MENACE NUCLÉAIRE : VERS UNE PÉNINSULE CORÉENNE DOUBLEMENT NUCLÉARISÉE ?
Article rédigé le 5 avril 2023 par Jack Thompson pour le site Réseau International
Le Conseil de sécurité de l’ONU peut voter toutes les sanctions possibles et imaginables, la Corée du Nord est et restera une puissance nucléaire. Le Dirigeant suprême de la République populaire démocratique de Corée (RPDC), Kim Jong-un, le clame haut et fort : jamais il ne renoncera à son arsenal nucléaire. Pire, Kim Jong-un prône aujourd’hui « l’augmentation exponentielle » du stock de ses armes de destruction massive. Au sud du 38e parallèle séparant les deux Corées, Séoul a fini par s’émouvoir de ces sempiternelles menaces de vitrification venues du Nord. La Corée du Sud envisage à son tour de se doter de sa propre dissuasion nucléaire...
Freedom Shield 23 (« bouclier de la liberté 2023 »), l’exercice militaire annuel entre la Corée du Sud et les États-Unis débuté le 13 mars dernier s’adapte à l’air du temps, précisément à « l’évolution de l’environnement de sécurité ». Un euphémisme pour qualifier la fièvre qui s’est emparée du régime nord-coréen adonné depuis janvier 2022 à une débauche d’essais balistiques sans précédent. Au cours de l’année écoulée, Pyongyang a tiré plus de 60 missiles contre six en 2021.
Avec ses missiles balistiques intercontinentaux (ICBM), dont les Hwasong-15 (portée théorique de 13 000 km) et Hwasong-17 (portée théorique de 15 000 km, soit l’ensemble du globe à l’exception de l’Amérique du Sud), Pyongyang disposerait de vecteurs capables de frapper les États-Unis. En parallèle, des missiles à combustible solide – plus maniables et difficiles à détecter avant leur ignition que ceux à carburant liquide – sont expérimentés. Cerise sur ce champignon atomique, les ingénieurs nord-coréens progressent également à vitesse grand V dans le domaine des missiles hypersoniques.
Aux premiers jours de 2022, l’agence officielle de presse nord-coréenne (KCNA) annonçait la réussite de trois tirs successifs de missiles à plus de Mach 5 (6 174 km/h). Un an et plus de 70 missiles plus tard, l’alliance US-ROK (United States, Republic of Korea) organisait « Freedom Shield ». Au programme, « teak knife », une simulation de frappes sur la Corée du Nord. Pour l’occasion, le Pentagone a exhibé ces bombardiers lourds de la Guerre froide, les fameux (ou pas) B52 à capacité nucléaire. Le message convoyé par l’armée sud-coréenne est sans ambiguïté : ces opérations incluaient « des procédures de temps de guerre pour repousser de potentielles attaques nord-coréennes et mener une campagne de stabilisation dans le Nord ».
Kim Jong-un a réagi au quart de tour, régalant les observateurs de multiples tirs dont un Hwasong-17, le « missile monstre » de Pyongyang. Puis ce fut un engin balistique lancé à partir d’un sous-marin « 8.24 Yongung ». Le 23 mars, un drone d’attaque nucléaire sous-marin a été testé. Cet engin déclencherait un « tsunami radioactif » dans les ports ennemis. Enfin, le 27 mars, la Corée du Nord a tiré lundi deux missiles balistiques à courte portée vers la mer du Japon. Ces démonstrations (ou bluff ?) technologiques s’accompagnaient des sempiternels raclements de sabre du pouvoir nord-coréen. Du pain béni pour Washington : la présence de 28 500 soldats américains en Corée du Sud en ressort amplement justifiée.
Images d'un essai de missile nord-coréen, dans une gare de Séoul, le 14 mars 2023 / Anthony WALLACE / AFP
Le concept pernicieux de la guerre préventive
De Freedom Shield, rien d’extraordinaire à retenir si ce n’est que ces exercices purement défensifs – du moins officiellement – comportaient une option « frappes préventives ». Une stratégie de plus en plus vogue en Asie de l’Est. Faisant fi de sa doctrine pacifiste, le Japon s’y est engagé en décembre 2022. À terme, l’archipel développera des missiles hypersoniques à même de détruire ceux de l’ennemi sur leur pas de tir, enfin en théorie.
Ce concept où l’on se doit d’agir avant qu’il ne soit trop tard est vieux comme le monde. Thucydide, l’auteur de La guerre du Péloponnèse, justifiait l’attaque de Sparte contre Athènes au motif qu’un jour, les Athéniens deviendraient trop puissants. Le danger devait être étouffé dans l’œuf. Deux mille quatre cents ans plus tard, cette doctrine n’a pas pris une ride. Israël s’en est inspiré en 1967 lors de la guerre des Six Jours.
En orchestrant la seconde guerre d’Irak en 2003, les États-Unis n’ont pas fait mieux. Selon le secrétaire d’État américain de l’époque Colin Powell, le chef d’État irakien Saddam Hussein possédait des « armes de destruction massive ». L’Irak fut ravagé, Saddam Hussein pendu (2006), mais aucune arme de destruction massive ne fut jamais retrouvée. Le président américain Georges W. Bush tenta bien maladroitement de se justifier en 2004: « Je m’attendais à trouver ces armes ». En guise de mea culpa, Washington argua qu’il ne pouvait être exclu que Saddam Hussein en fabrique…
Techniquement, le département de la Défense des États-Unis approuve des « frappes préventives » en cas de « preuves irréfutables qu’une attaque ennemie est imminente ». Or, depuis 2006, la Corée du Nord possède la Bombe, du moins elle a réussi son premier essai nucléaire, et cinq ont suivi. Aujourd’hui, Pyongyang disposerait d’une vingtaine de têtes nucléaires, mais ces chiffres devraient être revus à la hausse.
Le 8 février 2023, au cours du défilé organisé pour le 75e anniversaire de la fondation de l’armée nord-coréenne, pas moins de onze Hwasong-17 furent déployés. Du haut de sa tribune, Kim Jong-un tout sourire se faisait pincer les bajoues par sa fille adorée Kim Ju Ae. Ainsi, le petit-fils de Kim Il-sung (fondateur de la Corée du Nord en 1948) disposerait d’un arsenal nucléaire à même de saturer les défenses américaines. Rien n’est moins sûr. Dirigée d’une main de fer de père en fils par les Kim, la Corée du Nord constitue une boîte noire quasi impénétrable pour les services de renseignements. S’agissait-il de véritables Hwasong-17 ou de simples leurres ? La Corée du Nord maîtrise-t-elle la phase complexe de réentrée d’un ICBM dans l’atmosphère ? Est-elle seulement à même de miniaturiser ses têtes nucléaires et les adapter à ses vecteurs ? Autant de questions sans réponses satisfaisantes.
Le 28 mars, Pyongyang a présenté de nouvelles ogives de taille réduite, en réaction à l'arrivée en Corée du Sud d'un porte-avions américain. L'agence de presse officielle nord-coréenne a diffusé des images d'ogives nucléaires baptisées Hwasan-31. Kim Jong-un s'est rendu à l'Institut des armes nucléaires, où il a passé en revue de nouveaux équipements destinés à des missiles balistiques, ainsi que des plans de « contre-attaque » nucléaire.
Repliée sur elle-même, la Corée du Nord tient d’un véritable casse-tête. Les renseignements sud-coréens prêtent à Kim Jong-un trois enfants dont cette préadolescente qui apparaît depuis quelques mois à ses côtés sur les pas de tirs. Aux alentours de la quarantaine, le « brillant camarade » préparerait-il déjà sa propre succession ? Son âge et son état de santé restent un secret d’État. Son obésité est source de spéculations sans fin.
Kim Jong Un et sa fille présumée Ju Ae, assistant à un défilé militaire organisé à Pyongyang pour marquer le 75e anniversaire de la création de ses forces armées, le 9 février 2023 / Jung Yeon-je / AFP
Autrement dit, le régime incarné par Kim Jong-un demeure une énigme. Si d’aventure, le Pentagone envisageait de frapper, quelles « preuves irréfutables qu’une attaque ennemie est imminente » présenterait-il ? Enfin, il ne s’agit là que d’un détail secondaire, le précédent de la seconde guerre d’Irak montre que la substance des dites preuves importe peu pour Washington. Une chose est sûre, le bellicisme de la dynastie communiste fondée par Kim Il-sung n’est pas seulement verbal.
Qui menace qui ?
Épisodiquement, Pyongyang se livre à des excès sidérants : tentative d’assassinat du président sud-coréen à Rangoon en 1983 ; torpillage du Cheonan, une corvette sud-coréenne, en mars 2010 à proximité de la frontière intercoréenne (46 morts, Pyongyang nie toute implication) ; pilonnage d'une île sud-coréenne (quatre morts sud-coréens) en novembre de la même année. En 2017, au beau milieu d’un aéroport malaisien, Kim Jong-nam, le demi-frère de Kim Jong-un, est définitivement rafraîchi par des serviettes imbibées de VX, un agent neurotoxique. Il expire dans la demi-heure.
Pourtant, ces provocations ne vont jamais « trop loin » : lorsque Pyongyang sent qu’elle a poussé ses adversaires à bout, survient une opportune phase de détente. Ainsi, aux essais atomiques et tirs de missiles succèdent une période d’ouvertures, puis un nouveau cycle de tensions aggravées redémarre. En virtuoses, les Kim dansent sur le fil du rasoir atomique. Ils tempêtent, menacent à tout vent de noyer leurs ennemis dans « un océan de flammes », mais jamais ils ne commettent le faux pas de trop. Il faut reconnaître que les maîtres de Pyongyang ont été à bonne école.
C’est un fait historique, au début de la guerre de Corée (1950-1953), les troupes sino-coréennes se massant sur les frontières de la péninsule coréenne, le général Mac Arthur voulut saisir une rare opportunité. « Je vois là une occasion unique d’utiliser la bombe atomique », expliqua-t-il à Washington. Sa suggestion fut sérieusement étudiée par l’état-major américain, avant d'être finalement rejetée. Les cibles n’auraient pas été assez… conséquentes.
De plus, cinq ans après Hiroshima et Nagasaki, Washington craignait que l’opinion publique ne fût pas mûre pour une action aussi radicale. Toutefois, l’idée de vitrifier l’ennemi démangeait la Maison-Blanche. Le 30 novembre 1950, au cours d’une conférence de presse, le président Truman brandit l’usage de la Bombe :
« Truman : Nous prendrons toutes les mesures nécessaires pour faire face à la situation militaire, comme nous l’avons toujours fait.
Question : Cela inclut-il la bombe atomique ?
Truman : Cela inclut toutes les armes que nous avons. »
Pour sa part, Mac Arthur estimait qu’il aurait « largué une trentaine de bombes ». Une décennie plus tard, le général revint sur ses propos hallucinants. « Nous n’avions nullement besoin de la bombe atomique, pas plus que nous n’en avions besoin dans la guerre contre le Japon ». Nul doute que cet épisode glaçant ait pu inciter Kim Jong-il, son fils, puis son petit-fils, à acquérir l’arme ultime.
Juin 1994, le président américain Bill Clinton s’apprête à autoriser une attaque préventive contre la centrale nucléaire nord-coréenne de Yongbyon. Accompagné d’une équipe TV, l’ex-président Jimmy Carter déboule en catastrophe à Pyongyang. In extremis, une très sérieuse crise est désamorcée. Une réussite : la Corée du Nord gela sa quête de l’atome tout le long de la décennie qui s’ensuivit. Las, le 9 octobre 2006, Pyongyang réalisait enfin son premier essai nucléaire, devenant de facto une puissance nucléaire. Tollé mondial, le Conseil de sécurité de l’ONU se réunit et condamna à l’unanimité la Corée du Nord. Depuis, les sanctions pleuvent dru. Les Nord-Coréens n’en poursuivent pas moins leurs recherches.
En janvier 2016, soit au tout début de son mandat, l’administration Trump étudia la faisabilité d’une « bloody nose strategy » (stratégie du nez ensanglanté). En simplifié, le Pentagone envisageait des frappes militaires conventionnelles très ciblées sur la Corée du Nord. Le 8 août 2017, tandis qu’aucune tension particulière ne perturbait les relations entre Pyongyang et Washington, Donald Trump se lâcha : « La Corée du Nord ne devrait plus proférer la moindre menace contre les États-Unis. Nous y répondrons par le feu et la fureur, avec une puissance comme le monde n’en a jamais vu ». Kim Jong-un réplique en suggérant des tests balistiques à proximité de l’île américaine de Guam. Imperturbable, il procède le 3 septembre 2017 à un sixième essai nucléaire avec une bombe H. Donald Trump traita la Corée du Nord « d’État voyou » avec lequel la diplomatie ne fonctionnerait jamais. Quid de la fureur de l’Amérique ?
L’accalmie
Deux mois plus tard, Pyongyang lance un Hwasong-15 et affirme que désormais, les États-Unis sont à portée de tir. Contre toute attente, Kim Jong-un surprend le monde le 21 avril 2018, en décrétant unilatéralement la fin de ses essais nucléaires ainsi que l’arrêt des recherches sur les fusées à longue portée. Donald Trump se réjouit de cette ouverture soudaine. Le 12 juin, Kim Jong-un et Donald Trump se rencontre à Singapour. L’entrevue est un succès, une déclaration commune évoque une « dénucléarisation complète de la péninsule coréenne ». Les deux hommes se retrouvent à Hanoi. Le 30 juin 2019, Donald Trump franchit la frontière séparant les deux Corées et effectue quelques pas en compagnie de Kim Jong-un, invitant ce dernier à se rendre aux États-Unis.
Le dirigeant nord-coréen Kim Jong Un pose avec le président américain Donald Trump sur la ligne de démarcation militaire qui divise la Corée du Nord et la Corée du Sud, dans la zone de sécurité commune (JSA) de Panmunjom dans la zone démilitarisée (DMZ), le 30 juin 2019. / AFP / Brendan Smialowski
Une fois de plus, cette détente capota, chacun campant fermement sur ses positions – il ne pouvait en être autrement. Lorsque la Corée du Nord exige la levée des sanctions, les États-Unis répliquent que l’abandon préalable des armes nucléaires est un prérequis avant toute discussion. C’est à nouveau l’impasse.
L’impossible dialogue
D’un côté, la Corée du Nord réclame des garanties afin d’assurer la survie d’un régime pour le moins singulier, une dynastie communiste. De l’autre, la Corée du Sud et les États-Unis se disent prêts à soutenir le développement de la Corée du Nord si elle renonce à sa dissuasion nucléaire. L’exemple de Saddam Hussein est édifiant pour Kim Jong-un : sans armes de destruction massive l’Irakien n’a pu défier impunément les États-Unis. Ce parallèle à ses limites, la péninsule coréenne représente un enjeu géostratégique de premier plan pour le Pentagone.
L’absence de traité de paix véritable entre les deux Corées justifie le maintien de 28 500 marines américains auprès de son alliée. Et ceci à proximité de la Chine, le pays qui entend devenir la première puissance économique sinon militaire mondiale. Paradoxalement, une Corée divisée fait également le jeu de Pékin. La Corée du Nord tient lieu de glacis qui évite un contact direct entre les troupes américaines et chinoises. « Jamais nous ne permettrons à d’autres de venir ronfler près de nos lits », déclarait déjà l’empereur Taizu (960-976), fondateur de la dynastie des Song, à l’adresse des ennemis de la Chine.
Suite aux manœuvres de Séoul et Washington organisées en mer du Japon en 2010 en réponse à l’incident du Cheonan, cet avertissement a refait surface. Entre une Corée réunifiée et une Corée nucléarisée, Pékin préfère la seconde option. Régulièrement, la Chine exerce son droit de veto au côté de la Russie pour bloquer de nouvelles sanctions contre Pyongyang. En échange de matières premières, Pékin fournit à Pyongyang des produits qui lui font cruellement défaut, surtout la nourriture.
Dommage collatéral du Covid-19, la Corée du Nord s’est encore plus repliée sur elle-même qu’à l’accoutumée, perturbant ainsi la gestion et la distribution des vivres. Il en résulterait une disette, sinon une famine. Séoul estime que la Corée du Nord est à court de céréales : il lui manquerait un million de tonnes, soit 20 % de la consommation de ses 25 millions d’habitants. Signe d’un réel souci, le 27 février dernier, Kim Jong-un appelait à un « développement stable et durable » de l’agriculture. Veillant au grain, Pékin a doublé en janvier et février ses exportations de nourriture vers la Corée du Nord.
Sur cette question sensible, Séoul et Washington se disent toujours prêts à « aider » la Corée du Nord. Le président Joe Biden se dit ouvert au dialogue avec Pyongyang, « n’importe où, n’important quand » selon la Maison-Blanche. Mais lorsque Joe Biden téléphone au Premier ministre japonais Yoshihide Suga en janvier 2021, les deux hommes réaffirment leur exigence d’une « dénucléarisation complète » de la péninsule coréenne. La main tendue de l’oncle Sam induit toujours ce prérequis nucléaire. Kim Jong-un devra se séparer de son arsenal avant de s’asseoir à la table des négociations. Sans surprise, le Dirigeant suprême ne montre aucun empressement à renouer le dialogue sous ces conditions. Le nucléaire c’est la sécurité, la dénucléarisation c’est l’insécurité pour reprendre le phrasé piquant de George Orwell. Les Kim s’y sont jetés à corps perdu.
Au cours de sa cérémonie d’investiture, le 10 mai 2022, le président sud-coréen Yoon Suk-yeol a envoyé un message à la Corée du Nord :
« Si la Corée du Nord s’engage véritablement dans un processus de dénucléarisation complète, nous sommes prêts à travailler avec la communauté internationale pour présenter un plan audacieux qui renforcera considérablement l’économie nord-coréenne et améliorera la qualité de vie de son peuple. »
Pyongyang a rejeté ces avances « absurdes », « ridicules », « répugnantes » comme le souligne Kim Yo Jong, la sœur de Kim Jong-un devenue son porte-parole. « Personne ne sacrifie son destin contre une galette de maïs ».
Le 8 septembre 2022, Pyongyang publie une nouvelle loi encadrant sa puissance nucléaire, désormais « irréversible ». Son utilisation est prévue en cas d’« attaque, nucléaire ou non, par des forces hostiles ». Aucune marche en arrière n’est envisageable. « Il est hors de question de renoncer à l’arme nucléaire et nous écartons toute négociation sur la dénucléarisation » assène le Dirigeant suprême. Détail, toute atteinte à la vie du chef de l’État déclenchera une frappe de représailles automatique. Fin octobre 2022, la version publiqueversion publique de la « nationale defense strategy » des États-Unis esquisse la réponse américaine :
« Toute attaque nucléaire de la Corée du Nord contre les États-Unis ou ses alliés et partenaires est inacceptable et entraînera la fin de ce régime. Il n’existe aucun scénario dans lequel le régime de Kim pourrait utiliser des armes nucléaires et survivre. »
L’administration Biden s’en tient à la ligne établie en début de mandat par le Président, « la diplomatie tout autant qu’une dissuasion sévère ». N’en déplaise à l’oncle Sam, Séoul doute de la stratégie de ses alliés et s’interroge. Devons-nous développer notre propre arsenal nucléaire ? La question hante les Sud-Coréens. Le 11 janvier 2023, le Président Yoon Suk-yeol a avancé que si la situation nucléaire de la Corée du Nord s’aggravait, « nous pourrions être amenés à déployer un armement nucléaire tactique, ou à posséder nos propres armes nucléaires ». Un sondage réalisé en février dernier révèle que 76,6 % des Sud-Coréens rejoignent les vues présidentielles.
Le président sud-coréen Yoon Suk Yeol et son épouse (au centre), cérémonie marquant le 104e anniversaire du mouvement d'indépendance du 1er mars contre la domination coloniale japonaise, à Séoul, le 1er mars 2023 / Jung Yeon-je / AFP
Séoul franchira-t-elle le pas ? La question se posera crûment lorsque Pyongyang effectuera son septième essai nucléaire. En janvier 2022, le régime nord-coréen envisageait publiquement le redémarrage de ces essais . deux mois plus tard, les satellites-espions décelaient la reprise de travaux sur le site de Punggye-ri fermé depuis 2017. Cet essai n’est probablement qu’une question de temps.
Non seulement la dénucléarisation de la péninsule coréenne est devenue une gageure, mais ce ne sera pas une seule puissance nucléaire qui risque d’y cohabiter bientôt, mais deux. En cause, la guerre de Corée qui s’est achevée sans véritable traité de paix, le bellissime intrinsèque du régime nord-coréen alimenté par l’intransigeance américaine et sud-coréenne, mais aussi le soutien tacite de la Chine à son turbulent allié.
Siegfried Hecker, un scientifique américain spécialisé sur la question du nucléaire nord-coréen s’interroge sur le bien-fondé de la diplomatie américaine. Dans son ouvrage, Hinge Points : An Inside Look at North Korea's Nuclear Program, il critique l’approche rigide de Washington. Plus de souplesse sinon de compréhension auraient peut-être dénoué ces crises à répétitions. Mais il est désormais peut-être trop tard, maintenant que la Corée du Nord s'est engagée de manière « irréversible » dans le nucléaire militaire, et que la Corée du Sud songe sérieusement à lui emboîter le pas.
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