Macron à table avec Poutine: cinq heures et pas de désescalade à se mettre sous la dent
Article Microsoft stare rédigé par Jean-Baptiste Daoulas le 8 février bien renseigné sur la rencontre Poutine/Macron
© Fournis par Liberation Emmanuel Macron à l'extrémité de la table partagée avec Vladimir Poutine, au Kremlin le 7 février 2022
Cinq heures d’entretien à huis clos. «En présentiel», comme s’est réjoui Vladimir Poutine en accueillant Emmanuel Macron lundi en fin d’après-midi, même si l’expression est toute relative. Les deux chefs d’Etat ont mené leur dîner de travail assis chacun au bout d’une table longue de quatre mètres, donnant à l’ensemble des airs de visioconférence avec traduction assurée par des interprètes à l’extérieur de la salle.
Au menu, obligeamment communiqué à la presse pour patienter : pommes trempées aux langoustines, soupe aux cinq espèces de poisson, steak d’esturgeon ou viande de renne… mais pas beaucoup d’annonces à se mettre sous la dent à la sortie. Au cours de leur conférence de presse commune, organisée peu après minuit au Kremlin, Poutine et Macron ont surtout campé sur leurs positions respectives sur la crise en Ukraine. Le Russe exige à nouveau le retour de l’OTAN à son périmètre d’avant 1997, dénonçant - sous le sourire ironique de Macron - des «violations des droits de l’homme» en Ukraine. La température baisse soudainement quand le maître du Kremlin fait allusion au risque d’escalade nucléaire entre l’Est et l’Ouest. Et le Français d’évoquer la «nécessité impérative» de protéger la paix en Europe, non sans distribuer quelques baffes à son homologue, qu’il accuse notamment de «révision partiale» de l’histoire récente. Le chef de l’Etat dit avoir proposé à son homologue russe de «bâtir des garanties concrètes de sécurité» pour tous les Etats impliqués dans la crise ukrainienne. «Le président Poutine m’a assuré de sa disponibilité à s’engager dans cette logique et de sa volonté de maintenir la stabilité et l’intégrité territoriale de l’Ukraine». «De notre côté, nous ferons tout pour trouver des compromis qui pourront satisfaire tout le monde», déclare Poutine, assurant que ni lui ni Macron ne veulent d’une guerre Russie-Otan qui «n’aurait pas de vainqueur». Un échange d’amabilités diplomatiques.
Vidéo: L’Ukraine défend ses intérêts auprès de l'Otan face aux mouvements de troupes russes (Dailymotion)
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Car sur le fond, ni signe clair de la «désescalade» que Macron espérait ramener du Kremlin, ni engagement de Poutine de revenir au format «Normandie», ces sommets associant la Russie, l’Allemagne, l’Ukraine et la France. L’Elysée retient pourtant «l’engagement de ne pas prendre de nouvelles initiatives militaires, ce qui permet d’envisager la désescalade». Le Palais présidentiel avait pris la peine de dégonfler les attentes à l’avance, ne laissant espérer au mieux que quelques concessions «marginales» de Poutine, «voire rien du tout» : «L’important, c’est d’avoir cette discussion», insistait-on dans l’entourage d’Emmanuel Macron. Comme si le fait de nouer le dialogue avec le président russe était en soi le principal objectif recherché par le président français à Moscou. Dans l’avion qui le menait en Russie, le chef de l’Etat lui-même soulignait son objectif de «construire un nouveau cadre» pour désamorcer les tensions en Europe de l’Est, au-delà de l’urgence de la désescalade aux frontières de l’Ukraine. «Il nous faut rebâtir ces solutions concrètes ensemble», a-t-il répété au cours de la conférence de presse.
Emmanuel Macron doit s’envoler ce mardi en début de matinée pour Kiev, où il rendra compte de ses discussions avec Poutine au président ukrainien Volodymyr Zelensky. Après une conférence de presse commune, Macron décollera immédiatement pour Berlin pour rencontrer le chancelier allemand Olaf Scholz et le président polonais Andrzej Duda. Puis il sera temps pour le président-presque-candidat de revenir à Paris et de reprendre sa campagne électorale officieuse, avec un déplacement jeudi dans le Territoire de Belfort. En espérant, sans le dire, que son marathon diplomatique jouera en sa faveur dans les urnes en avril.