Quand j'écoute Corbière, j'entends Julien Dray...!
Article rédigé par Brigitte Bouzonnie le 10 janvier 2018
La ligne politique PS bis que la Direction de la France Insoumise nous impose est vécue comme "normale", "allant de soi", "ne devant faire l'objet d'aucune contestation sérieuse", sous menace d'être traitée de "diviseuse". Juste bonne à aller au NPA ou à LO, histoire de dégager, arrêter d'importuner les importants de la FI.... "Adrien fait du bon travail"(sic), comme si ce soit disant bon travail n'était pas autre chose que le travail déjà vu, routinisé de tout député dans le système vieux de plus de 200 ans : sans rien de neuf et de dérangeant.
Quand j'écoute Corbière dernièrement sur France Inter avec Demorand, "circulez, y'a rien à voir". Pourtant de façon silencieuse, sournoise,-au moins la ligne du recentrage de 1976 d'Edmond Maire avait-elle donné lieu à un long débat public entre les "modernistes" adhérents à la ligne réaliste et les gauchistes qualifiés élégamment par Maire de "désespérados" avant le congrès : ici rien de pareil ! -, les djeuns de la Direction de la FI ont opéré un RECENTRAGE très important de la ligne politique de la FI : son projet anti libéral, anti banque, solidaire et fraternel qui avait présidé à la mise en oeuvre du PG fin 2008 a été soigneusement mis au rancart. Et on m'a fait comprendre qu'il était rigoureusement mort et pas prêt d'en ressortir, de l'avis de ces Messieurs-Dames de la Direction de la FI...
Voilà pourquoi quand j'écoute Corbière, j'entends une ligne PS bis. Sa seule critique se ramenant à une vague contestation de l'ubérisation de la société, soit un morceau, un bribe du système capitaliste mondialise à qui il en faut toujours plus : toujours plus de profit, toujours plus de Volonté de Puissance, toujours plus de grandiose planétaire. Mais le système, on n'en conteste plus l'existence. Rien à voir avec le discours d'un Bernie Sanders déclarant en plein campagne électorale : "ce système économique est truqué. Il est conçu par les plus riches de notre pays, pour le profit des plus riches de notre pays et au détriment des plus pauvres" (sic).
A la place, des critiques minuscules, en tête d'épingle comme la critique de la réédition par Gallimard des oeuvres antisémites de Céline, ainsi que tonnait Corbière mardi dernier sur France Inter : 90% de notre programme a été jeté par dessus bord, aucune importance...! Et il faudrait que je me taise...???
Quand j'ecoute Corbiere, j'entend Julien Dray forcément, Corbière vient de SOS Racisme de Julien Dray !) : le même penser plat de salon mondain, la même indifférence aux gens qui souffrent et qui n'ont pas d'argent, résultat de la ploutocratie du moment. Le même conformisme à l'ordre dominant auquel Corbière et les autres se soumettent craintivement, moyennant quelques virgules déplacées dans des amendements mis à la poubelle.
Lorsque j'écoute Corbière, j'entends la même mollesse de caractère, la m^me paresse intellectuelle dont j'ai déjà été abreuvée ad nauseam pendant 30 ans par l'hégémonie du parti socialiste. Les yeux fermés, je connais par coeur les arrières pensées de ce discours du renoncement, édulcoré, tiède :" il ne faut pas trop en demander à la vie. Juste critiquer de petites choses sans importance. Restaurer le médiocre, le convenu qui rassurent les classes moyennes boboïsées alliées de l'oligarchie". Et surtout favorables à l'immobilisme social. Au ras-les-paquerettes comme seul principe de pensée. Au totalitarisme des idées courtes, le déjà vu, déjà fait, le conformisme à la culture libérale qu'on ne conteste même pas pour la forme. Pire dont on profite à la marge grâce à un revenu confortable. Allant jusqu'à proposer une alliance électoraliste avec le traÏtre Hamon, dont on partage au fond le même univers politicard. Où sont passés les idéaux de révolte et de VOLONTE DE CHANGER LE MONDE...???
Quand j'écoute Corbière, je n'entends aucune critique de la société de larmes dans laquelle nous vivons, y compris les décisions scélérates les plus récentes : ainsi le code du travail est mort, mais de cela, Corbière n'a nullement parlé sur France Inter, préférant faire des risettes à Macron et lui donner du "Monsieur" Macron large comme une avenue. Tout comme il n'a rien dit sur l'augmentation de la CSG des retraités, et des nuits blanches de certains afin de trouver un plan d'économies adéquat. Tout comme la tragédie sociale qui se prépare : alors que l'on compte déjà 6,6 millions de chômeurs, 7,2 millions d'allocataires d'un minima social, 15 millions de pauvres selon nos calculs, quand le Secours Populaire parle d'un taux de pauvreté de 30% de la population française. De même, pas un mot pour dire que les français ont froid (78% exactement), selon une étude commandée par Sud Ouest et publiée le 27 décembre 2017.
Quand j'écoute Corbiere, je n'entends aucune colère, aucune critique de fond, tout va très bien Madame la Marquise : jamais le cri que nous attendons tous de nos dirigeants : ÇA NE PEUT PLUS DURER COMME CA...!
Quand j'écoute Corbière, il n'est jamais question d'un PROJET ALTERNATIF au projet libéral. Corbière et les autres participent du déracinement si possible définitif de l'idée d'une alternative globale, systémique au capitalisme. Acceptant l'idée du UN (un seul projet libéral) de préférence au DEUX : 2 projets en présence : un projet libéral, un projet alternatif. Se résignant honteusement à la victoire idéologique spectaculaire du capitalisme devant lequel il n'y a aucune alternative, le célèbre TINA...! Comme explique très bien Alain Badiou," ce n'est pas du tout la même chose quand, sur une même question, il y a 2 positions en conflit. L'unicité actuelle est le point clef du triomphe idéologique du capitalisme actuel"(sic) cf "Nôtre mal vient de plus loin", édition Fayard, 2016).
Quand j'écoute Corbiere, il n'est jamais question de société fondée sur l'entraide et la reconstruction du lien social. La société libérale devenue un champ de bataille, forcément abattoir des plus faibles, lui convient parfaitement, il s'en accommode très bien, puisqu'il appartient à cette classe moyenne, qui participe naïvement à la formidable corruption inégalitaire du capitalisme, pour reprendre la définition de la classe moyenne de Badiou ("Pornographie du temps présent," édition Fayard France Culture, 2013).
Alors que justement il faut créer des alliances improbables entre les classes populaires et une partie de la classe moyenne afin de réinventer une nouvelle possibilité politique, de petits matins nouveaux pleins de fraicheur et de convivialité...!