Le grand espoir de la candidature Charles Piaget face à la candidature Mitterrand !
Article rédigé le 16/06/23 par Brigitte Bouzonnie et Bernard Ravenel, auteur du livre "Quand la gauche se réinventait. Le PSU, histoire d'un parti visionnaire (1960-1989)", édition La Découverte, 2016
Hier, nous avons analysé la grande grève des salariés de LIP de 1973. Les salariés en grève, sous la houlette de leur délégué syndical CFDT (tendance autogestionnaire Frédo Krumnov), Charles Piaget, tiennent la dragée haute aux patrons de l’horlogerie. Ils s’opposent victorieusement du moins dans un premier temps aux 469 licenciements programmés. C’est le volet social de la grève des LIP.
Aujourd’hui, c’est du volet politique, dont nous souhaitons parler, à travers l’histoire de la candidature Piaget face à la candidature Mitterrand aux élections Présidentielles de 1974. Pour tous les militants de base du PSU et de la Ligue Communiste Révolutionnaire, cette candidature soulève un grand espoir.
Comme hier, nous nous appuyons sur l’excellent ouvrage rédigé par Bernard Ravenel, agrégé d’histoire et membre du Bureau National du PSU à ce moment là : "Quand la gauche se réinventait. Le PSU, histoire d'un parti visionnaire (1960-1989)", édition La Découverte, 2016.
1°)- Histoire de la candidature Piaget :
La disparition de Georges Pompidou le 2 avril 1974 prend tout le monde au dépourvu. Le 4 avril se déroule une réunion du Bureau National du PSU, où se pose la question : le PSU doit-il présenter un candidat à l’élection présidentielle ? Premier coup de théâtre : Rocard annonce de façon brutale qu’il ne se présentera pas. Par cette déclaration péremptoire, le leader médiatique du PSU se détermine par conséquent pour une candidature unique de la gauche : celle de Mitterrand. Le courant minoritaire du BN, où appartient Bernard Ravenel évoque la possibilité d’une candidature de Charles Piaget. Refus immédiat et vigoureux de Rocard, à cause du véto opposé à la candidature Piaget par Edmond Maire, secrétaire national de la CFDT (tendance réaliste). On rappelle que Rocard et Maire sont très amis, partant en vacances ensemble, où ils font de la voile.
Il revient désormais au Conseil National du PSU de se prononcer. Chaque camp affûte ses arguments. La bataille est dure.
1°)-D’un côté, une candidature unique de la gauche réformiste molle autour de Mitterrand, considéré comme le leader d’un parti dominant à gauche.
2°)-De l’autre, la candidature Piaget s’appuie sur la nécessité d’une expression autonome du courant socialiste autogestionnaire et d’une défense de ses acquis, notamment les succès récents de la grève des LIP, dans un premier temps victorieuse, du moins sur le papier. Est mise également en avant, celle de rallier au combat électoral des fractions importantes de travailleurs qui ne se reconnaissent pas dans la candidature réformiste Quatrième République de Mitterrand. Ni dans la candidature du Parti Communiste Français. Les trahisons du réformisme pèsent lourd dans tous ceux qui demandent une candidature Piaget.
Mais la direction de la CFDT (les réalistes) est fortement opposée à la candidature Piaget, s’inscrivant dans le courant autogestionnaire de la CFDT, animée avec talent par Frédo Krumnov. Finalement, le 15 avril 1974, le Conseil National se prononce en faveur d’une candidature unique et appelle à voter au premier tour François Mitterrand.
L’aspiration unitaire l’emporte, mais au prix d’une nouvelle scission. Les militants issus du courant 5 quittent le PSU pour fonder avec Jean-Pierre Mignard et Abraham Béhar le PDUP : Parti d’unité populaire. Au mois d’octobre 1975, le PSUP fusionne avec un groupe “Pour le communisme”(PLC), issu d’une scission du courant maoïste du PSU avec Alain Lipietz, Emmanuel Terray (grand ami de Alain Badiou) et Marc Heurgon, grand acteur de mai 68. Ils constitueront la GOP : Gauche ouvrière et paysanne.
Au cours de la campagne de 1974, Mitterrand ne parle pas des thèmes autogestionnaires de “contrôle ouvrier” et de “contrôle à la base”. Il préfère un discours social-démocrate sans surprise. Le PSU est représenté par le seul Rocard, représentant l’aile gauche de la social-démocratie.
Le résultat du premier tour du 5 mai 1974 est décevant pour Mitterrand, qui réalise 43,43%. Et fait 49, 19% des voix au second tour.
2°)-Analyses :
Ravenel propose au Bureau National du PSU, que Piaget soit candidat du PSU à la Présidentielle de 1974. Mais Rocard refuse tout de suite, au motif qu’il ne faut surtout pas faire d’ombre au félon Mitterrand.
Comme l'explique très bien Ravenel dans son livre sur le PSU : Rocard, encore au PSU, joue à fond la carte Mitterrand, aux dépends des intérêts élémentaires du PSU, qui était d'avoir PIAGET comme candidat aux Présidentielles. C'est à cause de Rocard, que "le PSU ne présente pas de candidat du tout en 1974 "contre mitterrand”(sic). Comme si le PSU n’était pas un parti politique autonome du PS.
Tout au long de la dernière année, - octobre 2013-octobre 2014, jusqu'au Conseil d'Orléans du 7 octobre 2014-, où Rocard est Secrétaire national du PSU, il trahit déjà le PSU, dont il souhaite purement et simplement la disparition. Par exemple, le 7 octobre 1974, les journalistes totalement de parti-pris pour Rocard, relaient ses éléments de langage. Rocard entré au PS, ils ne cessent de répéter en boucles : “le PSU est mort, le PSU est mort”(sic), comme pour hypnotiser les militants restés au PSU !
La candidature Piaget est une candidature d’envergue, qui suscite un grand espoir à l’extrême gauche : PSU, Ligue communiste révolutionnaire…. On espère qu’elle puisse faire plus de 5%. Krivine est même prêt à renoncer à présenter un candidat personnel, si Piaget est candidat du PSU. Or, contrairement à ce que l’on raconte souvent, -le livre d’histoire du PSU de Ravenel exclu-, la candidature Piaget n’a pas échoué à cause des divisions entre gauchistes. Mais à cause de manoeuvres politicardes d’un Rocard pressé de réussir dans le capitalo-parlementarisme IVème république, qui régnait en France en 1974 avec le félon Mitterrand.