1°)- Dominique Kern : QUE SONT DEVENUS LES "INTELLECTUELS CRITIQUES" ET LES "ACTEURS, ARTISTES, DE GAUCHE" ? EN UN MOT, QU'EST DEVENU LE MONDE INTELLECTUEL EN FRANCE ....?
C'est une longue histoire... Qu'ils ont mis dans la glace pour qu'elle soit figée ... Je pense aujourd'hui qu'un jeune auteur qui a quelque chose a dire ne trouve plus à éditer, qu'ils reste dans l'ombre. A peut être (et encore ce n'est même pas sur) un blog sur Facebook ou Instagram, donc ne peut pas vivre de son travail...
LA POLICE DE LA PENSEE QUI EXISTAIT AVANT EST DEVENUE BEAUCOUP PLUS INSIDIEUSE... Beaucoup plus présente et a été intériorisée beaucoup plus qu'avant, où l'on faisait la différence entre elle et nous ...
Je pense que si on parcourait les couloirs des universités ou les laboratoires, on trouverait exactement les mêmes travers...
IL Y A EU UN BASCULEMENT ! DANS LES ANNEES 1970-80. Ce basculement dont les effets se font ressentir bien plus depuis l'ère Sarkozy... Mais aujourd'hui c'est devenu catastrophique ...
OU EST LA VIE INTELLECTUELLE AUJOURD'HUI...? Où sont les ateliers d'artistes qu'on pouvait visiter facilement ? Ce qu’on ne peut plus faire, compte tenu de la cherté du prix du foncier sur Paris et dans les grandes agglomérations ...?
LA VIE INTELLECTUELLE S'EST REFUGIEE DANS LES PETITES VILLES DE PROVINCE OU DANS LES CAMPAGNES ... Même Jean-Claude Michéa s'est réfugié dans un village du Sud, au dessus de la ville ou il a enseigné (à Tarbes je présume)... L'exil vers la province ne fut pas qu'un choix d'écrivains talentueux ! C'EST UN PHENOMENE QUI A ROMPU DES LIENS QUE L'INFORMATIQUE N'A PAS RE-SOUDE !...
ON NE PEUT PAS ÊTRE UN INTELLECTUEL OU UN ARTISTE, SI ON N'A PAS UN OEIL ACERBE SUR LE MONDE. Si on est pas capable de dépasser la surface, la couverture ... Si on n’est pas capable d'échanger, ce qui se faisait dans les estaminets des quartiers populaires, des grandes villes ... Chaque groupe artistique, dans les années 1960 avait son café, où il se réunissait systématiquement ... Pour Sartre et les existentialistes, c'était La Coupole... Les surréalistes c'était un café dans les halles ...Tel quel, c'était un café place Saint-Michel... TOUT CELA A DISPARU ! ...
CETTE DISPERSION A CONTRIBUE à la disparition de toute vie intellectuelle ...
DE TOUTE ORGANISATION D'UNE PENSEE CRITIQUE ! Sur le monde ... EST CE QUE CA A ETE FAIT CONSCIEMMENT ?! ...
Le quartier latin, c'était un lieu de rassemblement, un lieu d'effervescence perpétuelle ... ET CELA DEPUIS LE MOYEN AGE DEPUIS L'OUVERTURE DES PREMIERES UNIVERSITES ! ...
Non la technique n'a rien réglé, c'est une certitude ! Pas dans notre pays en tout cas ! ...
2°)- Brigitte Bouzonnie : Dominique a raison d’insister sur le rôle très important joué par les cafés littéraires, comme lieu de socialisation et de discussion entre intellectuels “classiques”. Cette tradition remonte au moins à la IIIème République, avec Verlaine et Rimbaud fréquentant les cafés parisiens.
En effet, en ce moment, je lis la biographie de Rimbaud rédigé par Jean-Jacques Lefrère, aux éditions Bouquins, été 2020. Magnifique travail de documentation ultra précise sur le “vrai” Rimbaud. 1326 pages.
L’auteur montre comment Rimbaud, arrivé à Paris en 1871, après avoir envoyé ses poèmes à Verlaine, fréquente assidument les “diners des vilains bonhommes”, organisés rue Cassette à Paris (voir photo n°1). Il passe ses soirées avec Verlaine, Jean Richepin, Charles Cros, Germain Nouveau, Léon Valade et Albert Mérat, autres littérateurs et artistes de son époque.
Il fréquente aussi “le Cercle des poètes zutistes”, hôtel des étrangers, à l’angle de la rue Racine et de la rue de l’école de Médecine (voir photo numéro 2), où on retrouve à peu près les mêmes poètes que ceux du diner des vilains bonshommes.
La disparition de ces cercles de discussion, certes souvent très arrosés, est une catastrophe intellectuelle. Elle explique en partie la marasme et le manque d’idées des intellectuels “modernes”. Lorsque Tonio Négri, après avoir fait de la prison pour ses idées, est venu vivre à Paris en 1986, sur une idée de F. Guattari, j’ai souvenir de sa vive déception sur le niveau intellectuel des idéologues à deux balles qu’il a croisés à ce moment là, mise à part Deleuze, Guattari et Badiou….