Mobilisation des Gilets Jaunes : on sent un bouillonnement ras la marmite
Article rédigé par Brigitte Bouzonnie le 12 décembre 2018
La manif est belle. On sent un bouillonnement ras la marmite. Une détermination énorme s'est emparée de la rue et des gilets jaunes, plus nombreux que jamais : 84 000 contre 60 000 samedi 5 janvier, selon les chiffres officiels. 360 000 contre 300 000 à mi-journée, chiffre donc non définitif, selon le syndicat Policiers en colère. 10 000 gilets jaunes à Paris, plus que samedi 5 janvier, 20 000 à Bourges, 10 000 à Toulouse, soit plus que samedi 5 janvier, 10 000 à 25 000 à Bordeaux contre 5000 samedi en huit, 3000 à Rouen et Montpellier, 2000 à Saint Brieuc, Beaucoup, beaucoup de monde à Lille, un cortège impressionnant à Marseille et à Lyon...
Une belle manifestation nombreuse, joyeuse, pleine d'assurance, que personne n'attendait, suite au suppose "desamour" de l'opinion publique pour les Gilets Jaunes. En réalité, la question "avez-vous de la sympathie pour les GJ ? " (70% des français ont de la sympathie pour les GJ) avait été mise au rancart, remplacee par : "voulez-vous que le mouvement des GJ continue ? " ou : "etes-vous d'accord avec les GJ ? " (55 à 60%). D'où cette soit disant "baisse" de 10 points en 3 semaines, alors que ce "décrochage" additionne en réalité les torchons et les serviettes.
Ce qui frappe surtout, c'est que l'ultra-sévérite de Philippe n'a eu aucune incidence sur le niveau de mobilisation des gilets jaunes. Mardi, on avait alerte nos lecteurs : rédiger une loi anti casseurs, certes, c'est à la portée de tous les pouvoirs venus. Le vrai problème, avec ce type de législation "duralex sed lex", c'est son niveau "acceptation sociale", jamais acquise d'avance. Comme aurait dit Chirac, l'obeissance craintive à ce nouveau dispositif, c'était pas dans la musette" !
En realite, par ce discours dit de la fermeté, le pouvoir voulait surtout rassembler son electorat de cadres sup citadins LREM, comme l'explique Le Canard enchaîné de cette semaine.
Ce qui frappe aussi, c'est que le numéro de Schiappa, -identifier et criminaliser les soutiens au boxeur mis en examen-, a fait bêtement pschitt comme le reste. Pourtant, ce n'est pas faute de ne pas s'etre egosillee, de ne pas avoir économise sa salive, fait sa pipelette partout, multiplie les passages média, prenant au passage la place du Premier Ministre, en définitive beaucoup plus discret que notre fille de trotskyste préférée, profondément ignare sur les règles élémentaires du ping pong intellectuel..
Ce qui ressort de tout cela, c'est l"extraordinaire "résistance intellectuelle" des gilets jaunes au mensonge médiatique, pierre angulaire du système. Le Gilet jaune déclarant sur France culture, qu'il ne croyait plus à aucun média en place, sauf les réseaux sociaux (cf article posté hier) est totalement symptomatique de l'etat d'esprit de tous les gilets jaunes, libérés du carcan impose par la petite bourgeoisie mediatique pour "tenir" le système d'une oligarchie confisquant tous les pouvoirs : cf Alain Accardo : "Le petit-bourgeois gentilhomme. Sur les prétentions hégémoniques de la classe moyenne", édition Agone, 2009.
A la fin de son ouvrage, Accardo explique comment "les classes moyennes manifestent une volonté de ne pas savoir, s'imaginant que l'oligarchie va pouvoir continuer indéfiniment à fonder sa prospérité sur le chômage et la pauvreté de masse des français, alors que cette stratégie conduit à la catastrophe"(sic). En clair, la petite bourgeoisie médiatique croit qu'il suffit de montrer de faux chiffres sur la pauvreté, -depuis 5 ans, le chiffre de l'INSEE sur la pauvreté est cale sur 9 millions de pauvres. Alors que selon nos calculs, nous arrivons à 15 millions de pauvres. Et que le Secours Populaire évalué à 30% le nombre de pauvres + conjoint et enfants dans la société française.
Le mouvement des Gilets Jaunes, c'est d'abord le réveil de la culture populaire contre cette "moyennisation" des esprits imposée par les médias aux ordres. C'est aussi la colère du Peuple contre sa paupérisation de masse. La définition d’un programme visant à définir une nouvelle proposition politique, éviter la paupérisation totale de la société. Une proposition établissant une vie décente pour chacun : soit à travers un emploi correctement rémunéré, soit à travers un minima social ou une pension de retraite fortement revalorises.
C'est ce bras de fer entre le projet ultra-libéral de Macron et le projet solidaire des Gilets Jaunes, que nous sommes en train de vivre. En clair, une lutte des classes plus aiguë que jamais, ou les classes populaires et petites classes moyennes ont décidé de ne plus perdre, se résigner : se battant le front haut, au fil de l'épée, au péril de leur vie pour certains hélas..!