Les gens savent que la gravité du chômage est beaucoup plus dramatique que les média ne le disent. Les gens savent, parce que, dans chaque famille, il y a un fils, une mère au chômage. Un exemple entre mille ; l'insertion professionnelle des jeunes diplômés de l’Institut de Sciences Politique. Il y a trente ans, on leur déroulait le tapis rouge : ils faisaient la carrière de leur choix. Aujourd'hui, beaucoup cherchent du travail encore et encore. L'HUMANITE du 10 décembre 2012, donnait l'exemple d'Alice, diplômée de Sciences Po, et d'un MASTER dans l'audio visuel, vivant avec 600 euros par mois. A compter du 15 ou du 16 de chaque mois, elle prend la carte bancaire de son copain, ce qui n'est pas sans créer des frictions entre eux.
Ce n’est pas un cas isolé : le journal féminin « BE » n°132 de mars 2013 consacre un dossier aux « surdiplômés, sous employés ». On écrit sur le chômage et la pauvreté depuis quatre ans : c’est la première fois qu’on trouve un dossier sur le chômage dans un magazine féminin « apolitique ». Pour que la rédaction de ce journal prenne la décision de consacrer cinq pages à ce sujet tenu jusque là si secret, c’est qu’il a bien conscience du poids du chômage chez les jeunes, y compris les jeunes diplômés. Et donc chez ses jeunes lectrices.
Naturellement, il ne s’agit pas d’un tract de LUTTE OUVRIERE. Nos demandeuses d’emploi sont belles comme des tops modèle, couvertes de diplômes prestigieux : Mathilde, 29 ans, est diplômée de Sciences PO + master marketing à l’ESCP + trilingue. Elle raconte comment au bout de quatre ans de recherches acharnées (succession de stages, lettres de motivation et réponses robotiques des ressources humaines, ateliers Pôle emploi), elle décroche enfin un CDI sous payé par rapport à son niveau d’études. Anaïs, 25 ans, qui a fait prépa HEC +Euromed Management (école supérieure de commerce à Marseille) + bilingue, parle le mandarin, raconte ses cinq candidatures par jour, ses relances téléphoniques, sa fréquentation systématique des forums professionnels, enchaine les petits boulots de mannequin cabine. Toute sa promotion est dans la même situation : les rares qui ont trouvé un emploi rament dans des postes sous payés.
Ce dossier de « BE » fait penser à la publicité de Benetton qui montre des chômeurs « sexy », « yuppies » « branchés ». Le chômage d’une petite fraction de jeunes, les plus privilégiés (ceux qui possèdent des diplômes de grandes écoles) commence à accéder à la bulle médiatique. Trouant l’océan d’indifférence, même si la vision du chômage des jeunes est totalement biaisée par rapport à celui des jeunes non qualifiés. En écho avec ce que pensent intuitivement les gens.
Car, si les jeunes diplômés des grandes écoles ne s'en sortent pas, que dire alors des 150 000 jeunes non qualifiés, qui sortent chaque année du système scolaire ? Car le chômage des jeunes diplômés est de 10%, pareil à la moyenne nationale, quand le chômage des non diplômés est de 45%, voire 60% dans les DOM. De la même façon, on se souvient de ce jeune énarque, travaillant dans un ministère comme Chef de bureau, dont la mère, ouvrière dans le textile, avait perdu son emploi à 42 ans. Et n'en jamais retrouvé.
Autrement dit, n'en déplaise à la vision technocratique des chômeurs, qui s'imagine que les sans emplois sont un groupe à part, en lévitation du reste de la société, les demandeurs d'emploi sont dans les familles, qui s'inquiètent, à juste titre de leurs difficultés énormes à trouver ou retrouver un emploi ! Y compris dans les familles de cadres supérieurs, qui ne sont pas plus épargnées par le chômage que les autres !
C'est là où on entrevoit ce jeu de dupes : Macron, hier, HOLLANDE, SARKOSY, s'imaginent qu'avec des chiffres truqués, le black out mis sur le sous emploi, les français n'y voient que du feu. Or, dans un mélange d'intuition et d'observation concrète d'un des leurs, ne retrouvant pas d'emploi malgré tous ses diplômes, malgré tous ses efforts, les français savent que le pire est arrivé. Au point que même des documents officiels parlent de "l'appauvrissement des familles" (sic) comme un fait majeur de la société de 2013. Cet appauvrissement des familles étant malheureusement constaté tous les jours par les français, obligés de prendre à leur charge l'un des leurs au chômage.
Au cours des longues discussions sur la communauté européenne de défense (CED), Le général DE GAULE s’était exclamé : "enfin, on s'est mis d'accord avec nos arrière pensées !" De la même façon, on soutient que le Pouvoir et le Peuple français sont d'accords avec leurs arrière pensées : l'appauvrissement de la société française, même si Macron n'en parle jamais. Même si les gens ne descendent pas encore tous dans la rue pour manifester.
Tout le souffrir d’un Peuple s’avance
Dans nos têtes, nos consciences,
Comme une armée à la parade
Plus clair, plus lucide
Que tous les spectacles sons et lumière
Sur la pauvreté
Que, silence officiel oblige, on ne creera jamais :
Les gens savent que le pire est arrivé…
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