Petits bijoux d'analyse politique rédigés par Alain Badiou (part 10), qui pointe l'antisémitisme, arme du pouvoir, pour stigmatiser ses adversaires
Citation rédigée par Alain Badiou choisie et commentée par Brigitte Bouzonnie le 6 mai 2023
Aujourd’hui, le reproche d'antisémitisme est devenu une arme du pouvoir en place pour dévaluer, démonétiser ses adversaires politiques. Telle est la trame de l’excellent petit livre de combat rédigé par Alain Badiou et Éric Hazan : "L'antisémitisme partout aujourd'hui en France", La Fabrique Éditions, 2011.
1°)- Alain Badiou et Eric Hazan : “Le but du reproche systématique d’antisémitisme est de "disqualifier les figures d'une pensée véritablement progressiste et révolutionnaire"(sic), (sous entendu comme le philosophe Alain Badiou et l’éditeur Éric Hazan).
“Certes, la construction intellectuelle de leur reproche d’antisémitisme est un peu bancale. Mais elle permet à une foule de gens pressés de fréquenter les allées du Pouvoir. Ils rendent à cette machine (étatique) et à ses maîtres le service éminent de les protéger "intellectuellement" de leurs adversaires politiques et intellectuels (sic).
“Tous ces procédés, si tirés par les cheveux qu'ils soient, finissent par former une rhétorique d'intimidation, dont le seul but est de coller sur des "adversaires" l'étiquette antisémite, avec l'idée qu'une fois appliquée, on ne pourra pas plus s'en défaire que le capitaine Haddock de son célèbre sparadrap”(sic).
“A ce compte, nous pourrions leur demander s’il sont bien conscients d’être, eux, un détachement d’intellectuels spécialisés, au service des formes de la domination réactionnaire, sous la protection de l’armée américaine et avec l’Etat d’Israël, comme poste avancé face à la “barbarie”. Car tel est bien leur rôle, et quand Glücksmann reçoit la légion d’honneur des mains de Sarkosy, on est dans la logique des choses”(sic).
“Choisir le mot “antisémite” pour caractériser le sentiment politique de cette jeunesse (populaire), prétendre que cet antisémitisme est en ”montée” n’est aucunement la description d’une situation réelle, mais une opération de stigmatisation. On choisit à dessein un terme qui n’est pas le bon. Du reste, on leur attribue bien d’autres maux. Pour Finkielkraut par exemple, non seulement ils sont antisémites, mais c’est à cause d’eux que l’Ecole Républicaine est ruinée. A cause d’eux qu’une sorte de sauvagerie s’est installée à la périphérie de nos grandes villes, etc. Dans cet ensemble, le mot “antisémite” indubitablement le plus violent, est aussi celui qui a le moins de rapport avec la réalité (sic).
2°)- Brigitte Bouzonnie :
C'est dit : selon l'éclairé journal Le Point, les Gilets Jaunes constituent la nouvelle "France moisie, antisémite". Ils ne sont pas les premiers, analysent Alain Badiou et Éric Hazan. Las de se faire traiter "d'antisémite", "responsable de pogroms" dans toutes les revues, "Le Figaro", "Le Monde", et livres qui comptent du moment, Alain Badiou et Éric Hazan ont décidé de riposter en passant à l'attaque. Montrer de quel côté de la barricade parlent les accusateurs, parmi lesquels Finkielkraut, dont le nom revient souvent dans ce petit livre.
Quel est leur passé, quelles sont leurs raisons politiques, quels avantages personnels ils tirent de leurs mensonges ?
2-1)-Qui sont ces nouveaux inquisiteurs ?
Pour Badiou et Hazan, ces nouveaux inquisiteurs viennent de la gauche : Claude Lanzmann par exemple, résistant et qui s'est battu courageusement pendant la guerre d'Algérie. André Glücksmann, ex-maoïste comme Jean-Claude Milner. Pierre-André Taguieff, proche des situationnistes. Alexandre Adler, ancien responsable communiste. Jean Birnbaum, responsable du Monde des Livres, ex-militant à Lutte Ouvrière. Et bien sûr Alain Finkielkraut, dont le fond de commerce est l'antisémitisme réel ou fantasmé. Il est l’auteur dès 2003 d'un ouvrage intitulé : "au nom de l'Autre, Réflexion sur l'antisémitisme qui vient", Paris, Gallimard, 2003, où il n'hésite pas à qualifier l'année 2002 "d'année de cristal"(sic), formule qui lui valut de se faire remettre à sa place vertement par Madame Simone Veil elle-même.
Etant du côté du manche, les contempteurs de l’antisémitisme jouissent d'un grand pouvoir de nuisance contre ceux (Badiou, Gilets Jaunes), de l’autre côté de la barricade sociale.
L’objectif est de salir le mouvement des Gilets Jaunes : qui ont fait ce que tout le monde croyait impossible : un mouvement de révolte frontale et sur la durée contre Macron. Même le Pouvoir est résigné à avoir les Gilets Jaunes tous les samedis pendant sept mois et demi, jusqu'à l'été 2019. Et ce n'est pas faute d'avoir utilisé contre eux l'ultraviolence des LBD : coucou, le triste CRS qui a crevé l’oeil du gentil gilet jaune Manu, Place d’Italie. Des tanks, les sinistres bombes de désencerclement, comme celle qui a tué Rémi Fraisse. Des lacrymos "qualité" supérieure, vomissements garanties pendant toute la nuit. Coups de matraque contre des gilets jaunes âgés, mensonges médiatiques XXL. Le gros bobard qui tâche. Sondages truqués, etc.
En un mot, ces nouveaux croisés contre l'impie antisémite, sont du côté du Pouvoir. Chouette, la stigmatisation d'antisémitisme et les prébendes du Pouvoir sont du même côté de la tartine ! Comme on a vu : Glücksmann, ex-stalinien, reçoit la Légion d'honneur de Sarkosy. Et Finkielkraut est reçu triomphalement à l'Académie Française. Ca roule pour les porte-étendards luttant contre le supposé antisémitisme. Si Alain Badiou vend ses journaux militants le Perroquet ou le Marxiste Léniniste à 600 exemplaires, Finkielkraut défend une cause "payante". Elle lui offre une émission en vue chaque semaine sur France Culture. Des livres devenus best seller. Une sinécure d'académicien. Un séjour à Sanary dans le Var, chez Olivier Duhamel, le lieu de vacances déboutonné que l’on sait, comme le rappelle Camille Kouchner, qui cite expressément son nom dans son livre : La familia grande, édition Points, 2021. N'en jetez plus...!
2-2)-Qui sont les victimes ?
En lisant ce petit livre, on ne peut qu'être surprise du nom des victimes taxées du jour au lendemain d'antisémitisme fantasmatique : hier, Jean-Claude Milner n'hésitait pas, au cours d'une émission de France Culture de Finkielkraut à traiter Pierre Bourdieu lui-même "d'antisémite"(sic). Le "crime" du grand sociologue étant d'être attaché au mot "ouvrier", et de méconnaître le rôle historique central du "juif". Autres victimes : Serge Halimi, auteur des "Chiens de garde", Jacques Bouveresse, ("Schmock ou le triomphe du journalisme"), Pierre Bourdieu à nouveau à cause de son livre "Sur la télévision" sont qualifiés d'antisémites par Nicolas Weill. Badiou se fait traiter de "négationnisme" pour les mêmes raisons. Eric Hazan de "responsable de progroms", excusez du peu. Des procès sont intentés à Daniel Mermet, Edgar Morin, Danielle Sallenave pour "incitation à la haine raciale".
Finkielkraut s'en prend aussi à la jeunesse des quartiers populaires qualifiée "d'antisémite", déclarant : "Une sorte de sauvagerie s'est installée à la périphérie de nos grandes villes"(sic). On le voit : le mot "antisémite" est celui qui a "le moins de rapport avec la réalité". Exactement ce qui se passe aujourd'hui avec les Gilets Jaunes : le reproche d'antisémitisme est certainement la dernière chose que l'on puisse reprocher aux Gilets jaunes.
Nos inquisiteurs mettent en oeuvre une chaîne de "raisonnements" suivants : "l'anticapitalisme a pour noyau l'antiaméricanisme. L'antiaméricanisme a pour centre l'antidémocratisme, et l'antidémocratisme a pour pivot l'antisémitisme. C'est ce "qu'explique" BHL : "l'antiaméricanisme français, cette passion française dont on ne rappellera jamais assez qu'elle apparut, chez nous, dans la mouvance des fascisme français des années trente, ce délire idéologique qui masque mal des sentiments aussi douteux que la haine de la démocratie Tocquevillienne..., le fantasme d'un pays cosmopolite vivant sous la loi du lobby juif"(sic) ("BHL, Récidives, Paris, 2004).
Au passage, on note que trois "nouveaux philosophes" figurent dans cette équipe d'inquisiteurs patentés, docteurs en antisémitisme : BHL, Glücksmann, Jean-Claude Milner. Sans parler de Finkielkraut, dont les idées anti totalitaires sont cousines de celles des nouveaux philosophes.
L'antisémitisme collé sur tout opposant un peu rugueux au Pouvoir, (Gilets Jaunes) c'est la poursuite, par d'autres moyens, de la Nouvelle Philosophie, visant à désorienter les consciences à la fin des années 70. “Nouvelle philosophie qui a joué le rôle en définitive très important, de qui se propose de liquider tout ce que représentait l’intelligentsia révolutionnaire française”, dixit Alain Badiou dans son livre d’entretiens : Eloge de la Politique, édition Café Voltaire/Flammarion. Les supposés nouveaux philosophes profitent du reflux du mouvement social post 68ard : à compter de 1975, baisse du nombre de journées individuelles non travaillées, baisse du nombre de cartes à un syndicat, pour avancer leurs pions. L'objectif est de faire oublier le primat de la question sociale (l'opposition des riches contre les pauvres), au profit fallacieusement de la question raciale. De la même façon, le reproche systématique d’antisémitisme progresse et s’épanouit dans les années de contre réformes libérales, apparues avec mitterrand : 1981-2023. Et de dégringolade de la charge des intellectuels critiques.
La Bourgeoisie/le Pouvoir du moment nous avaient imposés les nouveaux philosophes. Aujourd’hui, ils nous imposent la querelle perpétuelle de l'antisémitisme vu partout, y compris dans les lieux les plus improbables comme les Gilets Jaunes, qu'elle cherche à pulvériser à n'importe quel prix. Cette fausse querelle perdure, parce que personne, à l'exception d'Alain Badiou et Eric Hazan, n'oppose une lecture lutte des classes sérieuse à cette entreprise de mise à mort symbolique d'un adversaire, qui a l'antisémitisme pour vague accusation écran.