Plus d'un million de ruptures conventionnelles (séparation à l'amiable) a déjà été conclu !
Article rédigé par Brigitte Bouzonnie
Au mois d'octobre 2012, 1 017 484 ruptures conventionnelles, dites "séparations à l'amiable" ont été conclues depuis août 2008, date de la création du dispositif. Ce chiffre a été communiqué en catimini par la Ministère du Travail, le 21 décembre 2012, juste avant les fêtes. Avec une moyenne mensuelle de 26 160 ruptures par mois pour les 10 premiers mois de 2012, un record. Dans un article plus récent de Challenge, on apprend que le nombre mensuel de ruptures conventionnelles atteint chaque mois un pic de 35 000 départs.
Le dispositif de la rupture conventionnelle est sorti, dans la plus profonde indifférence, au mois d'août 2008. Ce mode de séparation, qui évite le "plan social", bête noire des employeurs, s'est inscrit et impose dans le paysage de la rupture du contrat de travail. En 2009, la séparation à l'amiable représentait 7% du nombre de CDI. En 2012, il en représente 13%. La démission continue à occuper la première place avec 61% des cas de rupture de CDI, contre 56% en 2009. Autrement dit, une part croissante. En revanche, le licenciement recule, n'occupant plus que 20% des cas de rupture de CDI ( un contrat sur 5) contre 24% EN 2009 ( un contrat sur quatre !). Gageons que d'ici peu, la rupture conventionnelle ( 13%) et le licenciement ( 20%) feront jeu égal !
Si l'accord MEDF/Syndicats a tué le "plan social", le mot ne figurant pas dans l'accord de 24 pages. On peut dire que la séparation à l'amiable avait déjà bien préparé le terrain en imposant un autre mode de rupture !!!
Il faut savoir que le salarié, qui s'est séparé à l'amiable, bénéficie de droits ASSEDIC, représentant 60% de son salaire, droits assez faibles. Mais un plus incontestable par rapport au salarié démissionnaire, qui n'a droit à RIEN. Alors même que son chiffre explose, et qu'il n'est pas comptabilisé parmi les chômeurs.
Une étude du Centre d'études et de l'emploi, réalisée par Bernard GOMEL, Dominique MEDA, Raphael DALMASSO, Evelyne SERVERIN, Laetitia SIBAUD, sur une centaine de ruptures conventionnelles, montre que 61% des ruptures dites conventionnelles sont à l'initiative des employeurs. En dépit de son nom, la séparation résulte presque toujours du souhait patronal.
Près de 40% seraient d'origine économique. Voilà pourquoi l'étude parle de "licenciement caché". Lorsque la rupture est d'origine salariale, elle fait suite souvent à une placardisation du salarié, qui jette l'éponge ! Il conviendrait donc, là encore, de ranger ces ruptures parmi les séparations voulues par le patron. En résumé, la rupture conventionnelle est presque toujours d'origine patronale. L'employeur apprécie d'autant plus ce mode de rupture qu'il lui évite l'infamante mesure de licenciement trop visible.
La procédure est faiblement appliquée : à peine un quart des salariés a bénéficié de plusieurs entretiens. Le document CERFA est souvent pré-rempli, ce qui évite tout forme de négociations employeur/salarié. Le montant de l'indemnité dépend du rapport de forces. Sans surprise, un cadre a droit à plus d'argent qu'un ouvrier.
Le salarié, qui s'est séparé à l'amiable de son employeur, a droit aux indemnités chômage. Mais d'un montant limité à 60% de son salaire. Donc, il n'a pas intérêt à s'inscrire tout de suite à Pôle emploi. Mais à vivre d'abord sur son indemnité d rupture à l'amiable.
Donc, cela veut dire, qu'à côté des 5 millions de chômeurs comptabilisés par Pôle emploi, toutes catégories confondues + DOM, il existe plus d'un million de salariés, dont le contrat de travail a été rompu, qui vont s'inscrire dans les prochains mois à Pôle emploi, leur indemnité de rupture conventionnelle épuisée. Donc, avec une croissance nulle pour 2013, le repli de 160 000 emplois prévus par l'INSEE, l'arrivée sur le marché du travail de 190 000 jeunes, on peut également prévoir l'arrivée d'une partie de ces salariés qui ont rompu leur contrat à l'amiable. Le chiffre de + 500 000 chômeurs en 2013,v annoncé par l'OFCE, lors de sa conférence annuelle de presse du 17 octobre 2012 sera largement dépassé.
Le chômage REEL, résultat de la conjoncture ( croissance nulle en 2013), de l'arrivée des jeunes sur le marché du travail, du nombre de ruptures conventionnelles qui vont s'inscrire à Pôle emploi en 2013, et des l'explosion du nombre de salariés démissionnaires, qui, sans avoir droit à des indemnités ASSEDIC, vont se retrouver sans emploi, faute de création d'emploi en 2013, sera de l'ordre de + 800 000 personnes privées d'emploi : une apocalypse de misère et de larmes dans ce monde libéral de brutes, de femmes et d'hommes qui vont plonger au fond du trou, dans l'indifférence générale.