Nino Farez : Le coup d’État enjôleur !
Article rédigé par Nino Farez et Brigitte Bouzonnie en 2017 mais toujours d'actualité
1)- Nino Farez : "Le coup d’État enjôleur
Nous avons changé d’époque : la mode n’est plus aux coups d’Etat violents d’autrefois. Pour renverser la République aujourd’hui, plus besoin de prise de pouvoir armée comme celle du 18 Brumaire ou d’occupation militaire extérieure pour imposer un maréchal Pétain ; le système institutionnel et électoral de la monarchie présidentielle joue très bien son rôle. En plus, c’est pratique : bien dissimulé derrière des sourires charmants et une belle propagande médiatique d’abrutissement des masses, le putsch ne se remarque même pas. Désormais, la mode est au « coup d’État enjôleur ».
Depuis la Révolution française, tous les ennemis de la République, qu’ils s’appellent légitimistes, orléanistes, bonapartistes ou vichystes, ont cherché à atteindre le même objectif : étouffer la souveraineté populaire et bâillonner le parlementarisme. L’idéologie est toujours la même : le peuple ne doit pas exercer le pouvoir, et la démocratie parlementaire est une nuisance ; il faut confier tous les pouvoirs à un exécutif fort, conduit par un homme seul, responsable devant personne, qui gouvernera – comme par hasard ! – toujours dans l’intérêt des puissants.
C’est exactement cette idéologie que l’on retrouve dans l’arrivée au pouvoir de Macron. Derrière les sourires affables, perce un technocrate prétendument apolitique, « ni de gauche ni de droite » ou « et de gauche et de droite » (nier le clivage gauche-droite, c’est nier la conflictualité sociale ; bien pratique quand on veut gouverner au seul profit des puissants en écrasant la contestation), qui veut étouffer le Parlement. Qu’on en juge : son premier geste est d’aller s’exprimer devant le Congrès (à Versailles !) où députés et sénateurs devront écouter la bonne parole présidentielle sans avoir le droit de lui répondre en sa présence ; puis, il veut se substituer au Parlement pour légiférer à sa place sur le code du travail. Même son annonce d’une baisse du nombre de parlementaires, idée certes populaire, est un piège anti-démocratique ; dans le système actuel, réduire le nombre de parlementaires, c’est limiter d’autant les possibilités pour l’opposition politique d’être représentée au Parlement (moins il y a de sièges en jeu, plus les rares sièges restant en lice risquent d’aller aux partis dominants), donc empêcher le pluralisme !
Certes, on pourrait dire que, s’il est là, c’est parce que les Français l’ont élu, lui conférant ainsi une légitimité démocratique. Grave erreur ! Le système institutionnel et électoral organise la dépossession de la souveraineté politique du peuple. Le mode d’élection du Président de la République est une supercherie. Quelle est la légitimité démocratique d’un scrutin dans lequel 90% des médias font campagne pour un candidat ? Quelle est la pertinence d’un scrutin qui, par l’abject mot d’ordre du « vote utile », amène des millions d’électeurs à voter pour un candidat qui ne représente pas leurs idées (mais bien souvent par contre celles des grands médias qui font campagne pour le « vote utile ») ? Et quelle est la légitimité d’un candidat qui représente 18% des électeurs inscrits au premier tour à se prendre pour le monarque présidentiel absolu ?
Et le Parlement n’est guère mieux loti. La stupide inversion du calendrier électoral décidée par Jospin en 2001 inféode les élections législatives au résultat de la présidentielle. Dans la quasi-totalité des pays démocratiques européens, c’est le résultat des élections législatives qui détermine la nomination du gouvernement. En France, c’est l’inverse ! On se retrouve ainsi avec des élections législatives auxquelles personne ne participe et des majorités parlementaires extravagantes, détenant 60% ou 70% des sièges en représentant 15% des électeurs inscrits.
Oui, le cycle électoral qui s’achève et la nouvelle monarchie présidentielle qui commence (et s’annonce sans doute encore pire que les précédentes) démontrent plus que jamais l’ineptie du régime actuel, et la nécessité de convoquer une assemblée constituante pour fonder la 6e République. Ce sera tout l’enjeu historique du combat que nous devrons mener dans la fracassante période qui s'ouvre.
Mouvement pour la 6ème République.
2)-Brigitte Bouzonnie : Cette analyse réhabilite un mot interdit de tous, sauf Alain Badiou, et modestement, les articles de Dominique et moi : le mot "COUP D'ETAT". Personne, dans la gauche critique, JLM, ou Lordon pour prononcer ce mot fatidique. Mélenchon continue de raisonner comme si on était en "démocratie". Seul, J. Sapir ose affirmer que "Macron est mal élu"(sic), sans aller jusqu'au bout du problème : un candidat qu'on nous a imposés, alors que la majorité des électeurs n'en voulait pas.
Un chiffre important est passe inaperçu. Apres le premier tour des Présidentielles, un sondage a montré que seulement 31% des sondes étaient satisfaits de l'affiche du second tour : Macron contre Le Pen. Résultat curieux s'il en est, car si on additionne le score de Macron (24%) et celui de MLP (21%) au premier tour, on arrive à 45%, qui auraient du, normalement, être "satisfaits" de l'affiche du second tour. Soit une différence de 14%....!!
En tout état de cause, même si ce décalage de 14 points n'existait pas, il en ressort que 2 tiers des français ne voulaient pas d'un duel Le Pen/Macron. C'est cela qu'il faut dire et répéter aujourd'hui. Car cela explique l'apathie et l'abstention massive qui ont suivi aux Législatives. Et pourtant, personne ne moufte, le mécontentement populaire, le Peuple mis au rancart de la politique, aucune importance !