès publié dans le Miami Herald note : «C’était une personne très diligente et modeste».
source : Times of Israel