Quand le champ médiatique sélectionne le personnel politique...!
Article rédigé par Brigitte Bouzonnie
Aujourd'hui, nous poursuivons notre critique des médias. Personne n'a oublié la sortie de JM Le Pen, disant que “le virus Ebola règlerait à merveille le problème de l'immigration”. Les médias ont réagi, en parlant de simple "dérapage"(sic). Inversement, un sondage publie dans Le Parisien du 23 novembre 2014, n'hésite pas à interroger les sondés sur la soi disant "agressivité"(sic) de Mélenchon, même si on le l‘apprécie guère. On le voit : deux poids, deux mesures. Mais, au delà du constat, que cache ce "classement" effectué par les médias ?
M'appuyant sur Pierre BOURDIEU et son ouvrage "Sur l'Etat", cours au collège de France, 1989-1992, éditions du SEUIL et Raison d'agir 2012, je parlerai de "COUP DE FORCE" du champ médiatique dans le champ politique. BOURDIEU évoque l'émission "Les aventures de la liberté" de BHL diffusée le 13 mars 1991, qui démolit les régimes et les intellectuels communistes. Il montre comment l'autonomie du champ intellectuel, résultat d'un long travail, d'une conquête difficile, est menacé par des gens à la mode ne méritant pas le titre d'"intellectuels”. Et de citer les pseudo "palmares" du Nouvel Obs procédant à des célébrations, des descentes en flammes de tel ou tel intellectuel, véritable USURPATION DE POUVOIR, VERITABLE COUP DE FORCE, COUP D'ETAT...!
Il en est de même de l'émission de BHL, qui se permet de déglinguer de vrais intellectuels communistes comme ARAGON, NIZAN, PICASSO, Lucie et Raymond AUBRAC...,alors même que BHL ne figure pas dans le champ intellectuel comme un véritable intellectuel reconnu par ses pairs. Et de citer PASCAL, la tyrannie, c'est le fait pour un ordre extérieur d'imposer sa norme propre à un autre ordre : par exemple, lorsque le champ militaire impose son ordre au champ intellectuel...
Ce que l'on appelle aujourd'hui "le lepénisme médiatique", ce n'est ni plus ni moins que le champ médiatique, les gens à la mode, qui s'arrogent le droit d'encenser certains agents du champ politique, Marine le Pen par exemple. Démolir, y aller au lance flammes contre tel autre ; sans que personne n’y trouve à redire ...
La diabolisation de Mélenchon à une certaine époque aujourd’hui révolue, c'est le fait d'agents extérieurs au champ politique (sondage ODOXA, Pujadas, Patrick Cohen, Le Parisien...), donc qui en principe n'ont pas leur mot à dire. Des agents qui n'ont aucune légitimité à juger en bien ou en mal Mélenchon. C'est le fait de journalistes "vulgaires" disait un très bon article de l'O.P.I.A.M, sans aucune culture politique, ni même historique rien que sur les dix dernières années. Ce sont les médias qui font les princes et les princesses de sang du champ politique (M Le Pen), désignent les "pouilleux" de service, alors qu'ils ne sont absolument pas qualifiés, ni formés pour le faire...
La diabolisation de Mélenchon à une certaine époque aujourd’hui révolue ne résulte pas d'un combat à la loyale contre Cambadélis. Ou Copé (pour choisir des débats récents de JLM), qui devrait seul faire foi. Non, le combat entre agents du champ politique est devenu d'importance secondaire. Et là encore, personne n'y trouve rien à redire...C'est un véritable coup de force du champ médiatique, coup d'état, qui se vit comme décidant de la pluie et du beau temps dans le champ politique : alors qu'historiquement il était dominé.
En effet, pour ceux qui connaissent la IIIème République, tout les hommes politiques d'avant 1914 était d'extraordinaires journalistes : on pense bien sûr à JAURES écrivant dans L'Humanité, mais aussi des hommes politiques moins connus comme MILLERAND, que j'ai eu l'occasion de lire lorsque je faisais ma thèse de doctorat : de vrais Princes de l'écriture... ! Et d'ailleurs, on n'a jamais autant vendu de journaux qu' avant 1914 ! Au départ, le champ journalistique et le champ politique ne faisaient qu'un. L'autonomisation des médias a totalement rebattu les cartes. Aujourd'hui, la fin de l'autonomie du champ politique, "la politique est un microcosme" disait Raymond Barre, phrase hélas devenue fausse en 2014, c'est l'extrême fragilisation du champ et des agents politiques, dépendant des verdicts, des sentences de tel ou tel gugusse totalement inculte, mais bien placé dans les médias, qui ont sur eux droit de vie et de mort symbolique..
On ne dira jamais assez combien nous devons développer notre propre analyse des média dominants. Et surtout, multiplier les analyses parallèles à la médiasphère pourrie. A ma grande surprise, ces media "parallèles" ont été repris commentées dans les média dominants, je pense à Schneidermann d'Arrêt sur images. Et très regardées.
A ceux qui m'objecteront que nous n'avons qu'un arc et des flèches face à la grosse machine médiatique qu'est la télévision, je répondrai ceci : comme le raconte très bien Claude BOURDET, patron du groupe COMBAT, dans son ouvrage de souvenirs "L'aventure incertaine", édition du Félin, 1998, les résistants, au début (1940-1941), ne disposaient pour communiquer que de morceaux de papiers (pas un format A4, il ne faut pas rêver !), que les sympathisants recevaient par la Poste. A charge pour eux de dupliquer le contenu, sur le modèle des chaines de l'amitié. Il aurait été fou de joie de disposer des réseaux sociaux...Il faut absolument développer ces moyens parallèles de communication.
Mireille ALBRECHT est la fille de la grande résistante Bertie ALBRECHT, qui s'est suicidée en prison pour ne pas “donner” les noms de Frénay et Bourdet. Bertie Albrecht était la compagne d'Henri Frenay, amie de Claude Bourdet, les deux dirigeants du groupe COMBAT, avec Albert CAMUS qui dirigeait le journal. Sa fille, explique que les résistants représentaient à peine 2% de la population en 1942. La suite, on la connait…!