"On vaut mieux que ça" dit le hashtag de la manif d'aujourd'hui (anti Khomri), demandant le retrait de la loi El Khomri. Slogan aux mots magiques, ne cessant de résonner dans ma mémoire. Tant il est directement l'antithèse de tout ce que nous vivons aujourd'hui. Tant il est le contraire de l'ordre social du moment : OU L'ETRE HUMAIN HUMILIE NE VAUT PLUS RIEN. "C'est ce que dit la prolifération des "sans" -sans emploi, sans papier, sans domicile, sans avenir.., Aimé Césaire parlait de "fabrication des hommes jetables."(sic) analyse Lucien SEVE dans un article intitulé "La fonte des glaces et la lutte des classes", "Manière de Voir" n°137, octobre 2014, "Penser est un sport de combat".
L'Ëtre humain ne vaut rien, à cause des inégalités monstrueuses cadenassant la planète :
- 10% de l'oligarchie confisque 86% des richesses.
- 40% des classes moyennes se partagent 14% des ressources mondiales.
- 50% n'a rien du tout. Compte pour rien du tout.
Chiffres communiqués par Alain Badiou dans son livre : “Notre mal vient de plus loin. Penser les tueries du 13 novembre 2015”, éditon Fayard, 2016.
Appliqué à la France, on compte15 millions de personnes vivant avec moins de 987 euros par mois. 80% de la population salariée gagnant moins de deux fois le SMIC. Et le pouvoir politique, avec la loi travail, nous le jette à la figure. En nous imposant des semaines de 60 heures, sans repos compensateur entre deux jours, la possibilité donnée au patron de nous licencier du jour au lendemain, de nous faire basculer dans la pauvreté, par le primat donné à l'accord d'entreprise qui signifie la mort du code du travail, le gouvernement nous le crie encore et encore : NOUS NE VALONS RIEN DU TOUT A LEURS YEUX... ! .
Alors dire tout à coup, "on vaut mieux que ça", avoir 1, 2 millions de personnes le disant en même temps, c'est une balafre dans l'azur de l'ordre dominant. UNE RUPTURE DANS LE COURS IMMANENT DES CHOSES, pour reprendre une analyse d'Alain BADIOU.
"On vaut mieux que ça", une phrase d'abord sans importance : mais qui modifie profondément le cours de choses. Surtout, quand elle participe d'une bataille médiatique et syndicale, qui fait rage contre la loi Travail : 230 préavis de grève déposés aujourd'hui. Des hommes politiques demandant le retrait de cette loi : Besancenot. Des intellectuels comme Jacques SAPIR. Et tous les sans nom les sans grade que nous sommes sur Facebook, bataillant du matin au soir contre ce projet scélérat : du jamais vu depuis le mouvement social contre les retraites de 2010...!
Tout à coup, nous nous montrons capables d'interrompre notre existence humiliée ordinaire, faisant montre de notre propre puissance sur le net et dans la rue, dont on ne se savait pas capable la veille encore.
C'est à notre propre surprise que se développe cette bataille idéologique et pratique contre le retour au 19eme siècle, l'époque où les relations employeur/salarie étaient régies par le code civil. En plein état d'urgence, alors que les rassemblements sont en principe interdits, nous avons réussi à créer un évènement social qui rompt avec le cours ordinaire du libéralisme triomphant. Le fait que l'Elysée et Matignon ne cachent plus leur crainte, ainsi qu'on peut le lire dans la presse dominante....
PS : NATHALIE COTTON PARLE TRES JUSTEMENT DE DECLIC : "je lis de plus en plus d'appels à un mai 69 version 2016, comme si tout d'un coup, avec la loi El Khomri il y avait un DECLIC, et ce qui est étrange c'est que de plus en plus de personnes de mon entourage, peu ou pas politisées commencent à se poser des bonnes questions...