Requiem pour la french theory : Foucault, Deleuze, Derrida, Badiou... : apports et critiques de cet ouvrage
Vidéo Café marxiste réalisée par Aymeric Monville, septembre 2024 + commentaires rédigés par Brigitte Bouzonnie le 5 novembre 2024
J’ai lu le livre rédigé par Aymeric Monville et Garbiel Rockhill intiulé : “Requiem pour la french theory”, édition Delga, 2024. Je dirai que dans ce livre, il y a à boire et à manger. Par exemple, nos deux philosophes ne donnent aucune définition sérieuse et précise du mot “anti-communisme”. Or, c’est un mot valise, polysémique à souhait :
1°)- Par anticommunisme de gauche, on peut parler de tout intellectuel ou militant politique critiquant un peu sérieusement l’échec de la Révolution bolchevique, devenue un capitalisme d’état, avec des apparatchiks (Béria, Kerouchtchev), vivant sur un grand pied : alors que le peuple soviétique végète de façon misérable. On peut aussi dénoncer la sclérose intellectuelle de l’idéologie communisme, à partir des années 1950 : comme le montre à l’évidence les bureaucrates de la CGT de cette époque, toujours à la traîne de tout conflit en cours : par exemple, Georges Séguy attend le 18 mai 1968, pour lancer la fédération CGT des cheminots qu’il dirige dans la paralysie sociale de la France. Et des grèves généralisées, alors que l’on compte déjà 17 millions de grévistes.
Ces critiques sont fondées et justifiées. Pour ma part, je veux bien remettre en cause un certain anticommunisme imbécile dans ma tête : mais je ne renonce pas à une critique de gauche du communisme réel : il s’agit là de faits têtus, que personne ne peut contester. Leur prise en compte est nécessaire, si on veut construire une nouvelle émancipation du Peuple français, comme se propose de le faire “Pouvoir au Peuple”.
J’ai beaucoup de sympathie pour le PRCF : leurs cadres et leurs militants de base, amis de toujours sur Facebook : Jean-Pierre, Christophe, Monika, Diane.... En revanche, je ne suis pas d’accord, lorsqu’ils disent que les gens ont eu tort, à compter des années 1960, de délaisser l’idéal communiste soviétique : il existe des raisons importantes à celà. Et on ne peut pas reprocher aux philosophes de la french théory, comme Alain Badiou et d’autres comme les cadres du PSU, où j’ai milité dix ans, de faire une critique aboutie de l’expérience des pays de l’Est.
2°)- En revanche, il importe de critiquer l’anticommunisme de droite féroce et mensonger véhiculé par la CIA contre tout projet populaire révolutionnaire, à l’image de la révolution de 1917. Faisant croire à l’existence de “100 millions de morts au Goulag” : une foutaise de première, comme le montre très bien le livre de Viktor Zemskov : Staline et le Peuple, édition Delga, 2023. Celui-ci, s’appuyant sur les statistiques privées du GPU réservés aux cadres soviétiques, conclut à l’existence de 1 million de morts dans les camps soviétiques, dont de nombreux détenus de droit commun, nuance !
Historiquement, s’en est suivie une lutte de définitions entre ces deux approches de l’anticommunisme : de gauche et de droite. Historiquement toujours, c’est la CIA qui a gagné et imposé mondialement sa vision mensongère grossière du régime de l’Union soviétique. Cette vision erronée du communisme, il importe bien sûr de la combattre de toutes ses forces.
On regrette que le livre de Aymeric Monville critique l’anticommunisme, comme s’il s’agissait d’un tout monolithique : alors qu’il renvoie de fait à deux définitions pratiquement opposées. Si l’anticommunisme de droite est condamnable, il n’en est pas de même de l’anticommunisme de gauche, que nous revendiquons en 2024.
En revanche, le livre pointe avec intérêt comment la CIA a imposé l’enseignement quasi obligatoire des philosophes de la french theory sur tous les campus américains : ce qui explique notamment le succès de Alain Badiou, chaque fois qu’il se rend aux Etats-Unis, où il est acclamé comme une star. Sur Youtube, vous trouvez des vidéos de jeunes américains explicitant la pensée de Alain Badiou : preuve de l’intérêt qu’elle suscite Outre-Atlantique. Lorsqu’on écoute ces vidéos, on découvre un Badiou très “académique” et “apolitique” : rien à voir avec l’auteur de : “De quoi Sarkosy est-il le nom ? ( 2009), ses passage médias sur le plateau Ce soir au jamais (2014) ou lorsqu’il animait l’émission Contre courant sur Médiapart avec Aude Lancelin ( 2017) : celui-ci prenait les prises de position politique courageuses que l’on sait contre Valls et Macron.
Evidemment, on critique comme il se doit la manipulation intellectuelle malhonnête fomentée par la CIA : sans pour autant s’en prendre aux philosophes de la french theory eux même : tant cette opération a été faite, indépendamment de leur volonté. C’est dommage qu’il ne développe pas davantage cet aspect des choses.
Reconnaître que les intellectuels français non communistes ont été instrumentés par la CIA dans une opération de basse police intellectuelle, avec force argent et publications : favoriser leur enseignement sur tous les campus américains, de façon à ce que la jeunesse américaine soit anti-communiste est une chose. En est une autre la “culpabilité” personnelle de chaque intellectuel dans cette manipulation grossière, conçue indépendamment de leur volonté.