Maurice de Cheveigné, le Radio Libre !
Portrait de ce résistant exemplaire par mon amie Monika Karbowska
Maurice de Cheveigné fut Français Libre et Résistant. Il a 19 ans lors de la débacle de mai 1940 et travaille comme OS chez Bréguet, fabricant d’avion. Il traverse toute la France à vélo pour rejoindre l’usine qui est censée se replier à Toulouse et continuer la production.. Mais l’armistice le surprend là…
Voilà ce qu’il écrit dans ses mémoires en 1992 :
« Dans un coin, un poste de TSF : Pétain y fait encore un discours. Il répète qu’il a été obligé de demander l’armistice. Il dit que c’est ma faute, notre faute : nous sommes trop faibles, nous n’avons pas assez travaillé, pas assez fait d’enfants, il nous manque des armes, des avions et les divisions anglaises, américaines et italiennes qui étaient à nos côtés en 1918. L’esprit de jouissance l’a emporté sur l’esprit de sacrifice. La défaite, on l’a bien cherchée !
Ca alors ! Esprits de jouissance aux ateliers Bréguet !
Ce vieux capitulard chevrotant, pérorant, plastronnant, écho sénile de ces fléaux de mon enfance, détenteurs de LA vérité, toujours prêts à s’asseoir sur le rire, à voir le mal où il n’y a que la joie de vivre, à étouffer l’éxubérance : « les gens sérieux ne rient pas » ! On n’est pas ici-bas pour s’amuser !
Me déclarer ainsi vaincu, moi ! Et coupable en plus ! Quel culot ! »
Alors, avec un groupe d’aviateurs anglais il s’évade de France par les Pyrénées, l’Espagne jusqu’à Gibraltar et Londres.
Il rejoint la France Libre. Déjà radio amateur, il est formé dans l’école Special Training School du SOE et du BCRA pour devenir radio opérateur de la Résistance.
Il est parachuté en France en mai 1942 et devient le radio d’abord de Jacques Soulas, chef de mission du BCRA à Lyon, puis très vite il rejoint le secrétariat de Jean Moulin dirigé par son ami du BCRA Daniel Cordier.
De septembre 1942 au 15 juin 1943, Maurice de Cheveigné a émis 926 messages en mors, rapports et télégrammes principalement pour Jean Moulin mais aussi pour Georges Bidault.
Jean Moulin le considérait comme le meilleur radio venu de la France Libre de Londres.
Il a également travaillé pour le réseau d’évasion Brandy, très menacé par la Gestapo et ses écoutes goniométriques. Rapatrié en juin 1943, Maurice de Cheveigné repart en France pour une nouvelle mission avec Raymond Fassin, délégué militaire régional du Nord Pas de Calais.
Raymond Fassin est cherché de préparer dans cette région les sabotages et l’organisation du soulèvement en vue du débarquement et de la Libération.
Fassin est arrêté par la Gestapo à Paris le 1 avril 1944, Maurice de Cheveigné le 4 avril à Lille. Il subit la torture, la prison, puis la déporation le 30 aout 1944.
Oui, plus de 220 000 Français ont été déportés dans les camps de concentration nazis et seuls 36 000 soit moins d’un quart ont survécu, en plus des déportés Juifs et Tsiganes.
Très peu de Résistants, dit Nacht une Nebel, Nuit et Brouillard, ont survécu.
Oui, les nazis ont déporté jusqu’au derniers jours les Résistants détenus : alors même que les 2/3 du territoire national était libéré, aucune action n’a été entreprise pour libérer les déténus déportés fin août.
Maurice de Cheveigné est déporté dans le camp de concentration de Sachsenhausen-Oranienburg avec René Bigot, résistant lillois et Raymond Fassin.
Raymond Fassin sera séparé de ses camarades et assassiné dans un autre camp. René Bigot mourra à Oranienburg de faim et d’épuisement, la mort programmée dans les camps.
Maurice de Cheveigné sera libéré, in extrémis, par l’Armée Rouge.
Voici ce qu’écrit Maurice de Cheveigné sur le rôle de l’idéologie sanitaire dans l’univers nazi des camps :
« Sur le mur, des portraits de poux avec des inscriptions : ein Laus, dein Tod ! Un poux, ta mort ! C’est ambigu. On ne sait pas si cela signifie que le pou apporte des maladies mortelles ou bien qu’on va te tuer si on te trouve porteur d’un pou.
(…) Nous sommes en quarantaine. Non pas pour protéger le camp contre une épidémie dont nous serions éventuellement porteurs du germe, mais pour nous inculquer la discipline du camp, nous faire comprendre combien est nulle notre importance, et comme est fin le fil qui nous retient à la vie.
Les nazis ont inventé la « novlangue » bien avant le 1984 de Georges Orwell. Quarantaine, le travail c’est la liberté, les exhortations bien pensantes inscrites sur les murs des blocks, autant de détournement du sens des mots.
(…). Première leçon concentrationnaire : le discours n’a aucun lien avec la réalité. Le travail c’est la liberté signifie ici que le travail c’est la mort. Au nom de la discipline le chef de block frappe au hasard. Ce camp de travail, que l’on pourrait penser être voué à l’effort de guerre d’un Reich aux abois sous l’assaut allié n’est qu’une absurde machine à humilier, à faire souffrir et à tuer les gens ».
A la fin de son livre, Maurice de Cheveigné déplore « le manque de curiosité et d’enquête sur la mort de Rex » et la fermeture obstinées des archives du ministère de l’Intérieur Français et de l’OSS/CIA. Quelque chose à cacher ?
N’oublions jamais ceux qui se sont battus pour notre Liberté et nos Droits et soyons dignes d’eux.
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Brigitte PascallMerci de me faire connaitre ce résistant exemplaire ! Je le poste sur ma lettreQ...
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Monika Karbowska
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