Le Rassemblement Pouvoir au Peuple préconise l'hypothèse autogestionnaire
Texte du programme du Rassemblement Pouvoir au Peuple rédigé par Brigitte Bouzonnie le 16 août 2023
L’hypothèse autogestionnaire donne lieu à des modifications juridiques du code du travail, à travers la création d’un droit de décision donné au comité d’entreprise. De même, Pouvoir au Peuple favorise les luttes sociales dans l’entreprise, pour imposer les nouveaux pouvoirs donnés au comité d’entreprise. Pouvoir au Peuple crée une subjectivité nouvelle en faveur de l’hypothèse autogestionnaire.
3-1°)-Pouvoir au Peuple crée un nouvel article du code du travail donnant un pouvoir de décision au comité d’entreprise :
Alain Badiou préconise in fine "des procédures de décisions collectives qui sont de moins en moins étatiques, autoritaires et centralisées" (sic) (cf Badiou par Badiou, édition PUF, 2021.
Prolongeant cette démarche, le Rassemblement Pouvoir au Peuple demande la mise en oeuvre de l'hypothèse autogestionnaire : en officialisant un pouvoir de décision donné à chaque comité d'entreprise, par la création d’un nouvel article regroupant les articles L 431-4 et L 431-5 du code du travail.
(Le comité d’entreprise constitue la structure essentielle du contrôle ouvrier. Créé par les ordonnances du 22 février 1945, le comité d’entreprise ne bénéficie à ce jour que d’un vague droit de regard sur la vie économique de l’entreprise. Dans la perspective qui est la nôtre, des changements radicaux sont à attendre dans le sens d'un pouvoir de décision effectif donné au comité d'entreprise).
Proposition n°45 : Le rassemblement Pouvoir au Peuple dote le comité d’entreprise d’un véritable pouvoir de décision, tant sur les choix économiques de la structure, que sur le niveau de l’emploi dans l’entreprise, précisé à l’article L 431-4 du code du travail.
Le nouvel article L. 431-4 et L. 431-5 du code du travail est ainsi rédigé : Le comité d’entreprise dispose et sans réserve d’une information complète sur l’activité de l’entreprise, ce qui suppose la levée du secret bancaire. Et l’ouverture permanente des livres de comptes, permettant un contrôle de la formation des prix et des mouvements de marchandises.
Le Comité d’entreprise dispose d’un droit de véto sur toutes les questions touchant directement le sort des salariés : emploi, tout ce qui est relatif aux décisions de licenciements en cours. Modification des conditions de travail. Grille de qualification. Il dispose d’un droit d’appel suspensif sur certaines décisions de la direction : prix, investissement, décision de délocalisation, échange extérieur…
En cas de litige entre l’employeur et le comité d’entreprise, l’inspection du travail est saisie et statue dans un délai de quinze jours
Le président du Comité d'Entreprise est obligatoirement élu par les représentants des salariés. L’employeur n'est pas habilité à présider un comité d’entreprise.
Les fonctions de président du comité d’entreprise seront précisées par décret, ainsi que celles de son équipe de direction. Seront précisées aussi les fonctions de trésorier et de secrétaire, mais aussi les fonctions techniques, dont les responsables doivent eux aussi répondre devant l'assemblée générale des salariés.
3-2°)- Pouvoir au Peuple favorise les luttes sociales dans l’entreprise, visant à imposer la logique autogestionnaire, c’est-à-dire les nouveaux pouvoirs donnés au comité d’entreprise.
Nous nous appuyons sur le programme du PSU rédigé par Michel Mousel, Responsable de la Commission économique du parti socialiste unifié intitulé : L’utopie réaliste : une autre logique économique pour la gauche, édition Christian bourgeois éditeur, 1977.
3-2-1°)-Que nous dit le programme du PSU ?
« Cette stratégie autogestionnaire peut s’analyser comme la maitrise de la production. Elle ne peut s’opérer qu’à partir des unités de production elles-mêmes, comme matérialisation de nouveaux rapports de pouvoir imposés par les travailleurs. Selon laquelle l’organisation des diverses activités sociales doit être réappropriée au niveau des quartiers, du commerce, des régions. Les grèves de la CFDT des années 1970 à vocation autogestionnaire remettent en cause les statuts et les fonctions, que la Bourgeoisie assigne aux diverses couches sociales. Elles rejoignent sur de nombreux points les aspirations qui sont au cœur des luttes ouvrières au contenu anticapitaliste le plus marqué : Maîtrise collective et à la base des choix de production, conditions de travail et de vie. Réduction de la durée du travail. Coopération remplaçant les relations hiérarchiques. Egalité des revenus et des chances. Egalité entre les Peuples.
Le véritable enjeu n’est-il pas, au-delà d’une défaite électorale de la majorité actuelle en 1978, entre un aménagement réformiste de la société française, et l’engagement d’un processus de transition socialiste par une mobilisation populaire, qui le ferait voler en éclats »(sic).
Le programme du PSU fait clairement allusion aux grèves demandant un contrôle populaire menées par la CFDT des années 1970, sous la houlette de Fredo Krumnov, responsable CFDT. Frédo Krumnov est salarié syndicaliste de l’habillement à Mulhouse. Il est licencié par son entreprise car meneur syndical. Il devient permanent de la Commission exécutive de la CFDT, et opposant à Edmond Maire. Responsable de la fédération HA-CUI-TEXT (habillement-cuir-textile). Mais, en tant que théoricien de l’autogestion sur la base de luttes avec demande de contrôle ouvrier menées alors, son influence dépasse largement le seul champ de la fédération HA-CUI-TEXT. Il influence directement des délégués syndicaux comme Nicolas Dubost, employé à Renault-Flins. Meneur de grèves à Flins, comme il le raconte dans son livre : Flins sans fin, édition Maspéro, 1977. Et Charles Piaget, délégué syndical dans l’horlogerie à LIP, animateur de la célèbre grève des salariés de LIP de 1973.
Rappelons que la CFDT des années 1970 compte 400 000 adhérents : c’est donc un mouvement de masse important.
3-2-2°)-Le Rassemblement Pouvoir au Peuple préconise l’imposition d’une logique autogestionnaire par les luttes sociales dans l’entreprise:
Le Rassemblement Pouvoir au Peuple impose par le droit une logique autogestionnaire, c’est-à-dire un contrôle à la base par le Peuple français. Mais cette création juridique est insuffisante. Le droit du travail n’existe que s’il est effectivement mis en œuvre par les salariés. Voilà pourquoi, tout comme la CFDT des années 1970, il importe de partir des luttes sociales, pour imposer l’autogestion dans l’entreprise. Et rendre effectif le droit de décision donné au comité d’entreprise.
Proposition n°46 : Le Rassemblement Pouvoir au Peuple demande l’imposition d’une logique autogestionnaire, sur la base de luttes populaires dans l’entreprise. En effet, la mise en oeuvre d’une logique autogestionnaire ne se fera pas seulement par voie législative. Elle se fera aussi à la base, dans les entreprises, par les luttes sociales, afin de créer un rapport de forces suffisant.
L’objectif est de créer une situation de double pouvoir : un pouvoir étatique appartenant à la Bourgeoisie. Un pouvoir local appartenant à la population salariée dans les entreprises. Ces deux pouvoirs sont antagoniques et rentrent forcément en conflit à un moment ou à un autre. Le pouvoir à la base conduit à terme au dépérissement de l’Etat central.
Comme analyse Alain Badiou, la civilisation néolithique repose sur trois piliers : l’Etat, la propriété privée et la famille (cf vidéo de Alain Badiou invité par les amis de l’Humanité du Puy de Dôme). La mise en œuvre d’une logique autogestionnaire est donc de nature à ébranler deux de ses piliers : l’Etat confronté au pouvoir à la base. Et la propriété privée, puisque le programme du Rassemblement Pouvoir au Peuple prévoit un programme de nationalisations sous contrôle ouvrier. Soit un programme ambitieux de sortie partielle du néolithique.
3°)-Le Rassemblement Pouvoir au Peuple crée une subjectivité nouvelle en faveur de la logique autogestionnaire
Les luttes sociales dans l’entreprise pour imposer la logique autogestionnaire ne suffisent pas. Il faut aussi créer une grande subjectivité nouvelle en faveur de la logique autogestionnaire, c’est à dire du contrôle à la base par le Peuple français.
3-1°)-L’idéologie capitaliste, notamment consumérisme, l’idéologie du management…, est une force idéologique très puissante. Pire, elle est incontestée :
a)-L’idéologie capitaliste est très puissante. Par exemple, nous sommes toutes et tous enrôlés dans l’idéologie de la petite joie de la marchandise. L’adhésion de beaucoup de salariés aux règles du « management ». Au cours d’un débat avec Michel Onfray, Alain Badiou montre avec lucidité combien le capitalisme est plus puissant que la religion : christianisme, islamisme. Il dit : « Les islamistes font la même chose que les socio-démocrates italiens, il y a cinquante ans : envoyer les femmes à la cuisine et à l’église/mosquée. Quand toutes ces sociétés (islamistes) seront plongées dans le capitalisme marchand et commercial que nous connaissons, eh bien croyez-moi, ils préfèreront se constituer comme sujet en comparaissant devant le marché, et en achetant les objets, qui leur sont « nécessaires ». Et petit à petit, ils ne se soucieront plus tellement d’aller à la mosquée. Et les mosquées se videront un jour comme les églises se sont vidées chez nous (...). Aucun grand pays développé n’a vu la religion s’installer dans des positions dominantes de pouvoir. Tout le monde sait bien que le développement effectif du capitalisme, c’est la fin de la religion »(sic).
Comme dit Alain Badiou, l’idéologie capitaliste avec sa petite joie de la marchandise est la plus puissante. Au consumérisme, il importe d’ajouter l’importance de l’idéologie du management : quand on voit de petits cadres pianoter sur leur micro dans le RER à 6 heures du matin, pour « réussir » dans l’entreprise. L’idéologie capitaliste détruit toute idéologie qui pourrait lui faire concurrence comme par exemple la religion.
C’est vrai aussi du succès de l’idéologie anticommuniste, qui participe de l’idéologie capitaliste. Les idéologues à la solde du capitalisme font croire que le goulag soviétique a généré 100 millions de morts : tissu de contre-vérités inventé par un Soljenistine travaillant pour la CIA, comme le montre l’historien russe Viktor Zemskov : Staline et le peuple, édition Delga, 2023..
Nous sommes tous profondément désorientés par l’idéologie capitaliste. C’est notre humble corruption de chacune et de chacun. On trouve cette idéologie fausse « normale » « allant de soi ». « Notre seul espace des possibles ». « Sans qu’il soit possible de faire autre chose ». Le vrai problème est que nous ne prenons pas la mesure de cette puissance de l’idéologie capitaliste dans notre tête.
b°)-L’idéologie capitaliste est incontestée :
Personne, parmi les responsables de « gauche » ne contestent le bien-fondé de l’idéologie capitaliste, notamment la petite joie de la marchandise. Ainsi, Mélenchon ironise-t-il sur les « crevards à 3000 euros »(sic) : une façon d’accepter l’argent comme seul critère de sélection des individus. Et de se moquer des salariés pauvres, formant pourtant le cœur de son électorat.
Les différents programmes du Parti de gauche/Front de gauche (2012) et de la France insoumise (2017 et 2022) sont muets face au poids de l’idéologie capitaliste dans les têtes et dans les cœurs. On note ainsi le silence de ces programmes sur les inégalités abyssales de revenus existant aujourd’hui. On est passé d’un écart de revenus de 1 à 20 dans les années 1960 à un écart de 1 à 400 aujourd’hui, chiffres Martine Orange. Or, les rédacteurs des programmes du FDG ou de la FI s’accommodent très bien du capitalisme mondialisé occidental dans ce qu’il a de pire.
3-3-2°)- Voilà pourquoi Pouvoir au Peuple propose de créer une subjectivité nouvelle, afin de contrecarrer l’idéologie capitaliste, imposant la logique autogestionnaire du contrôle populaire à la base.
A ce stade, nous nous référons de nouveau à la pensée d’Alain Badiou, lorsque ce dernier dit : « 1°)-La conquête/occupation de l’Etat n’est pas une préoccupation importante. Que, in fine, les expériences « socialistes » au pouvoir montrent qu’elles n’ont rien apporté en terme de « mieux disant social » au Peuple français. (On rappelle en ce sens que nous vivons toujours aujourd’hui (2023) sous le régime de la triste « rigueur » imposée par Mitterrand/Fabius/Delors en 1983, qui a notamment supprimé l’échelle mobile qui ajustait automatiquement les salaires et les retraites sur le niveau de l’inflation). 2°)- La priorité est de créer une subjectivité nouvelle dans les têtes et dans les cœurs, largement désorientés par l’idéologie libérale »(sic).
De la même façon, Pouvoir au Peuple préconise une grande popularisation de l’hypothèse autogestionnaire. Elle s’appuie sur les émissions et les maison d’éditions les plus réputées. Les émissions de télévision à grande écoute de 20 heures 30. Les journaux les plus importants, dont Le Monde. Les réseaux sociaux…. : afin de faire en sorte que la logique autogestionnaire s’impose dans toutes les consciences.
La construction de cette nouvelle subjectivité passe par une large mobilisation idéologique en faveur de la démarche autogestionnaire et du contrôle à la base. Elle s’appuie aussi sur internet, et les sites d’information alternative, que nous relayons chaque jour sur notre lettre politique indépendante : ELUCID, réseau international, Les entretiens du Marquis de Dreslincourt. TVLibertés, Ligne droite. « Histoire et Société » de Danièle Bleitrach. Cercle Aristote de Pierre-Yves Rougeyron, La Sociale de Jacques Cotta…
La construction d’une nouvelle subjectivité positive favorable à la démarche autogestionnaire permet de rompre avec une pensée révolutionnaire, uniquement fondée sur la négation : « non à Macron ». « Ben Ali dégage ». Dans un débat avec Michel Onfray, Alain Badiou montre comment cette figure dialectique ne peut que générer l’échec d’un mouvement social populaire.
Il dit : « on a besoin d’une reformulation intérieure de ce qui a été la pensée révolutionnaire, à savoir la pensée dialectique. Et sur ce point, la faiblesse de la catégorie de maniement de la négation. Au fond les idées de rébellion, révolte, révolution, insoumission, résistance, tous ces « RE » en quelque sorte de manière négative me paraissent à la fois nécessaire et évident lorsque le mouvement social se met en mouvement. Lorsqu’on proteste contre ceci ou cela. Quand on dit : « non à Moubarak » ou quand on crie son hostilité à Sarkosy ». Mais l’expérience a montré qu’il n’est pas vrai que la négation porte la construction. Cela n’est pas vrai. En vérité, c’est le contraire. Il faut un élément affirmatif original à l’intérieur duquel on va faire jouer la négation dans ses perspectives. Le réajustement de la pensée dialectique est la première tâche à mener » (sic) (cf émission Contre-courant, Débat Badiou-Onfray, 2017).
La démarche du contrôle à la base est de nature à rompre avec une révolte uniquement fondée sur la négation. L’établissement d’un double pouvoir, -pouvoir central étatique contre-pouvoir du Peuple-, est un élément affirmatif important, de nature à créer un rapport de force favorable au peuple conscientisé. Ce que ne peut pas faire une démarche uniquement négative.
Par exemple, au cours de l’été 2021, on note de très belles mobilisations contre le pass sanitaire : entre 2,5 millions et 6,5 millions de manifestants chaque samedi (chiffres du Collectif Antipassanitaire, faux nez du Ministère de l’Intérieur). Donald Trump félicite même les manifestants anti pass sanitaire, ce qui n’est pas rien. Mais, faute d’être relayé à un moment ou à un autre par un projet politique positif, le mouvement social capote. Se ratatine puis s’éteint à la rentrée 2021.
Inversement, une mobilisation sociale fondée tout à la fois sur une critique du pouvoir en place, mais aussi sur une vision stratégique de la société fondée sur le pouvoir à la base obtenu par les luttes sociales et un combat idéologique important, a une véritable chance de s’imposer dans les têtes et dans les cœurs. Et de faire plier la Bourgeoisie mondialisée occidentale.