Retour sur la création d'un nouvel article du code du travail créant un pouvoir de décision aux membres de comité d'entreprise
Débat entre Jean-Pierre Combe, membre du Pôle pour la Renaissance du Communisme Français et Brigitte Bouzonnie du 4-5 août 2023
1°)- Nouvel article du code du travail créant un pouvoir de décision aux membres du comité d’entreprise
Le comité d’entreprise constitue la structure essentielle du contrôle ouvrier. Créé par les ordonnances du 22 février 1945, le comité d’entreprise ne bénéficie à ce jour que d’un vague droit de regard sur la vie économique de l’entreprise. Dans la perspective qui est la nôtre, des changements substantiels sont à attendre.
Proposition n°40 : Le rassemblement Pouvoir au Peuple dote le comité d’entreprise d’un véritable pouvoir de décision, tant sur les choix économiques de la structure, que sur le niveau de l’emploi dans l’entreprise.
Le comité d’entreprise dispose aussi et sans réserve d’une information complète sur l’activité de l’entreprise, ce qui suppose la levée du secret bancaire. Et l’ouverture permanente des livres de compte, permettant un contrôle de la formation des prix et des mouvements de marchandises.
Le Comité d’entreprise dispose d’un droit de véto sur toutes les questions touchant directement le sort des salariés : emploi, tout ce qui concerne les licenciements en cours. Modification des conditions de travail. Grille de qualification. Il dispose d’un droit d’appel suspensif sur certaines décisions de la direction : prix, investissement, décision de délocalisation, échange extérieur…
En cas de litige entre l’employeur et le comité d’entreprise, l’inspection du travail est saisie et statue dans un délai de quinze jours
Le président du Comité d'Entreprise est obligatoirement élu par les représentants des salariés. En aucune façon l’employeur ne peut présider un comité d’entreprise.
Les fonctions de président du comité d’entreprise seront précisées par décret, ainsi que celles de son équipe de direction. Il importe de préciser non seulement les fonctions de trésorier et de secrétaire, mais aussi les fonctions techniques, dont les responsables doivent eux aussi répondre devant l'assemblée générale des travailleuses et travailleurs.
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La légalisation de comités d’entreprise dotés d’un véritable pouvoir de décision constituent une véritable révolution dans la répartition du pouvoir au sein de l’entreprise, depuis le capitalisme à ses débuts.
La création de comités d’entreprise ayant un véritable pouvoir de décision est une véritable révolution, qui met fin à la figure du patron tout puissant dans l’entreprise, seul maitre après dieu. Et de salariés considérés comme des fourmis au pouvoir tout juste consultatif.
La publication d’une loi publiée au Journal Officiel de la république Française ne suffit pas à imposer les nouveaux comités d’entreprise disposant d’un véritable droit de décision. Voilà pourquoi, l’imposition réussie d’une logique autogestionnaire ne passe pas seulement par une seule démarche législative. Elle se fait aussi à la base, dans les entreprises, dans les luttes sociales.
Seule une lutte sociale réussie est de nature à créer un rapport de forces suffisant, capable de faire céder les réticences patronales. En imposant la logique autogestionnaire par les luttes, nous reprenons à notre compte la stratégie autogestionnaire par les luttes, préconisée par le grand responsable syndical cédétiste des années 1970 : Frédo Krumnov.
2°)-Débat entre Jean-Pierre Combe et Brigitte Bouzonnie sur le droit de décision donné à chaque comité d’entreprise
1°)- Brigitte Bouzonnie : Le texte de l'ordonnance de Ambroise Croizat de février 1945 se contente de donner "un droit de regard du comité d'entreprise (CE) sur la vie économique de l'entreprise" : autrement dit un pouvoir consultatif. "Pouvoir au Peuple" demande un vrai pouvoir de décision donné aux membres du Comité d’Entreprise, nuance.
2°)-Jean-Pierre Combe : Moi, je ne pense pas que la participation des représentants des ouvrières et ouvriers aux décisions de gestion de l'entreprise soit de nature à mettre cette entreprise en danger. A voir ce qui se passe depuis trois quarts de siècle dans l'industrie française, je pense que nos entreprises sont en danger, si les ouvrières et ouvriers ne participent pas à leur direction. Donc, je suis d'accord pour revendiquer que les Comités d’entreprise possèdent un vrai pouvoir de direction sur les entreprises. Mais attention: revendiquer cela, c'est déclarer la guerre à ceux dont le pouvoir vient de leur droit de propriété : c'est déclarer la révolution ! Je suis évidemment pour !
Par ailleurs, je ne crois pas qu'une rotation d'un représentant du personnel et du chef d'entreprise soit souhaitable : attention : le président (tournant ou pas) du Comité d'entreprise doit être un salarié de l'entreprise.
De plus, les fonctions de président du comité d’entreprise doivent être précisées. Ainsi que leur rapport à d'autres fonctions nécessaires elles aussi dans une équipe de direction. Je ne pense pas seulement aux fonctions de trésorier et de secrétaire, mais aussi aux fonctions techniques, dont les responsables doivent eux aussi répondre devant l'assemblée générale des travailleuses et travailleurs.
3°)- Brigitte Bouzonnie : -Oui, tu as raison : le droit donné au comité d’entreprise de décider, à l’égal de l’employeur est une véritable machine de guerre contre ce dernier, si les salariés s’en emparent vraiment.
De fait, l’application du droit de décider par les membres du comité d’entreprise peut donner lieu à deux cas de figure :
3-1°)- Le risque de « réunionite » : souvenons-nous de la quatrième loi Auroux du 4 août 1982 de développement de l’expression des salariés. L’objectif de cette loi était juste de réunir les salariés. De les faire parler sur leurs conditions de travail dans l’entreprise. Au début, cette loi a très bien marché : il y avait beaucoup de procès-verbaux de réunions organisées en application de la loi du 4 août, qui remontaient à la Direction des Relations du Travail du Ministère du Travail, où je travaillais alors. Puis, le flot s’est épuisé. Ratatiné. Tari. Les salariés avaient tout dit. Cela n’avait rien changé à leurs conditions de travail. On les avait fait parler pour rien. Donc, il y a un risque réel, que la loi votée, la création d’un nouvel article du code du travail publié au Journal Officiel créant un véritable pouvoir de décision pour le comité d’entreprise, ne génère que l’indifférence des salariés. Une vague réunionite sans lendemain.
3-2°)- Le risque d’un conflit entre les membres du comité d’entreprise et l’employeur : au contraire, l’autre risque est que les membres du comité d’entreprise entrent en conflit avec l’employeur sur une décision à prendre : par exemple, l’employeur veut délocaliser l’entreprise en Pologne pour diminuer les coûts du travail, et les membres du comité d’entreprise sont contre. Dans ce cas, l’inspecteur du travail est saisi et statue dans un délai de quinze jours.
Il faut donc rajouter à la proposition n°40 du Rassemblement Pouvoir au Peuple l’alinéa suivant :
En cas de litige entre l’employeur et le comité d’entreprise, l’inspection du travail est saisie et statue dans un délai de quinze jours.
-Afin de tenir compte de tes remarques, il importe aussi d’ajouter l’alinéa suivant : Les fonctions de président du comité d’entreprise, obligatoirement salarié de l’entreprise, seront précisées par décret, ainsi que celles de son équipe de direction. Il importe de préciser non seulement les fonctions de trésorier et de secrétaire, mais aussi les fonctions techniques, dont les responsables doivent eux aussi répondre devant l'assemblée générale des travailleuses et travailleurs.
-J’ai tenu compte de tes remarques, supprimé la notion de direction tournante du comité d’entreprise