Pouvoir au Peuple préconise un plan de relance créant des millions d'emplois
Proposition économique du programme Pouvoir au Peuple rédigé le 14 septembre 2023 par Brigitte Bouzonnie
Disons le d’emblée : Pouvoir au Peuple n’a aucune fascination intellectuelle pour le plan de relance de type keynésien. Surtout le premier de 1934, mis en place par Roosevelt, à un moment où, suite à la grave crise économique de 1929, la totalité des élites occidentales pensait que “la poule aux oeufs d’or (le capitalisme) était morte”. Le système capitaliste aurait du mourir en1929, mais à la surprise générale il a survécu écrit Thierry Meyssan dans son article intitulé : “le système économique touche à sa fin”, 2022, sur le site Réseau Voltaire. Pire encore, une lettre du Président Roosevelt envoyée à son frère dit clairement les arrières pensées, qui ont présidé à la mise en oeuvre de son premier plan keynésien : “je suis obligé de faire quelque chose, si je ne veux pas que les américains fassent la Révolution”(sic). En effet, La Révolution de 1917 était proche et faisait rêver nombre d’américains, surtout les jeunes analyse Jacques Pauwels dans sa vidéo intitulée : le mythe de la bonne guerre.
Le plan keynésien a donc été un garde-fou, pour empêcher le peuple américain de basculer dans le communisme. l’objectif était de faire un “capitalisme à visage humain”, pour reprendre le mot du philosophe Alain Badiou sur le plateau de Ce soir ou jamais dans un débat avec Varoufakis, capable de faire oublier le capitalisme brutal et déchainé du XIXème et début du XXème siècle.
Autre raison qui a poussé Roosevelt à mener un plan Keynésien : il fallait offrir des marchés aux grandes entreprises américaines touchées de plein fouet par la crise de 1929. C’est ce qu’écrit Robert Bibeau, rédacteur en chef marxiste du site : “Les 7 du Québec” : “ Lors de la Grande dépression capitaliste de 1929, l’économiste bourgeois J. Meynard Keynes a préconisé une politique économique de soi-disant « plein emploi » afin de reconstituer les marchés des trusts et des cartels monopolistes qui menaçaient de s’effondrer”(sic) in article rédigé par Brigitte Bouzonnie : “Vie, mort et résurrection du keynésianisme” du 23 juin 2023 sur le site Les 7 du Québec.
Roosevelt n’est donc pas le philanthrope que l’idéologie bourgeoise présente un peu rapidement. Lorsqu’il a mis en oeuvre ses différents plans keynésiens entre 1934 et 1945, ses arrière-pensées n’avaient rien d’humaniste, voire de populiste. Roosevelt est un pur agent du capitalisme, dont il voulait la survie à n’importe quel prix.
Ceci dit, une fois posé, toutes les réserves que nous inspire le modèle keynésien en soi, l’histoire des différents plans keynésiens mis en place, tant au XXème qu’au XXIème sicle, montre l’existence d’une relation solide bien établie entre plan de relance et création de millions d’emplois. Mécanisme intéressant, pour nous, Pouvoir au Peuple qui voulons lutter frontalement contre le chômage et la pauvreté.
On rappelle le mécanisme du multiplicateur de Keynes : au départ, les pouvoirs publics injectent dans l’économie une somme importante : 100 milliards d’euros par exemple. Cette somme permet d’effectuer de grands travaux publics. Embaucher massivement de la main d’oeuvre, c’est à dire recruter en CDI un million de salariés jusque là au chômage. A leur tour les salariés consomment leur salaire : nourriture, logement, vêtements, transport, tourisme, livres, ordinateurs, culture….L’adition des salaires de 1 million de salariés recrée une demande intérieure, qui assure prospérité sociale (chômage au plus bas) et économique : toutes les entreprises de l’hexagone bénéficient de cette manne financière nouvelle, que sont les nouveaux salaires des ex-chômeurs. De son côté, l’Etat bénéficie de nouvelles rentrées fiscales directes ou indirectes.
C’est ce qu’on appelle le multiplicateur de Keynes : si on injecte +100 dans l’économie, on obtient in fine +1000, car la relance bénéficie à tous les acteurs privés et publics de cette économie.
Vie, mort et résurrection de la politique de relance. Voilà comment on peut résumer 90 ans de politique de relance : 1933-2023. D’abord le long épisode du New deal, qui va de 1934 à 1945). Puis, à compter des années quatre-vingts, la mise au rancart féroce et discutable de toute politique keynésienne. Et enfin, depuis ces dernières années, on assiste au grand retour d’un état keynésien, d’abord en Chine, puis aux Etats-Unis, pourtant chantre du libéralisme.
1°)- Le succès tardif de la politique du New Deal :
La politique de relance keynésienne (New Deal) est utilisée pour la première fois aux Etats-Unis avec le Président F-D Roosevelt avec J-M Keynes comme conseiller économique, que le Président n’écoute guère. La crise de 1929 génère 15 millions de chômeurs et pauvres états-uniens. On les voit marcher sur la route sans but. Sans activité. Comme explique l’historien André Kaspi dans sa biographie de Roosevelt, aux éditions Fayard, Roosevelt est élu en 1934 avec la vague promesse : il va “faire quelque chose”(sic) sur l’emploi. Rien de plus. Roosevelt multiplie les plans de relance, souvent de véritables usines à gaz. Dans un premier temps, rien ne se passe. Il faut attendre 1936, pour voir le niveau du chômage commencer à diminuer timidement. Roosevelt persévère, continuant de mener une politique de relance multiforme, notamment les grands travaux d’aménagement dans le Tennessee. Ces grands travaux créent des centaines de milliers d’emploi pour les américains au chômage. Mais aussi et c’est moins connu, Roosevelt crée des contrats aidés dans le secteur associatif. La seconde guerre mondiale fonctionne à son tour comme un plan keynésien de relance de l’industrie de l’armement, notamment avec la construction par l’économie américaine du célèbre T34 pour l’URSS.
A la fin de la guerre, la prospérité sociale et économique est revenue. Les 15 millions de chômeurs ont trouvé un emploi. Les entreprises sont prospères. L’Etat a des rentrées fiscales imprévues. Le plan de relance a fonctionné au delà de tout espoir, m^me sil lui a fallu douze ans pour réussie.
A partir de ce moment là, la politique de relance, l’état social redistributeur s’impose comme outils privilégiés des politiques publiques économiques. Ils sont utilisés par tous les pays européens, surtout si l’économie est en panne. Souffre de sous-emploi. Pendant plus de quarante ans, le plan de relance est enseigné à l’université comme la meilleure politique économique possible. On citera notamment les livres de Galbraith.
-Autre exemple de politique keynésienne créatrice d’emplois : les années Pompidou, qui voient un taux de croissance de plus de 3% par an, fonctionnant comme un mini plan de relance chaque année : création d’emplois nécessaires afin de parvenir à réaliser 3% de plus de PIB. Création d’une consommation nouvelle et rentrées fiscales supplémentaires. permettant de mettre à contribution les hauts revenus taxés à 40% de leurs revenus dans le cadre de l’IRPP. En 1976, le chômage est de 400 000 demandeurs d’emplois, ce qui empêche Pompidou de dormir. Il confie à François-Xavier Ortoli et Jacques Delors, alors commissaires au Plan, la rédaction d’un plan afin de créer de l’emploi. Ce qu’ils font, le rapport servant ensuite de matrice à tous les accords de branche : métallurgie, chimie, etc…
Comment expliquer le succès remporté par la politique de relance ?
Parce que cet outil est inséparable de la lutte contre la pauvreté, considérée alors comme la priorité du champ politique. Comme explique très bien Pierre Bourdieu : entre 1945 et 1981, le champ politique est structuré autour de l’opposition riche/pauvre (cf son ouvrage : “Réflexions sur le champ politique”, édition Presses universitaires de Lyon, 1998). Résultat : tous les hommes politiques de premier plan font de l’augmentation des salaires, la lutte contre le chômage et la pauvreté, leur préoccupation numéro une.
Cela concerne bien sûr les communistes Maurice Thorez et Waldeck-Rochet. Mais aussi le radical Pierre Mendès-France, le centriste J-E. Jeanneney, sans oublier bien sûr l’Abbé Pierre, ex-député MRP. Et Georges Pompidou, que l’annonce de 400 000 chômeurs en 1967 empêche de dormir.
Naturellement chacun a sa réponse, chacun voit midi à sa porte. Mais sur le principe de parler d’abord de la nécessité de tirer par le haut les plus faibles, tout le monde est parfaitement d’accord.
Mais la donne change à compter des années quatre-vingts. Comme explique Pierre Bourdieu : “avec l’arrivée de Jean-Marie Le Pen dans les médias, -autorisée personnellement par Mitterrand en 1985-, le clivage structurant la vie politique riche/pauvre disparait au profit d’un nouveau clivage français/étranger (cf Réflexions sur le champ politique, op cit). Puis du clivage homme/femme. Pro écologistes et anti écologistes. Pro LGBT et anti LGBT….
Le primat de la question sociale est remplacée par le primat des questions sociétales.
Dans ces nouvelles priorités, les hommes politiques abandonnent tout discours sur la pauvreté, férocement mise au rancart de l’impensé et du refoulé. L’état social devient donc un instrument inutile. Démantelé. Bon à la casse.
2°)-Dans les années 80, la mise à mort du keynésianisme par les libéraux :
En effet, le tournant libéral/mondialiste des années quatre-vingt rebat totalement les cartes dans les têtes et dans les priorités des politiques économiques.
Le capitalisme libéral mondialisé impose le primat de la politique de rigueur à vie. Un déficit ne devant pas excéder 3% du PIB, une pure invention de coin de table imaginée par Guy Abeille, administrateur de l’INSEE, sur demande expresse de Mitterrand.
Le nouveau capitalisme financier mondialisé impose aussi une nouvelle mentalité : selon laquelle “un salaire est un coût”, que l’on doit forcément diminuer de façon forcenée, analyse Frédéric Lordon dans on ouvrage : “Et la vertu sauvera le monde ?”, édition Raison d’agir, 1988. Donc, plus question de lutter contre le chômage, dont la courbe s’envole de façon scandaleuse dans l’indifférence générale des gouvernements successifs : 1 million de demandeurs d’emploi en 1980. 2 millions en 1988. 3 millions en 1997. 6,5 millions aujourd’hui.
On voit donc que dans l’ADN même du capitalisme libéral financier mondialisé, et à la différence du capitalisme redistributeur, comme celui du temps de Roosevelt, il n’y a aucune place pour le plein emploi. Mais pour son exact opposé : l’objectif structurel du capitalisme mondialisé est de faire un maximum de chômeurs afin de réduire les prix.
De façon cynique, la lutte contre le chômage cesse d’être la priorité des pouvoirs publics. Les augmentations de salaires aussi. Résultat : depuis les années quatre-vingt les salaires stagnent, augmentant en moyenne de moins de +1% par an contre +2,25% entre 1959 et 1979 : soit une baisse en salaires réels.
Dans ce contexte, et comme explique très bien le sociologue Frédéric Lebaron, du jour au lendemain, et pour des raisons plus idéologiques que véritablement économiques, le keynésianisme est mis au rancart par Mitterrand, trop soucieux de s’aligner sur les politiques libérales de ses grands amis : Thatcher et de Reagan.
Du jour au lendemain, le keynésianisme, qui avait pourtant largement fait les preuves dans l’histoire, notamment avec le succès du New Deal, est mis aux oubliettes. Considéré comme un objet de musée.
On nous « explique” que la politique keynésienne est “impossible”, car le multiplicateur de Keynes relancerait les importations et non la production intérieure. L’argument est spécieux : on peut tout à fait protéger la production intérieure par un protectionnisme intelligent. Ne pas avoir les deux pieds dans la mondialisation forcenée des échanges, dominée par les Etats-Unis, comme le fait imprudemment et de façon profondément anti sociale un certain Mitterrand entre 1981 et 1995. Puis les autres gouvernements entre 1995 et 2023.
En effet, les gouvernements de droite et de gauche n’hésitent pas à sacrifier de façon cynique toutes nos filières industrielles, -soit 2,5 millions de salariés-, au nom d’une mondialisation au succès aléatoire. La France ne peut qu’en sortir forcément perdante, au vu de son statut de puissance moyenne, notamment derrière l’Allemagne et les Etats-Unis.
3°)- Résurrection de la politique de relance :
Mais l’histoire de la politique de relance rebondit en Chine. La connaissance de la Chine est très complexe. Comme nous disait le regretté Alain Benajam : “pour comprendre la Chine, il faut savoir qu’elle est structurée par sept familles idéologiques différentes. Dont l’une est l’équivalent de la City londonienne, avec ses prêts toxiques : hedges, effet de levier, etc…”(sic).
Mais parmi ces sept familles, il existe aussi la famille keynésienne. Ainsi, le gouvernement chinois de Xi Jinping maintient un état keynésien, une demande intérieure avec des salaires relevés régulièrement. Et une politique de lutte contre la pauvreté analyse l’économiste marxiste Vincent Gouysse. Ce qui ne l’empêche pas d’être la première économie mondiale.
Nonobstant toutes les critiques que l’on peut faire sur le keynésianisme, l’exemple chinois montre donc qu’il est parfaitement possible de mener une politique keynésienne, tout en maintenant des échanges extérieurs avec les BRICS et avec l’Occident.
Mieux encore, Donald Trump s’inspire du modèle chinois keynésien. Au mois de décembre 2020, il décide d’un grand plan keynésien d’un montant de 500 milliards de dollars. Mais il ne peut le réaliser, car “battu” par Biden au terme d’élections largement truquées. Nul doute que si Donald Trump est réélu en 2024, il mènera une grande politique keynésienne, qui structurera tout son mandat.
On assiste donc à un retour de la politique de relance, notamment aux Etats-Unis, le pays chantre du libéralisme, responsable de sa disparition comme outil privilégié des politiques publiques économiques à compter des années quatre-vingt.
Voilà pourquoi, Pouvoir au Peuple préconise la définition d’un grand plan de relance d’un montant de 500 milliards d’euros, de nature à créer des millions d’emplois en CDI. Mais il se fera dans le cadre de communisme autogestionnaire et non dans celui du capitalisme inchangé. C’est à dire dans le cadre d’une appropriation publique de tous les profits, résultat d’un important programme de nationalisations sous contrôle salarié. Tous les salariés bénéficient d’un droit de décision au sein du comité social et économique (nouveau nom du comité d’entreprise). Ce plan de relance créera des millions d’emplois, sous réserve de l’accompagner d’une politique douanière intelligente, et d’une relocalisation de nos activités. Et permettra de lutter vraiment contre le chômage et la pauvreté.