Petits bijoux d'analyse de Alain Badiou (22). Il nous dit que "tenir bon, c'est quelque chose qui se fait remarquer. Victor Hugo est sorti grandi de son exil"(sic) !
Citation rédigée par Alain Badiou choisie le 17 mai 2023 par Brigitte Bouzonnie. Elle est extraite du verbatim de la fin de l’entretien de Alain Badiou avec Aude Lancelin pour Le Média du 3 juin 2018
1°)-Alain Badiou :
1-1°)-”Tenir bon, je le constate à la fin des fins, c'est quelque chose qui se fait remarquer. Et je dirai de Victor Hugo : il a quand même accepté d’être exilé vingt ans sur une petite île de rien du tout, en disant : “et s’il n’en reste qu’un, je serai celui-là”(sic). Au fond, il est sorti grandi de cette affaire beaucoup plus que les courtisans de Napoléon III” (sic) (verbatim de la fin de l’entretien de Alain Badiou avec Aude Lancelin pour Le Média du 3 juin 2018).
1-2°)-”Qu’est ce que le courage ? Comprenons que pour nous autres matérialistes de l’évènement et de l’exception, une vertu, ce n’est pas quelque chose qu’on a déjà, une sorte de disposition morale, qui fait qu’il y a, par exemple, des lâches et des courageux” (cf De quoi Sarkosy est-il le nom ?, édition Lignes, 2007).
*Le courage, c’est la vertu qui se manifeste par l’endurance dans l’impossible. Le courage n’est pas le point à atteindre, mais la tenue de ce point. Ce qui demande du courage, est de se tenir dans une durée différente de la durée imposée par la loi du monde. La matière première du courage, c’est le temps” (cf De quoi Sarkosy est-il le nom ?, op cit).
*Après l’élection de Sarkosy, le courage est requis, pour se sortir de l’impuissance qu’atteste l’affect dépressif. Mais attention ! Le courage ne peut pas être le courage de recommencer, de reconstruire ce qui était. Le courage de continuer à être “couragé” n’est aucunement réductible au courage de conserver ce qui fut défait. La “reconstruction de la gauche”. “La réforme du parti socialiste”, très peu pour nous ! Rien de mieux pour ne pas être du tout couragés. Toute répétition dé-courage (cf De quoi Sarkosy est-il le nom ?, op cit).
*Le courage s’inscrit comme rupture dans le tissu du temps de la réalité.(…) Le courage n’est jamais de recommencer comme avant. Le courage commence en un point, par le retournement, qui cisaille les opinions et ne tolère aucune nostalgie.(..) Car la prétendue réponse globale, nous la connaissons, c’est la vieille rengaine de la “reconstruction de la gauche”. Cela revient à retourner aux moeurs anciennes, à tenter de rechaper le pneu crevé des vieilles catégories parlementaires, et donc à préparer la réitération sans courage des circonstances même qui provoquent l’impuissance”(cf De quoi Sarkosy est-il le nom ?, op cit).
2°)- Brigitte Bouzonnie : Alain Badiou nous dit avec lucidité de “tenir” dans un objectif impossible. “Tenir” dans notre volonté de changer de système politique, jeter par-dessus bord le capitalisme mondialisé occidental. Une délocalisation sauvage des emplois de notre industrie, générant un chômage et une pauvreté de masse de 15 millions de pauvres, que nous subissons tous depuis les années quatre-vingt. Une baisse réelle du niveau de nos salaires depuis la même époque. Une France, devenue tristement la vassale des Etats-Unis.
Naturellement, et comme aurait dit Einstein, on ne peut pas recommencer avec ceux qui sont responsables de notre problème : les partis de gauche.
Sans le faire exprès, les propos de Alain Badiou sont d’une grande actualité. En ce moment, sur le fil d’actu de Facebook, à la radio (coucou Marine Tondelier décanillant l’idée d’une union de la gauche aux Européennes), on entend parler que de “l’union de la gauche” (ou non) qui se fera ou non aux prochaines élections européennes. On meuble. On occupe les esprits. On les désoriente en les gavant de fausses solutions, comme le recours à la France Insoumise, dont on sait par ailleurs qu’elle est corrompue, achetée par macron, pour respecter une ligne “macron compatible”.
Jamais la nécessité de “tenir” dans la durée, “d’endurer” dans le point impossible qu’on s’est fixé : le changement radical de société, n’a jamais été aussi prioritaire. Souvent, dans ses écrits, Alain Badiou dit : “nous sommes en 1848, tout est à reconstruire”. Qu’il me permette, pour une fois, de ne pas être d’accord avec lui. Moi je pense :”on est en 1942, au moment où la Résistance est à ses débuts. Elle représente à peine 2% de la population : chiffre donnée par Mireille Albrecht, la fille de la grande résistante Berty Albrecht dans la biographie de sa mère (cf “La grande figure féminine de la résistance, Berty”, collection vécu, édition Robert Laffont, 1986).
Dans son livre de souvenirs, intitulé : L’aventure incertaine, édition du Félin, 1998, Claude Bourdet, fondateur très tôt avec Berty Albrecht et Henry Frenay du groupe Combat raconte longuement les déboires de l’année 1942. Les échecs successifs rencontrés, lorsque les trois résistants cherchent des femmes et des hommes acceptant l’idée de s’engager contre le régime nazi et Pétain. Ainsi, il demande à André Malraux de venir résister à Combat. Très méprisant, Malraux lui répond : “avez-vous des armes ? Avez-vous des gens célèbres avec vous ? Auquel cas, ce n’est pas la peine d’entrer dans la résistance”(sic). Son père, metteur en scène, l’enguirlande, lui reprochant vertement d’entreprendre, lui, le non professionnel de la politique, quelque chose qui le dépasse ; alors que tous les hommes politiques sont à Vichy.
Malgré tous ces refus successifs, Claude Bourdet fait partie de toute une génération politique, avec Berthy Albrecht, Raymond Badiou, Lucie et Raymond Aubrac, Germaine Tillon,…, qui ont tenu bon dans leur objectif impossible : libérer la France du nazisme.
C’est exactement ce qu’il nous faut faire aujourd’hui. Voilà pourquoi nous avons créé un nouveau lieu politique de résistance : la revue La lettre politique indépendante. Le Rassemblement “Pouvoir au Peuple”, sans aucune ambition capitalo-parlementaire, et le programme politique en 43 propositions qui s’y attache, même s’il n’est pas encore finalisé. Espace critique venu s’ajouter à d’autres lieux politiques existants. La librairie Tropiques. Les éditions Delga. Le programme politique des convois de la liberté. Celui des Gilets Jaunes. Bien sûr, les livres politiques rédigés par Alain Badiou. Les sites amis : “Les 7 du Québec”. Elucid. “Réseau International”. “Le Saker francophone”. Les vidéos de Madame Annie Lacroix-Riz. L’émission “Bercoff dans tous ses états”. “Les entretiens du Marquis de Dreslincourt”. “Le Courrier des stratèges”. TVLibertés. Ligne droite. QG. Les murs Facebook de mes amis Monika Karbowska, Dominique Kern, Claude Picart et les autres….Les murs VK de Simone Hugot, Michel Tenart et Alain Kint. Les vidéos, interviews, articles, livres de l’anthropologue Jean-Dominique Michel. Des Professeurs Didier Raoult, Christian Perronne. Des médecins Nicole et Gérard Délépine, Louis Fouché, Alexandra Henrion-Caude…
Comme disait très justement le regretté Alain Benajam, “nous constituons un réseau de réseaux” (sic). Il n’y a personne à corrompre. Personne qui veuille s’engager dans le système électoral truqué, sauf, je viens de l’apprendre, Robert Kennedy junior, auteur d’une magistrale biographie sur le sieur Fauci, parrain de la mafia médicale us, qui vient de s’engager dans les primaires Démocrates. Choix que je regrette profondément.
Il ne s’agit pas de s’imaginer de façon illusoire, que nous sommes sur un grand toboggan. Qu’il suffit de glisser. Que “tout est gagné”. Je suis sur Facebook depuis 2009, à poster chaque jour mes articles sur l’ampleur cachée du chômage et de la pauvreté. Je peux donc témoigner d’une chose : Facebook qui était un véritable espace de libertés en 2010-2011 a beaucoup dégringolé dans le registre de la critique sociale et politique. Souvent, c’est un crève coeur que de lire le fil d’actu de Facebook 2023, tellement les post sont aseptisés. Ripolinés. Lyophilisés. Mais, inversement sont apparus, à la fin de la décennie (2010-2020) d’autres lieux critiques sur Youtube, Sud Radio. Internet tout simplement : je pense par exemple au site Elucid créé en 2020 : autant d’espaces critiques qui n’existaient pas en 2010.
Donc, pour reprendre l’excellente formule et titre du livre de Claude Bourdet, la critique 2023 du système mondialisé occidental poursuit son “aventure incertaine”, soit un mélange de combat, de courage/ Mais aussi et surtout d’incertitude.
En se disant qu’à la fin des fins, c’est “payant” de résister. Tout comme Victor Hugo est sorti grandi de son exil, en opposition à Napoléon III : tous ces lieux de résistance 2023 sortiront grandis de leur opposition à macron : beaucoup plus que tous ceux qui ont tourné leur veste à compter des années quatre-vingt, en faveur du capitalisme déchainé : les BHL, Glücksmann, Philippe Sollers, Lang, Fabius, Chéreau, Kouchner, Régis Debray, Montand-la joie, Serge July, Matzneff, Castro, Serge Daney, Henri Weber, Cohn-Bendit, Goupil, Michel Foucault, Chevènement, Bruckner, Olivier Rollin,…voir livre rédigé par Guy Hocquenghem : “Lettre ouverte à ceux qui sont passés du col Mao au Rotary”, édition Albin Michel, 1986.
Je donnerai un seul exemple : il y a une huitaine de jours, l’écrivain Philippe Sollers, gaulliste, communiste, maoïste, libéral… disparaissait. J’ai été frappé des quintaux d’ironie, de quolibets, notamment sur les réseaux sociaux, qui ont accompagné son dernier voyage. Comme quoi, les trahisons à répétition de ces demi-malins n’impressionnent plus personne. Dans la société française 2023, ce n’est plus “payant” de trahir. Ce qui compte aux yeux des gens, c’est d’être sincère avec soi-même : exactement comme les résistants de 1942. Exactement comme nous, les résistants de 2023. The times, there are changing, chantait Bob Dylan….
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