Les années 60, c'était un Peuple mobilisé, qui ne laissait pas faire. La lutte était "payante" !
Article rédigé par Brigitte Bouzonnie
Photo noire et blanche des années 60, de Chirac discutant avec Pompidou, évoquant la vie heureuse des années 60 !
1°)-Brigitte Bouzonnie : Comme disait Pierre Desproges : "la nostalgie, c'est comme les coups de soleil : ça ne fait pas mal sur le coup, ça fait mal après"(sic) (cf "Chronique de la haine ordinaire", Seuil, 1986).
Ah ! que c'était bien les années 60 ! Lorsqu'il n'y avait "que" 500 000 chômeurs en France, ce qui empêchait Pompidou de dormir ! Voilà pourquoi, il demanda de toute urgence à Xavier Ortoli et Jacques Delors, alors commissaires au Plan de rédiger un plan, afin de faire des propositions de création d'emplois.
Ah ! que c'était bien les années 60, lorsque les salaires étaient augmentés chaque année, plus que le niveau de l'inflation : on appelait cette indexation automatique : "l'échelle mobile".
Ah ! que c'était bien les années 60, lorsque les inégalités étaient contenues dans un rapport de 1 à 20 : tandis qu'aujourd'hui, l'écart entre les revenus est passé de 1 à 400 (chiffres Marine Orange) !les inégalités étaient moins élevées qu'aujourd'hui. Thomas Piketty raconte comment les grandes fortunes étaient imposées à 50-60%. L'auteur montre, pour la période 1061-1980, un tableau de majoration d'impôts pour les gros contribuables, pouvant aller jusqu'à 25% (cf "Les hauts revenus en France au XXème siècle", édition Pluriel, 2001).
Ah ! que c'était bien les années 60, lorsqu'un ouvrier était persuadé que son fils aurait une vie meilleure que la sienne, comme le raconte Jacques Généreux dans son ouvrage: "La grande régression", édition du Seuil, 2011. Alors qu'aujourd'hui, l'ascenseur social est désespérément en panne. Définitivement. Le tournant libéral des années 80 a sonné le glas aux "trans-classes", comme on dit pompeusement.
Dernièrement, sur France Inter, France Culture, on entend Rose-Marie Lagrave parler de son livre, où elle raconte son parcours de trans-classe. Fille d'une famille rurale de 11 enfants, dont 9 filles, elle devient professeur à l'Ecole Pratique des Hautes études en Sciences Sociales (EPHESS), après avoir rencontré Pierre Bourdieu, Jean-Claude Passeron, Michèle Perrot, Gisèle Halimi, etc...Cette histoire se déroule dans les années 60-70. Aujourd'hui, pas besoin d'avoir un doctorat en sociologie pour savoir que ce genre de déplacement dans l'espace social est totalement impossible, primat des "bien nés" oblige.
2°)-Françoise Lourcey : Brigitte, Encore une fois cela dépend pour qui lorsque l'on vous colle en apprentissage à 14 ans, payé 4 francs de l'époque 53 heures de travail par semaine. Faire le boulot que les autres ne veulent pas faire. Que vous ne touchez pas ensuite un salaire normale avant les 18 ans de l'époque. Et ce fut cela pour les 3/4 et demi des enfants d'ouvriers pour qui, capables ou non les études, étaient brisés.
Je peux vous dire mon dégoût lorsque j'entends certaines personnes parler de l'âge d'or des années 60. Pour beaucoup, sauf les enfants de bobos ce fut cela et j'ai encore dans mes classeurs toutes les preuves personnelles que j'avance.
Ce que je garde de cette période c'est 68 les cinq années d'espoir énorme pour les jeunes de notre époque. Je ne raconte pas tout, ce serait trop long mais avant cette date citée les HLM étaient une rareté je vous passe donc les conditions de vie dans des logements datant des années 1800 ..... La seule il est vrai qu'il y avait moins de dits riches mais aussi qu'à cette époque l'étalage de la richesse ne se faisait pas. TANT DE CHOSES A DIRE
3°)- Brigitte Pascall : Françoise, Oui, je peux vous confirmer que les salaires d'ouvriers étaient très faibles, et qu'il fallait attendre Mai 68 pour qu'il y ait des augmentations substantielles ! En 2018, La Dordogne Libre a sorti un livre sur le cinquantenaire de Mai 68 à Périgueux. Le livre montre combien les salaires étaient faibles avant Mai 68 pour une petite ville de province. Et comment Mai 68 a permis un rattrapage important !
Quand j'écris : "Ah ! c'était bien les années 60", je ne parle pas seulement de Pompidou, et du Pouvoir politique bourgeois. Mais de la société française toute entière, notamment et surtout les femmes et les hommes qui luttaient, à traverser les manifestations et les grèves (Mai 68 avec 18 millions de grévistes). J'ai rédigé un article, commenté le nombre de syndiqués en France et de journées non travaillées pour le fait de grève augmenté continûment de 1959 à 1968, où se situe le grand boom. Et se poursuit jusqu'à 1975, année de l'asymptote sociale. Pour ensuite commencer à régresser à la fin des années 70 (cf. Revue française des affaires sociales, janvier 1986).
Quand je dis que Pompidou ne dormait plus la nuit, car le chiffre du chômage était à 500 000, c'est parce qu'il craignait que les français descendant dans la rue, ce qui montre le rôle de "contre pouvoir" joué par les militants syndiqués !
Les années 60, c’était un Peuple mobilisé, qui en laissait pas faire. La lutte était "payante". le Peuple français a pu obtenir des augmentations salariales conséquentes. Empêcher la fermeture d'une usine, etc...
Aujourd'hui, j'ai rédigé un programme politique de rupture avec le capitalisme mondialisé mortifère (voir programme du Rassemblement "Pouvoir au Peuple". Dans ce genre d'exercice, il est très important de se souvenir qu'il n'y a pas eu "que" le modèle de la société libérale, champ de bataille féroce des plus forts contre les plus faibles. Société libérale individualiste, qui aujourd'hui s'impose comme "allant de soi", "normale". "Il n'y a pas d'alternative" aurait dit Thatcher. Les années 60 forment un modèle militant progressiste et alternatif, où des augmentations salariales ont été obtenues par la lutte du Peuple français solidaire : dont il importe de s'inspirer, car comme disent les enfants :"c'est pour de vrai" !