Tristement, les nouveaux philosophes ont liquidé l'image de l'intellectuel révolutionnaire. Et personne n'a moufté !
Article de Brigitte Bouzonnie de septembre 2017, à partir d'une excellente analyse d'Alain Badiou avec Aude Lancelin dans : "Eloge de la politique", édition Flammarion/café Voltaire, 2017
Pour la rédaction de cet article, nous nous appuyons sur le livre d’entretiens avec la journaliste Aude Lancelin, rédigé par le philosophe Alain Badiou, intitulé : “Eloge de la Politique”, édition Café Voltaire/Flammarion, 2017. Dans une excellente, sans doute la meilleure analyse qu’on ait faite du véritable putch commis en 1977 par les nouveaux philosophes (Bernard-Henri Lévy, Glücksmann. Grossièrement, à coups de pieds, ces supposés philosophes ont liquidé la belle image de l'intelligentsia française révolutionnaire dans le monde. Dans un silence général (si, si !) sur le véritable objet de leur manoeuvre. Seul Alain Badiou a eu la franchise et la lucidité de pointer, dénoncer sévèrement les arrières pensées de BHL et de “Glu-Glu”.
2°)- Article de mon blog Médiapart de septembre 2017 :
On le dit : Alain Badiou pratiquerait le "radicalisme chic de salon"(sic). C'est oublier son incroyable culture historique et marxiste, ses 50 ans de militantisme à gauche, commencé en collant naïvement les affiches de Guy Mollet : "Paix en Algérie"(1956.)
Mais surtout, ceux qui lui jettent leur fiel s'exonèrent de réfléchir sur ce champ de ruines qu'est devenu le paysage intellectuel français depuis la fin des années 70, c'est à dire depuis le putch des “nouveaux philosophes de 1977. Et comment il est devenu un champ libéral triomphant. Ceux qui en sont à l'origine : Bernard Henri Lévy et André Glucksmann.
2-1°)- Le putch des intellectuels anti-totalitaires en 1977 :
Au lendemain de la guerre, comme analyse Badiou dans Marianne n°1073 du 13 au 19 octobre 2017, "En France et pendant longtemps, l'opposition était claire entre les intellectuels qui acceptaient d'être considérés comme les compagnons de route du Parti communiste et les intellectuels qui ne l'acceptaient pas" (sic).
Mais cet équilibre est remis en cause du jour au lendemain, en 1977, avec l'arrivée en fanfare des nouveaux philosophes, BHL avec son livre "La barbarie à visage humain", Glücksmann titrant : "La cuisinière et le mangeur d'hommes", Jacques-Alain Miller, Jean-Claude Milner, l'émission d'Apostrophes, etc.
Alain Badiou analyse : "les français de type BHL ont surtout joué le rôle, très important en fin de compte, de liquider tout ce que représentait l'intelligentsia française révolutionnaire, du point de vue mondial" (sic) (cf Eloge de la Politique", édition Café Voltaire/Flammarion, 2017).
Le pire est que, face à ce massacre, on soulignera l'incroyable silence des agents majoritaires du champ intellectuel : Jean-Paul Sartre, Pierre Bourdieu. Ce sont eux qui rendu possible la prise de pouvoir de BHL en 1977 dans le champ idéologique. Sans oublier Foucault. On n'a pas oublié l'invitation de Giscard recevant les nouveaux philosophes à l'Elysée avec Foucault, caution intellectuelle inenvisageable hier encore.
Lorsque le mouvement social post-68 ard commence à refluer à partir de 1976, la Bourgeoisie à l'offensive nous impose ses pseudos "philosophes" réactionnaires. Exactement comme elle nous a imposé Macron en 2017.
Certes, il y eut des critiques de qualité : Dominique Delcourt, Deleuze et Alain Badiou : mais il s'agissait là d'agents minoritaires du champ intellectuel.
En effet, comme me l’a expliqué sur mon mur Facebook, suite à la publication de mon article de blog Médiapart sur le putch ignoble des nouveaux philosophes, Dominique, militant en 1977 dans l’Union des Communistes Français marxiste léniniste (UCFml), groupe maoïste fondé par Alain Badiou, Cécile Winter et Emmanuel Terray : Alain Badiou a rédigé en 1977 une critique des nouveaux philosophes, disant exactement la même chose que ce qu’il confiera plus tard à Aude Lancelin en 1997 dans le livre “Eloge de la politique, op cit. Malheureusement, sa brochure ne dépassait pas alors 1000 exemplaires. Le “problème” de Badiou en 1977, c’est qu’il est ultra-minoritaire, n’accédant pas encore sur les plateaux de télévision, comme il a pu le faire après le succès mérité de son ouvrage : “De quoi Sarkosy est-il le nom ?”, édition Lignes, 2007 vendu de mémoire à 170 000 exemplaires.
Les "grands" penseurs, ou bien se sont tus comme Pierre Bourdieu. Ou bien ont collaboré comme Michel Foucault. C
De plus, comme écrit avec intérêt mon ami Dominique Kern : "Il faut aussi passer par le structuralisme et Lacan, terreau qui a favorisé les "nouveaux philosophes", qui n'auraient jamais du émerger... Ce sont des zombis de la pensée libérale... C'est bien de souligner Foucault, dans leur émergence ... Foucault était violemment anti-communiste, anti-marxiste, surtout à la fin de sa vie".
Pour moi, c’est simple: personne n'a fait "en son temps" une analyse "lutte des classes" de l'arnaque des nouveaux philosophes, comme élément culturel de la contre offensive de la Bourgeoisie libérale visant à abattre idéologiquement le mouvement post-68ard, suspecté de préparer le nouveau "goulag" (sic).
Badiou remarque avec intérêt : " ce ne sont pas les ouvriers qui ont fait le succès de ces intellectuels réactionnaires. Ces renégats nouveaux philosophes", c'est la petite bourgeoisie intellectuelle qui les a adorés dans la figure du reniement de la période antérieure, de la conscience qu'elle avait prise de l'échec des communismes d'état" (sic) ("Eloge de la Politique, édition Café Voltaire/Flammarion, 2017).
Résultat : seul règne le credo libéral, l'individualisme triomphant sans projet politique ouvrant un nouveau futur décent et joyeux au Peuple français. Résultat : nous vivons un processus de déshumanisation hélas bien avancé, la société transmuée en champ de bataille, sur le modèle de la société américaine. Et personne ne moufte !
L'effondrement du marxisme sur le marché des biens symboliques a favorisé l'imposition de la culture libérale. Du jour au lendemain, le savoir universitaire est devenu un savoir libéral. Pour obtenir ses diplômes et depuis la fin des années 70, le jeune étudiant est obligé recracher devant l'examinateur le credo des entreprises et les bienfaits de la démocratie parlementaire. Et on parle d'expérience.
2-2°)-La difficulté à émerger d'une nouvelle génération d'intellectuels critiques :
Le champ universitaire est devenu le lieu de "crétins éduqués" (sic) (E Todd,), "d'effondrement de pans entiers de l'intelligence" (sic) (Frédéric Lordon). Ils sont de plus en plus nombreux, les intellectuels critiques à dénoncer la vaste fumisterie qu'est devenu le champ universitaire converti au libéralisme le plus outrancier.
Et surtout les journalistes vont chercher leurs "éléments de langage" au service de com de l'Elysée, analyse Aude Lancelin dans son excellent ouvrage sur l’ Observateur : "Le monde libre", édition Les liens qui libèrent, 2016. Occupant alors le poste de Directrice-adjointe de l’OBS, elle raconte le licenciement brutal dont elle a fait l’objet, sur initiative de Hollande, pour avoir osé critiquer BHL.
Au delà, dans ce champ de ruines, on assiste aussi à un petit retour de l'intellectuel critique. Leur succès de librairies n'est plus à démontrer. Il montre que ce nouvel acteur, loin d'être lu par l'happy few, connait au contraire un vrai succès populaire. Si on a supprimé le carnet de Blog de Jacques Sapir, c'est justement à cause de son succès d'audience : 200 000 connections par mois sans parler des "partages" sur Facebook et Tweeter. De même, on assiste au retour des intellectuels de gauche critiques : Alain Badiou, Frédéric Lordon, Jacques Sapir, Annie Lacroix-Riz, Jacques Pauwels, Emmanuel Todd, Jacques Cotta, Denis Colin, Alain Accardo, ce dont on ne peut que se réjouir...
De plus, les réseaux sociaux sont un lieu d'échanges et de partages de ces idées de la gauche critique, qui ont disparu depuis longtemps des télévisions officielles. Dans l'espace virtuel favorisant l'émergence d'un intellectuel collectif, notre Rassemblement "Le Peuple d'abord", regroupant le Pôle de Renaissance pour le Communisme Français, le Conseil National Souverain pour la Justice Sociale créé par l’ex-journaliste de France Télévision, qui a eu tous les sept d’or : Jacques Cotta. Le PARDEM (parti de la démondialisation). Les Insoumis critiques de mon amie Clémentine Langlois. Les Franchement Insoumis. Le courant interne/externe à la FI : "Rupture, Pouvoir aux insoumis" que j’animais alors. Notre laboratoire d'idées a rédigé un programme politique en 41 propositions, visant à rompre avec le capitalisme mondialisé déchainé, son cortège hélas de chômage et de pauvreté de masse : 15 millions de pauvres vivant en dessous du seuil de pauvreté en France. Tirer les plus faibles par le haut. Offrir à chacune et à chacun une vie décente et joyeuse....
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