Prix du logement : bientôt l'explosion des bulles immobilières occidentales ?!
Article rédigé le 2 mars 2023 par Olivier Berruyer, fondateur du site ELUCID
En observant l’évolution des prix de l’immobilier à travers le monde, on remarque des mouvements souvent parallèles. La décennie 1997-2007 a vu une forte hausse des prix, suivis d’un net dégonflement les années suivantes, avant que les prix repartent à la hausse jusqu’en 2021. La hausse des taux qui a commencé en 2022, et qui va se poursuivre probablement pour longtemps, devrait entrainer une nouvelle phase de baisse des prix réels.
À l’exception de l’Allemagne, de l’Italie et de la Suisse, tous les grands pays occidentaux ont connu une hausse sensible des prix réels de l’immobilier, c’est-à-dire une fois l’inflation déduite. Le Royaume-Uni et le Canada sont les pays où cette augmentation a été la plus forte, avec une multiplication des prix par 3, tandis que le Japon est le seul pays étudié dont les prix de l’immobilier ont diminué depuis 1995.
La France a connu un doublement des prix immobiliers sur cette même période :
La culture locative allemande
Le marché immobilier allemand se distingue par une baisse des prix continue entre 1995 et 2011, ayant atteint -24 %. Ceci est principalement dû à une faible croissance démographique, en raison d’une natalité peu dynamique. Ce faible niveau des prix s’explique aussi par une faible tension du marché, due à la culture locative dominante en Allemagne dans les grandes villes : le taux de propriétaires en Allemagne est de 51 % en 2019, selon Eurostat, contre 65 % en France et 65 % au Royaume-Uni.
La structure géographique de l’économie allemande est également déterminante dans le niveau des prix : il n’y a pas, comme en France, un seul bassin d’emploi densément peuplé, mais plusieurs grandes métropoles. La diminution des prix des logements allemands est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles les « réformes Hartz » de modération salariale dans les années 2000 n’ont pas affecté plus gravement les ménages allemands.
Cependant, depuis 2012, les prix de l’immobilier sont en croissance et ont même dépassé, à partir de 2019, leur niveau de 1995. Ils ont poursuivi leur croissance jusqu’en 2022, poussés par la politique de taux bas de la BCE. Mais le retour de l’inflation en 2022 et la hausse des taux induite ont cassé ce mouvement : les prix réels baissent de nouveau en Allemagne.
L’immobilier anglais au plus haut
Le Royaume-Uni est le pays d’Europe où le prix de l’immobilier est le plus élevé : il s’établit en 2020 à un niveau presque trois fois supérieur à celui de 1995. Après une baisse entre 2008 et 2013, les prix sont fortement repartis à la hausse avec la baisse des taux, jusqu’à leur stabilisation en 2022.
Pour tenter d’enrayer la hausse stratosphérique des prix de l’immobilier, le gouvernement britannique avait présenté, en 2017, un « livre blanc ». Le calcul suivant y figurait : dans les années 1990, il suffisait de 3 ans à un couple gagnant le salaire moyen pour pouvoir apporter la garantie nécessaire à un achat immobilier, tandis qu’en 2017, il lui fallait 24 ans.
Aux États-Unis, le début de la fin de la bulle ?
La caractéristique majeure de l’évolution récente des prix de l’immobilier aux États-Unis est le dégonflement rapide de la bulle immobilière après la crise des subprimes, puis sa réémergence depuis. En effet, avec la crise, les prix de l’immobilier américains avaient pratiquement retrouvé leur niveau de 1995 après une forte chute entre 2006 et 2011. Depuis lors, les prix américains se sont redressés pour atteindre en 2021 un niveau supérieur au pic de 2006.
Le bas niveau des taux des crédits immobiliers, autour de 3 %, a été la principale raison à cette nouvelle hausse des prix américains. Comme les taux sont revenus à près de 7 % en ce début 2023, il est probable que les prix refluent nettement cette année.
En Belgique, une relative stabilité depuis 2007
L’évolution des prix de l’immobilier belge a connu trois phases ces 25 dernières années : une période de forte hausse entre 1995 et 2007, puis une grande stabilité jusqu’en 2021, et enfin une légère baisse depuis 2022. Sur la totalité de la période, les prix ont ainsi doublé, tout comme en France.
Cette augmentation des prix a provoqué un endettement important pour les ménages belges, qui ont profité des taux des crédits immobiliers bas pour s’endetter et acheter. Ainsi, depuis 2015, la dette des ménages belges est supérieure à la moyenne des ménages de la zone euro, essentiellement du fait de ces crédits hypothécaires. Fin 2018, elle atteignait 61 % du PIB, contre 58 % en moyenne dans la zone euro.
Italie, l’anomalie européenne
Comme dans la plupart des pays, la crise de 2008 avait mis fin à une augmentation continue des prix de l’immobilier italiens entamée à partir du début des années 2000. Mais là où l’Italie se distingue du reste de l’Europe, c’est que, alors que la chute généralisée des prix de l’immobilier au lendemain de la crise des subprimes s’est arrêtée entre 2011 et 2013 dans la plupart des pays d’Europe, elle s’est prolongée en Italie jusqu’en 2019 – les prix ont baissé de près de 30 %. L’une des principales raisons de cette baisse est la diminution du pouvoir d’achat des ménages, qui a fait chuter la demande de logements — ce pays étant probablement le plus pénalisé par son appartenance à l’euro.
Depuis début 2019, pour la première fois en 10 ans, les prix ont très légèrement recommencé à augmenter. Peut-être en partie à la suite des mesures prises par le gouvernement italien, qui a instauré en 2019 une « flat tax » pour attirer les retraités étrangers, afin de les inciter à investir dans la pierre en Italie. En 2022, les prix sont repartis à la baisse, comme dans beaucoup de pays.
Le surplus de constructions espagnol
On se rappelle des problèmes créés en 2008 par l’explosion de la grosse bulle immobilière, les prix ayant doublé en 8 ans. Cette hausse espagnole a été la plus importante d’Europe, après celle observée au Royaume-Uni.
Ceci est notamment dû à la libéralisation de la loi du sol en 1996, rendant beaucoup plus de terrains constructibles. La construction de logements explose donc jusqu’en 2008, et devient bien supérieure à la demande de logements. Fin 2008, 30 % des logements construits entre 2001 et 2007 sont vacants. Lorsque la bulle immobilière a explosé, les prix ont chuté de près de 50 %.
Entre 2013 et 2021, les prix de l’immobilier espagnol ont augmenté de 30 %, mais ils sont restés bien loin de leur niveau d’avant la crise de 2008. Ils semblent repartir à la baisse fin 2022.
Une hausse linéaire en Suisse
Les prix de l’immobilier suisse ont augmenté de façon linéaire depuis 2006, et se situent aujourd’hui 80 % au-dessus des prix en vigueur en 1995. Comme en Belgique, la crise des subprimes n’a pas engendré de chute du prix de l’immobilier.
Il n’y a cependant pas eu la même explosion des prix, car le taux de propriétaires dans le pays est faible, ce qui ne crée pas de tension sur le marché. En 2021, seulement 43 % des Suisses sont propriétaires : c’est le taux le plus bas d’Europe.
Explosion des logements vacants au Japon
Le Japon est le premier pays ayant connu une bulle immobilière au début des années 1990. L’explosion de cette bulle au milieu des années 1990 a fait chuter les prix de l’immobilier de 1995 à 2009. Les prix du marché japonais ont ainsi baissé de 40 %, avant de réaugmenter de 15 % au cours de la décennie suivante.
Une autre explication de cette chute du prix du marché japonais est la décroissance démographique, qui entraine l’abandon de nombreux logements de mauvaise qualité édifiés dans l’après-guerre. En 2018, le nombre record de 8,5 millions de logements vacants – soit 14 % du nombre total de logements – est atteint. Cette augmentation des logements vides maintient un faible niveau général des prix de l’immobilier, tandis que les prix sont très élevés à Tokyo en raison de sa très forte densité.
Paris détient le record des grandes villes occidentales inabordables
Les prix de l’immobilier mondiaux ont fortement augmenté depuis 1995, notamment en Occident. Après la chute des prix engendrée par la crise des subprimes, les prix sont repartis à la hausse, et atteignent généralement aujourd’hui des niveaux supérieurs à ceux qui prévalaient en 2008, avant la crise. Cette dynamique a cependant été différente dans chaque pays, en raison de la démographie, ou pour des raisons historiques et culturelles.
On l’observe bien sur ce graphique représentant l’évolution entre 2012 et 2022 du nombre d'années de travail nécessaires pour acheter un appartement dans certaines grandes villes. Paris détient le record de la ville la plus chère, avec les prix exprimés ainsi, juste après Hong-kong.
Évolution entre 2009 et 2022 du nombre d'années de travail nécessaires pour acheter un appartement dans certaines villes
En 2022, le retour de l’inflation a cassé un mouvement de baisse des taux d’intérêt d’ampleur et de durée historique, en cours depuis 25 ans. Il est probable qu’il se poursuive et qu’on assiste à une période plus ou moins longue et importante de dégonflement des bulles immobilières occidentales. Il pourrait être particulièrement marqué dans les grandes villes, car le développement massif du télétravail permet aux travailleurs d’acheter un logement éloigné du cœur des métros.