MACRON ET LE « TROISIÈME TOUR » ÉLECTORAL BIDON
Article rédigé par Communia, le 28 avril, pour le site Les 7 du Québec
Macron est réélu président avec une large marge. Mais il n’y a pas de triomphe dans sa victoire. L’épée de Damoclès d’un « troisième tour » non seulement électoral mais surtout de luttes et de grèves, ternit le cérémonial républicain.
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Victoire sans triomphe
L’appareil de propagande a tout donné. Du Monde, qui appelait dans son éditorial à voter Macron pour « empêcher le pays de s’effondrer », au dernier bulletin paroissial juif ou musulman qui prévenait opportunément que « Le Pen pourrait interdire le casher et le halal », pas un seul. morceau de l’industrie de l’opinion a été laissé sans apporter sa contribution à la mobilisation électorale.
Le résultat, apparemment, n’a pas été mauvais pour eux : le taux d’abstention de 28,01 %, le plus élevé à une élection présidentielle depuis un demi-siècle , est pourtant loin de la démobilisation électorale massive des élections régionales de l’an dernier .
Et pourtant, seuls les tweets des dirigeants étrangers montraient de la joie hier. En France, ni la couverture médiatique ni les célébrations ne débordaient d’enthousiasme hier soir. Le Monde a, une fois de plus, évoqué « une soirée de victoire sans triomphe, marquée par le marqueur historique de l’extrême droite et la crainte d’un troisième tour politique et social ».
La presse anglophone , qui regardait ces élections avec une certaine appréhension, avait déjà enfoncé le clou : l’appareil politique de la bourgeoisie française est définitivement brisé. La révolte petite-bourgeoise a la majorité électorale et seule la division entre les ultra-nationalistes de Le Pen et les « insoumis » de Mélenchon permet de maintenir un parti d’État amorphe à l’Élysée autour de Macron.
De plus, les références de Macron au « vote de colère » dans son discours de victoire pointent quelque chose de particulièrement inquiétant pour le pouvoir : même si les résultats du premier tour laissaient entendre que le mythe de « l’unité de la gauche » pourrait revenir. A savoir , que Le Pen a dépassé le seuil de 40% des voix signifie qu’elle a entraîné un pourcentage pertinent des électeurs de Melenchon et de Pecrese. C’est-à-dire que « l’union républicaine » contre l’extrême droite s’effondre… même parmi les électeurs de gauche. La «colère» est plus forte que le mythe antifasciste du moindre mal.
Le « troisième tour » électoral des opportunistes
D’où la crainte, permanente tout au long de la dernière ligne droite de la campagne, du « troisième tour ». Ce troisième tour aurait deux dimensions : dans le premier, les élections législatives. La montée en puissance des Mélenchoniens qui fédéreraient la gauche et la consolidation d’un pôle d’extrême droite autour de Le Pen, pourraient conduire à un Parlement sans l’habituelle « majorité présidentielle » et donc ingérable pour un président peu porté à faire consensus.
S’il perdait les élections législatives au profit de l’aile gauche de la révolte électorale petite-bourgeoise, il serait beaucoup plus difficile pour Macron de faire passer sa stratégie de « réforme » sans problème.
En fait, il aurait même du mal à choisir un Premier ministre qui lui convienne. Jusqu’à présent, les noms envisagés dans l’environnement Eliseo vont de la gouverneure de la BCE, Christine Lagarde, à l’ancienne ministre du travail, Élisabeth Borne , c’est-à-dire que l’éventail des politiques que prépare Macron va d’une attaque frontale contre conditions de travail et de vie, à l’attaque co-organisée avec les syndicats déguisée en « échange » et « accord social ».
Dans ce cadre, la victoire aux législatives des « insoumis » reviendrait à faire revendiquer le poste par Mélenchon et à mettre des bâtons dans la roue de Macron jusqu’à ce qu’il l’obtienne. Ce qui ne serait pas non plus une option confortable, car s’il était finalement nommé, cela signifierait avoir un gouvernement beaucoup moins disposé à sacrifier sa propre « popularité » pour le « plus grand bien » d’exécuter la « vision » de la bourgeoisie d’entreprise pour le capital national . Une vision que, évidemment, la petite bourgeoisie – insoumise ou lepénienne – ne partage pas.
Le « troisième tour » social
Mais ne nous y trompons pas : pour le futur gouvernement Macron, en vue de réformer les retraites et le droit du travail, même avec des tentations avouées d’allonger la journée de travail , les inquiétudes viennent du « troisième tour social ».
La peur d’un parlement ingérable est l’expression qu’ils savent que peu de soutien politique efficace peut être attendu face à une vague de grèves et de luttes ouvrières d’une petite bourgeoisie en colère, cultivée et révoltée, aussi peu propices que soient leurs « alternatives » sous tous point de vue.
Au fond, le Grand capital mondialisé se demande jusqu’à quel point le barrage syndical réactionnaire avec la complicité de la gauche antipopulaire pourront soutenir efficacement les politiciens larbins dans leurs attaques, alors que la « colère » populaire de type « Gilets jaunes » semble pouvoir briser des mythes de base comme celui de l’union républicaine soi-disant « anti-fasciste » contre l’extrême droite (sic). La classe ouvrière – celle qui vote le moins – est de plus en plus « hors influence petite-bourgeoise », de « gôche » comme de droite, et cherche sa voie. En effet, le fossé s’approfondit entre la population appauvrie – la base – ceux d’en-dessous – et la bourgeoisie (grande-moyenne-petite) ce que confirme chaque nouvelle mascarade électorale.
On s’interroge aussi. Avec espoir.
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