Qu'est ce que le suffrage universel 2022, sinon la victoire du comportement irrationnel, afin de faire voter Macron ou Pécresse !
Article rédigé par Brigitte Bouzonnie
Qu'est ce que le suffrage universel 2022, sinon la victoire du comportement irrationnel, afin de faire voter Macron ou Pécresse !
Qu'est ce que le suffrage universel ? Un petit bonheur négatif, sans projet, sans Idée !
Le retour au train train de l’alternance politique, entretenant, approfondissant une société malade.
En 2002, Alain BADIOU a rédigé un texte magnifique intitulé : “Considérations philosophiques sur la très singulière coutume du vote, étayées sur l'analyse de récents scrutins en France” dans la revue Lignes 2002/2003, n°9, pages 9 à 35. Dans cette analyse, Badiou analyse la crise du 21 avril 2002. A l’issue du premier tour, il s’étonne de la grande émotion suscitée en France, lorsque par surprise, Jean-Marie Le Pen est qualifié pour le second tour, en lieu et place de Jospin, candidat socialiste, premier ministre sortant et favori des sondages. Ce dernier est sèchement éliminé.
Cette situation suscite dans le pays une agitation considérable. Les partis de “gôche,” le Parti socialiste, le Parti communiste, les Verts, et même la Ligue communiste révolutionnaire (trotskiste) appellent à voter pour leur intime ennemi Chirac, afin de barrer la route à Le Pen. « Sauver la démocratie »(sic).
L’occasion pour le philosophe de sortir quelques vérités premières particulièrement lucides sur le suffrage universel, le comportement affectif du corps électoral français, qu’il importe de rappeler vingt ans après, à quatre mois du scrutin présidentiel d’avril 2022. En effet, le ronron sans surprise, l’affectivité à fleur de peau dominant le débat public actuel au dépend de la raison, rappelle curieusement la situation du 21 avril 2002.
A propos de l’élimination de Jospin en 2002, Alain Badiou y voit la manifestation vigoureuse d’un affect public, de ce qu’on peut nommer, dans le langage du XVIIIe siècle, une « émotion » : “ Oui, que Le Pen soit présent au second tour d’une élection présidentielle a provoqué chez nombre de mes concitoyens une émotion insomniaque. Or, je suis en compte avec cette émotion. Je dois avouer que je ne la partageais nullement et que j’ai donc été frappé de son ampleur et de son unanimité chez mes confrères les philosophes. Philosophes qui, eux-mêmes, étaient manifestement (mais ils n’auraient pas dû l’être) une sorte de chambre d’écho de tous les « intellectuels » et d’une partie non négligeable de la jeunesse scolarisée. Le résultat électoral me semblait certes significatif, au vrai significatif de ce que, politiquement, comme je le pense et le dis depuis de longues années, ce pays est fort malade. Mais, ne voyant rien là qui mérite qu’on abandonne tout sang-froid, je voyais aussi que ce sang-froid était tenu pour pathologique, y compris par des gens que j’aime ou que j’estime. L’émotion étant pour eux une évidence antéprédicative, je me suis dit qu’il fallait l’analyser, qu’elle était une bonne entrée dans la question sulfureuse du vote et de la « démocratie » (sic)..
De la même façon, on peut valablement analyser la campagne électorale 2022, comme le primat donné à l’affect au dépend de la raison. La présence du fringant Zemmour au scrutin 2022 a remplacé utilement le vieux Le Pen, vieux tortionnaire en Algérie, dont le grand oeuvre passé, la gégène, autrefois dénoncée avec talent par Thierry Le Luron dans sa chanson “Souvenirs, attention danger”, ne fait plus frissonner les jeunes générations dans les chaumières. Pas de débat possible, Zemmour joue mieux que lui les affreux de service.
Quant à Marine, ce n’est même pas la peine d’en parler : avec ses passages médias par conteneurs entiers, ses “une” du Monde, où elle apparait amincie, glamourisée, son goût des chats bien partagé des français : on la connait mieux que notre voisine de palier. Et si on saute à son approche, ce n’est pas de peur, mais pour lui demander une autographe, comme beaucoup d’habitants de Hénin-Beaumont.
Mais chouette, avec Zemmour, on a de nouveau peur. On a le grand frisson, qui justifie ensuite tous les comportements irrationnels, tous les calmants de Prisunic que nous offre le suffrage universel, c’est à dire bien évidemment le vote utile pour Macron ou Pécresse.
En 2002, comme analyse Alain Badiou, la peur irraisonnée de Jean-Marie Le Pen se traduisait par le “raisonnement” suivant : « Puisque là où devait venir Jospin est venu Le Pen, alors là où j’aurais dû m’abstenir ou voter Jospin, je dois voter Chirac ».
En 2022, le “raisonnement” de l’électeur Lambda est le suivant : “Afin d’empêcher un duel Le Pen/Zemmour au second tour, je vote Macron ou Pécresse au premier et au second tour” !
Pas besoin de s’appeler Madame Soleil, pour le deviner : mais si Zemmour est au second tour sur une place pré-codée, réservée aux authentiques “républicains” et “démocrates”, c’est à dire ceux qui vous promettent un train train de l’alternance sans surprise, un quinquennat sans projet ni Idée : Macron et Pécresse par exemple. Avec Zemmour au second tour même battu, on va avoir droit à la grosse machine Hollywoodienne, qui va tonner, carillonner, nous tanner et nous empêcher de dormir, jusqu’à ce qu’on ait mis un bulletin de vote Macron ou Pécresse dans l’urne.
C’ EST ECRIT !
Le seul comportement rationnel dans ce triste théâtre de Guignol, c’est de s’abstenir au scrutin préempté, truqué de 2022 !
Naufrage universel