Mai 68 est la tresse énigmatique entre 3 processus très différents : Mai 68 étudiant, Mai 68 ouvrier, Mai 68 libertaire...!
Alain BADIOU : On a raison de se révolter, actualité de Mai 68 !
ALAIN BADIOU : ON A RAISON DE SE REVOLTER !
L'actualité de Mai 68
Edition Fayard, 2018
+ Emission de France Culture du 7 mai 2018 : excellente émission de 30 minutes aussi intéressante que le livre,
Ce qu'on retient d'emblée : le dernier ouvrage d'Alain Badiou : "On a raison de se révolter, actualité de Mai 68", édition Fayard, 2018, est un livre lumineux, restituant les évènements de Mai 68 dans toute leur complexité, -l'existence de trois "Mai 68" contradictoires : Mai étudiant, mai ouvrier, et Mai libertaire- ; mille fois plus stimulant que les tisanes de l'idéologie dominante, visant à faire de Mai 68, un festival folk des vieilles charrues new look, préparant à la "modernité" d'un capitalisme revenu à sa sauvagerie libérale. Un livre (certes trop court) nous donnant les meilleurs outils théoriques pour comprendre le mouvement 68 ard : c'est à dire Mai 68 lui même : mais aussi les 10 "années rouges" qui ont suivi : 1968-1978.
Mais il donne aussi un sentiment d'inachèvement : car naturellement, a cause de son titre un peu racoleur "On a raison de se revolter", on s'attendait, in fine, à une comparaison avec la colère sociiale anti Macron 2018, notamment celle de la jeunesse. Il n'en n'est rien. C'est certainement notre regret majeur vis à vis de ce livre, au demeurant irreprochable. A nous donc, très modestement, sur la base des analyses de nos amis : Dominique (Kern), Nathalie (Cotton), Jacques Chastaing, observant les luttes invisibles pour le Front social et Mickaël Wamen qu'on ne présente plus, de tenter ensuite de comparer ces deux évènements.
Voilà pourquoi on propose deux choses : 1°) - Rendre compte aujourd'hui du livre d'Alain Badiou, sur lequel il y a beaucoup à dire. 2°)- Demain, essayer de comparer Mai 68 et Mai 1998.
1°)-MAI 68 EST LA TRESSE, ENIGMATIQUE ENCORE AUJOURD'HUI, ENTRE DES PROCESSUS TRES DIFFERENTS : MAI 68 ETUDIANT, MAI OUVRIER, MAI LIBERTAIRE...!
On s'appuie sur la lecture du livre, mais aussi sur le verbatim de l'(excellente) émission de France Culture du 7 mai 2018, -avec une journaliste qui a vraiment lu le livre, ce qui nous change des vieilles chaussettes habituelles- : où Alain Badiou présente son livre avec l'enthousiasme qu'on lui connaît. Voilà ce qu'il dit : il y a eu, à l'évidence, trois Mai 68 différents. Plus un quatrième, diagonale des trois autres. La force, la particularité du Mai 68 français est d'avoir entrelacé, combiné, superposé, trois processus finalement assez hétérogènes.
Nommons les :
1°)- Mai 68 étudiant et lycéen, avec notamment les combats du quartier Latin.
2°)-Mai 68 ouvrier avec la plus grande grève générale de toute l’histoire française, se concluant par les accords de Grenelle.
3°)-Mai 68 libertaire proposant une transformation des moeurs, de nouveaux rapports amoureux, la libération de la femme, l'émancipation des homosexuels.
Et puis, il y a un quatrième Mai 68, diagonale des précédents, qui est la tentative d'inventer une autre pratique politique contre le pouvoir d'Etat et parlementaire, plus proche des gens ; succès de l'idée d'autogestion : surtout pendant les années 1968-1978. Et qui porte en lui une critique radicale de la démocratie représentative, justement appelée le "crétinisme parlementaire". Un Mai 68 cherchant de façon aveugle à tisser des liens entre le mouvement étudiant et le mouvement ouvrier. Avec l'idée de mettre en relation les intellectuels (peu intéressés à la transformation sociale), avec des groupes sociaux intéressés au contraire à de profonds changement sociaux : ouvriers et employés, jeunes, etc.
Et si les bilans de cet évènement sont aussi divers, c'est parce qu'on ne retient en général qu'un des aspects de Mai (Mai libertaire) : et non pas la totalité complexe qui en fait sa vraie nature historique. On commémore Mai 68 pour l'enterrer une seconde fois, sans en faire valoir sa complexité. On le réduit à sa composante la plus inoffensive : le mouvement, la fête, la révolte contre l'état des moeurs, la libération sexuelle, toute une effervescence, qui a pour caractéristique d'être "moderne", et de nous faire rentrer dans la modernité capitaliste.
Mai 68 est un évènement complexe. Le mot désigne donc plusieurs processus enchevêtrés, qui n'avaient pas de raison majeure d'être liés les uns aux autres, et qui se sont souvent contredits. Entre la révolte étudiante d'un côté et la grève générale ouvrière, il n'y avait pas de familiarité très grande. Le PCF et la CGT ont interprété cet évènement comme un empiètement sur leur territoire de ceux qu'ils appelaient alors les "gauchistes" (sic). Il y a un Mai 68 (libertaire), pas vraiment politique, sur la libéralisation des moeurs. D'ailleurs, ce Mai 68 là a donné lieu à de véritables réformes, qui ont été prises par Giscard : ce qui montre qu'elles n'avaient pas de contenu de gauche extrême, VGE n'étant pas un foudre de guerre du communisme, comme chacun sait...!
2°)- LA POLITIQUE, C'EST CONFRONTER DEUX PROJETS ALTERNATIFS...!
La Politique, c'est quand il existe deux possibilités, deux programmes irréductibles, radicalement opposés. Sinon, on est dans la gestion. Or, la propagande du monde d'aujourd'hui, c'est de nous faire croire au célèbre TINA de Thatcher : "il n'y a pas d'alternative au capitalisme" (sic). Une très bonne idée de Badiou, qu'il avait plus longuement développé dans un autre livre : "Notre mal vient de plus loin, Penser les tueries du 13 novembre", édition Fayard, 2016. L'oligarchie capitaliste " a pour but le déracinement si possible définitif, de l'idée d'alternative globale, mondiale, systémique, au capitalisme. ON EST PASSE DU DEUX AU UN. Ca, c'est fondamental. Ce n'est pas la même chose, quand, sur une même question, il y a deux idées en conflit ou quand il n'y en a qu'une. Et c'est l'unicité qui est le point clé du triomphe subjectif du capitalisme " (sic).
De la même façon, face à la sauvagerie du libéralisme de Macron (par exemple, la casse honteuse de notre code du travail, résultat de plus de 100 ans de lutte), ce n'est pas du tout la même chose de lui opposer des cantines bio gratuites, la dépénalisation du cannabis ou la promotion des langues régionales, tout en donnant du "Monsieur Macron"(sic) au petit banquier, inconnu hier encore, comme le fait naïvement Corbière, dans chacun de ses passages média. Ou au contraire, d'opposer à Macron, notre programme "L'avenir en commun" : programme anti libéral, humaniste et préconisant une société d'entraide entre les gens, mais au niveau national : en lieu et place de la concurrence forcenée, pierre angulaire de la culture libérale actuelle, véritable abattoir des plus faibles, que nous subissons tous depuis Giscard....!
Jamais la promotion de notre programme du Rassemblement “Pouvoir au Peuple” n'a été aussi importante pour se révolter globalement et efficacement contre Macron.