Rentrée sociale : sur le front des mobilisations, pour la première fois, une victoire est possible !
Article rédigé par Alain Badiou et Brigitte Bouzonnie le 26 août 2022
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Les Gilets Jaunes font leur rentrée sociale le 10 septembre prochain. Macron n’a qu’à bien se tenir. La donne revendicative a radicalement changé. Je ne parle pas à la légère, je n’ai aucun goût pour le triomphalisme anticipé, avant que la bataille ne commence. Depuis toujours, j’observe la plus grande prudence. Mais “the times there are changing” aurait dit Bob Dylan.
Pour le pouvoir en place (Sarkosy), fini de clore grossièrement un mouvement social, en corrompant grassement ses dirigeants, comme lors du mouvement social de 2009 contre la réforme des retraites. Souvenons-nous : celui-ci a vu des millions de manifestants dans la rue contre la triste réforme de Sarkosy. 2,3 millions de personnes rien que pour la journée du 6 octobre 2009. De façon magnifique, Facebook était à feu et à sang. Nous avons été à un cheveu de réussir. Ce n’est pas moi qui le dis mais le centriste Jean-Louis Borloo, qu’on ne peut pas accuser “d’activiste” et de “bolchevik” ! “Une semaine de plus et on cédait”(sic) avoua-t-il plus tard ! Le traitre Thibault fut payé comme il se doit, pour faire rentrer ses troupes à la maison. Hélas, cela fonctionna.
Pour le pouvoir en place (Hollande), fini de faire le dos rond, quand des millions de manifestants sont dans la rue en 2016 contre le mouvement anti Khomri. Celui-ci a vu 14 journées nationales de mobilisation contre le scélérat projet prévoyant déjà la casse de notre code du travail. Le 31 mars 2016, nous étions plus de un million de personnes dans la rue, tous secteurs d’activité confondus.
Pour le pouvoir en place (Macron), fini de faire aussi le dos rond contre le mouvement des Gilets Jaunes apparu le17 novembre 2018. Et la formidable journée de mobilisation contre la réforme des retraites du 5 décembre 2022, qui rassembla 2 millions de personnes dans la rue. Nonobstant les chiffres truqués communiqués par le traitre Martinez.
Pour le pouvoir en place (Macron), fini de faire le dos rond contre le mouvement social contre la vaccination obligatoire de l’été 2022, qui a vu entre 2,9 et 6,5 millions de personnes défiler chaque samedi dans les rue contre le pass sanitaire. Ces chiffres sont de l’association “Antipassanitaire” (faux nez du Ministère de l’Intérieur), et ont été calculés grâce à la reconnaissance faciale et l’aide de presque 500 bénévoles.
Je suis très à l’aise pour vous raconter tout cela, pour avoir “suivi”, jour par jour, chacun de ces mouvements sociaux. D’abord sur mon mur Facebook, puis sur mon blog Médiapart. Enfin sur ma lettre politique indépendante. Ce que je fais a un nom : dans les années 70, on disait : “avoir la mémoire (ou la culture) des luttes”. Un militant politique capable d’analyser les luttes sur la durée, au-delà de la petite lutte catégorielle du moment, c’était le must. Je réentends mon vieux pote Maurice Najmann (coucou Nadine !) utiliser cette formule avec toute l’importance qu’elle mérite.
A ce stade, toute la question est donc de savoir : comment, avec un rapport de forces très favorable aux manifestants, n’avons-nous eu jamais gain de cause ? Comment peut-on fait mentir la célèbre analyse de Gramsci : “La crise sociale, c’est quand ceux d’en bas n’en veulent plus et que ceux d’en haut n’en peuvent plus”(sic).
La meilleure réponse que je connaisse est une analyse lucide du philosophe Alain Badiou, dans son article intitulé : “L'Etat a fini par imposer que la manifestation tourne en rond” (Politis, 22 septembre 2016). “Dans le passé, les gouvernements étaient au fond d'accord avec l'idée qu'une fois atteint un certain degré d'ampleur des mobilisations, il leur fallait reculer. Ils ne le pensent plus aujourd'hui. Je pense que c'est d'abord parce que tout le monde (ou presque) partage l'idée qu'un autre monde n'est pas possible. S'il n'y a pas à l'horizon une possibilité qui fasse peur à l'adversaire, celui-ci reste dans la conviction qu'il n'y a qu'à attendre et que ces gens qui contestent se fatigueront avant lui”(sic).
De façon stimulante, Alain Badiou estime que l'absence d'un projet alternatif explique le succès de la seule idéologie capitaliste mondialisée. Face à elle, “there is no alternative”, comme aurait dit Thatcher. "Avec la fin de l'idéologie communiste (1991), "on est passé du DEUX au UN. Cela, c’est fondamental. Ce n’ est pas la même chose quand, sur un même sujet, il y a deux questions en conflit, et quand il n'y en a qu'une" (sic) (extrait de son ouvrage "Notre mal vient de plus loin, Penser les tueries du 13 novembre", édition Flammarion, 2016).
La nouveauté, dans cette rentrée 2022, c’est le succès idéologique et pratique du monde multipolaire. Le moment mondialiste est mort. Les russes sont en train de gagner la guerre des idées, comme le montre le succès du narratif russe de la guerre en Ukraine contre le narratif de l’OTAN. Et la guerre en Ukraine sur le terrain, après les victoires de Marioupol, Severodonetz et Lissytchank. Ils recréent un DEUX, là où, hier encore, il n’y avait qu’un UN. Ils ouvrent un nouvel espace des possibles.
The time there are changing. Nos manifestations se finissant hélas toujours par un échec, c’est peut être une page qui se tourne. Un nouveau monde surgit. Et avec, sur le front des mobilisations, une victoire possible. Une fois dans notre vie, je crois que nous avons enfin de la chance…
2°)-Alain Badiou : "L'ETAT A FINI PAR IMPOSER QUE LA MANIFESTATION TOURNE EN ROND...!"
1)- Alain Badiou, 22 septembre 2016 dans Politis : "Dans le passé, les gouvernements étaient au fond d'accord avec l'idée qu'une fois atteint un certain degré d'ampleur des mobilisations, il leur fallait reculer. Ils ne le pensent plus aujourd'hui. Je pense que c'est d'abord parce que tout le monde (ou presque) partage l'idée qu'un autre monde n'est pas possible. S'il n'y a pas à l'horizon une possibilité qui fasse peur à l'adversaire, celui-ci reste dans la conviction qu'il n'y a qu'à attendre et que ces gens qui contestent se fatigueront avant lui ! T...)
L'Etat est plus patient que n'importe qui. Il contient les choses, envoie ses flics par-ci par-là, laisse les gens bavarder...Il a même fini, ici, par imposer que la manifestation tourne en rond. Or, le fait que cette chose ait pu avoir lieu n'est pas bon signe : que le gouvernement propose cela, passe encore, mais que les gens s'y soient pliés, c'est tout à fait incroyable"(sic). (Lu ce texte sur le site "Compagnie Jolie môme".
2)-Brigitte Pascall : Dans le passé, les gouvernements reculaient, dès qu'une mobilisation prenait de l'ampleur. Par exemple, on sait que Pompidou ne dormait pas de la nuit en 1967, parce que le chômage atteignait 400 000 demandeurs d'emploi. Et qu'ils craignaient les explosions sociales qui allaient forcément en découler. Aujourd'hui, la règle du jeu est totalement modifiée et codifiée : avec la mobilisation contre la loi Khomri, on a compté 14 journées nationales de mobilisation. +grèves dans les raffineries et centres de traitement des déchets. Une très belle mobilisation ou la jeunesse était présente avec les syndicats de salariés. Toutes les conditions étaient réunies pour que le projet de loi soit retiré.
Pourtant l'Etat fragilisé n'a pas cédé. Il a inventé la manif au rabais, ou les participants étaient fouilles, gazés, enfermés dans une nasse, mis en examen. Imposant des parcours burlesques ou la manifestation tournait en rond, comme l'explique très bien Alain Badiou. Ce qui m'a le plus étonnée dans cette affaire, c'est l'acceptation de ces conditions hyper humiliantes par Martinez et Mailly, alors très remontés contre le projet de loi Khomri. Alors que c'était tout simplement notre droit constitutionnel de manifester, et de former des rassemblements spontanés, qui étaient profondément remis en cause et vide de sa substance. De plus, le "manifestant" pacifique, figure classique du champ social depuis 150 ans (loi de 1880 reconnaissant la manifestation) était transmue en "délinquant" qu'on fouille et qu'on envoie au commissariat le cas échéant. Au cours de l'été 2016, j'en ai parlé à plusieurs reprises sur Facebook, et cela n'a intéressé personne (sauf Domi, mes potes habituels) : alors que ce problème, en apparence juridique, était la clef d'une mobilisation réussie.
La suite du combat social, c'est à dire l'échec à l'automne 2017 de la mobilisation contre la réforme du code du travail est due en grande partie à des directions syndicales (corrompues ?) qui préfèrent négocier que manifester.
Alain Badiou pense que l'absence d'une autre proposition politique explique le succès de l'idéologie capitaliste devant laquelle il n'y a aucune alternative. "Avec la fin de l'idéologie communiste, "on est passé du Deux au UN. Ça c’est fondamental. Ce n » est pas la même chose quand, sur un même sujet, il y a deux questions en conflit, et quand il n'y en a qu'une" (sic) (extrait de son ouvrage "Nôtre mal vient de plus loin, Penser les tueries du 13 novembre", édition Flammarion, 2016).
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