Version 3 : Laval, traitre et "agent de l'ennemi"!
Article rédigé par Clément Echene, Danièle Bertrand, Brigitte Bouzonnie à partir de l'ouvrage d'Annie Lacroix-Riz : "Les élites françaises entre 1940 et 1944", édition Armand Colin, 2016.
1°)- Clément Echene : Le film sur Pierre Laval diffusé ce soir sur France 3 est une honte. Il y dépeint ce criminel de guerre, antisémite notoire, traître à la Patrie, ami personnel d'Otto Abetz et de Mussolini, comploteur contre la République avant 1940, anti-communiste rabbique (et dire que certains osent parler de lui comme "un homme de gauche" alors qu'il partit au "centre-droit" dès 1930) en un homme pragmatique victime des circonstances et des "collaborationnistes" : terme très en vogue dans les milieux qui cherchent à réhabiliter en creux Vichy face aux "ultras de Paris".
En pareilles circonstances et alors que les zélateurs de Pétain et Maurras ont de plus en plus pignon sur rue (et jusqu'à l'Elysée), le service public commet une faute très grave. J'espère que les historiens seront nombreux à protester, unanimement (de Renaud Meltz à Annie Lacroix-Riz). Car il ne doit jamais y avoir la moindre ambiguïté, la moindre complaisance envers celui qui demanda aux Allemands de déporter les enfants juifs de moins de 16 ans et qui "souhait(a) la victoire de l'Allemagne".
2°)- Danièle Bertrand : Complaisance évidente envers un tel personnage, dans la mise en scène et les dialogues, incarné dans ce film par un excellent acteur à haute dimension empathique. Recréant un Laval chaleureux, qui n'aurait été motivé que par la nécessité politique d'épargner à ses concitoyens les souffrances de la guerre.
Comme quoi le révisionnisme historique est aussi "en marche” à la télévision.
La seule vérité objective de ce film fut d'insister sur le fait que ses juges furent comme beaucoup d'autres, des repentis -résistants de la dernière heure , vite maintenus ou recasés dans les fonctions régaliennes de l'état qui avait un besoin urgent de maintien de l' ordre pour reconstruire le pays sous une union politique de façade .
3°) -Brigitte Bouzonnie : La diffusion de ce film complaisant sur le sieur Laval, fusillé je le rappelle, pour intelligence avec l’ennemi, est un pur scandale.
2-1°)-D’une part, Madame Annie Lacroix-Riz a rédigé un livre intitulé : “Les élites françaises entre 1940 et 1944. De la Collaboration avec l’Allemagne à l’alliance américaine”, édition Armand Colin, 2016. Laval y occupe une place de choix. Aucun risque, il est habillé pour l’hiver ! Morceaux choisis :
“Laval, le favori de l’Occupant et des synarques”
Laval conserva jusqu’au bout, comme Pétain, son complice avéré depuis 1934-1935, le rôle de favori du Reich en général et d’Abetz en particulier, que lui avaient valu tous les services rendus au Reich pendant toute la décennie 1930”(sic). Notamment dans sa répression de “l’ennemi intérieur” : communistes, gaullistes, juifs, francs maçons, républicains…Abetz lui écrit en ce sens : “nous avons contre les chefs communistes des intérêts identiques aux vôtres”(sic).
Abetz note aussi : “La présence de Laval à Paris (et non pas à Vichy), nous donne, en plus des pressions militaires, un moyen de pression intérieur très efficace” (sic).
Par ailleurs, dans un article de Blog Médiapart de 2013, intitulé “Le fondateur de l’Oréal, agent de l’ennemi”, Annie Lacroix-Riz rétablit la vérité sur Schueller, créateur de la Cagoule, espion à la solde du Reich. De plus, elle poste, en pièces jointes à son article une liste d’espions français officiels du IIIème Reich, établie par le dignitaire allemand Knochen, que vous trouverez en post scriptum. Dans cette liste, figure le dénommé LAVAL (ex Ministre, fusillé) en tant “qu’agent de l’ennemi”, appointé par le Reich.
Il faut le savoir : Laval s’est enrichi à trahir les intérêts de la France. Ce n’est pas le personnage joué dans le téléfilm de France 3 par l’excellent et “gentil” acteur Patrick Chesnais, dont on voit, au premier coup d’oeil, qu’il est incapable d’envoyer les enfants à la chambre à gaz. Physiquement, moralement, Chesnais n’est pas Laval, c’est une évidence ! Si on me demande mon avis, j’aurais fait jouer Patrick Chesnay dans un rôle de résistant, par exemple, Henry Frenay, responsable de Combat !
Depuis 1945, LAVAL est détesté par tous les historiens et les professeurs d’histoire. Y compris ceux de la “petite histoire” comme Alain Decaux. Celui-ci avait fait une excellente émission “Alain Decaux raconte” intitulée “La fin de Laval”, où il refaisait entièrement le périple de Laval, qui va de Vichy à Siegmaringen. Puis en Espagne. Puis à Paris. Au passage, au cours du voyage, on apprend que Laval cherche à se suicider sans succès. Cette émission est disponible en livre de poche. Decaux ne cherche pas à réhabiliter Laval, qu’il met face à ses responsabilités. Il montre le côté fourbe de Laval, que l’on peut voir dans son visage. Ce qu’il tente de faire, afin de le rendre un peu sympathique au lecteur, c’est de monter en épingle le personnage de Jeanne, sa femme, qui lui est restée fidèle jusqu’au bout.
Ensuite l’excellent travail d’archives et d’investigation de Madame Annie Lacroix-Riz a permis d’obtenir des preuves solides, implacables de la traitrise de Laval (voir liste des traitres ci-dessous où il figure). On pensait la cause entendue.
Donc, ce téléfilm marque une rupture très nette dans l’historiographie et donc la mémoire populaire. Ce qui est très grave, c’est qu’en lisant les programmes de “Télé loisirs” et “Allo ciné”, sur le téléfilm de France 3, on présente ce téléfilm apocryphe et menteur, comme un “solide travail documentaire” (sic), “au plus près de la réalité”(sic). C’est tout à fait scandaleux !
Il faut absolument que Annie Lacroix-Riz fasse une réponse ciselée à ce téléfilm, où on nage en plein révisionnisme, comme écrit mon amie Danièle Bertrand.
2-2°)- D’autre part, je viens de lire l’ouvrage de Pierre Assouline intitulé “Une éminence grise”, Folio, 2005, racontant la biographie de Jean Jardin, Directeur de Cabinet de Laval. L’opposition sensée exister entre les “collaborationnistes” (Doriot) de Paris et les “résistants” de Vichy (Pétain, Laval) est en réalité un pur jeu de rôles. Surtout que Laval se rendait souvent à Paris participer aux meetings du MSN ! Dans une de ces réunions publiques il a même été assez gravement blessé par balle.
En clair, Vichy était pro américain. Mais sans cependant renoncer à être pro-allemand. Voilà ce que dit Jean Jardin, ami de toujours et numéro 2 de Laval en novembre 1943 : “finalement, les américains et les allemands mènent la même guerre. Les allemands contre les russes. Les américains contre les japonais”(sic). Cette “analyse” montre le grand confusionnisme des idées de Laval et de son entourage !
Comptez sur moi pour ne pas contribuer à réhabiliter le traitre Laval, qu’on se le dise !
P.S : Liste d’agents du Reich, dressée sur la base des auditions de 1946-1947 de Knochen, qui recense notamment :
1° les « agents allemands » (p. 1-8);
« 2° Agents de l’ennemi
a) Français
Ardant [Henri, président] directeur général de la Banque Société générale
Alexis, voir Pierlovisi, arrêté.
Barbé Henri. Né en 1902. Membre du comité central du parti communiste[25]. Agent de Boemelburg.
Benoist-Méchin [Jacques], ex-ministre français, agent du Dr Knochen. Arrêté.
Boissel Jean. Journaliste. Agent SRA [service de renseignement allemand]. Condamné à mort. Peine commuée.
Boudier Georges. Journaliste agent de Boemelburg, né le 15.2.1896 à Châlons-sur-Marne.
Bucard Marcel, chef du francisme. Fusillé.
Bousquet René. Secrétaire général pour la Police. Arrêté.
Boussac Marcel. Né le 17.4.1889 à Châteauroux. Industriel. Agent de Knochen (voir D. 52‑620.072).
Castellane [Jean] comte de, agent du SD.
Céline, voir Destouches.
Chamberlain Henri. Chef d’une équipe au service du SD. Fusillé.
Clémenti François. Né le 28 mai 1910. Journaliste agent SRA.
Constantini Pierre, Né le 16.2.1889 à Sartène (Corse). Créateur de la ligue européenne. Arrêté par les autorités italiennes.
Costes Dieudonné. Né le 4.11.1892 à Septfonds (Tarn). Agent de l’Abwehr.
Darnand [Joseph]. Chef de la Milice. Fusillé.
Darquier de Pellepoix [Louis]. Commissaire aux questions juives. Arrêté.
Dassonville Michel. Serait parti en Argentine.
Delamette [Henri]. Agent du Dr Knochen.
Déat [Marcel], ex-directeur du journal L'œuvre, créateur du RNP. En fuite.
Doriot [Jacques]. Chef du PPF. Serait décédé en Allemagne au cours d’un bombardement aérien.
Deloncle Eugène, chef du CSAR. Abattu par la Gestapo.
Destouches, écrivain [Céline]. Agent du SD Réfugié au Danemark.
Faÿ [Bernard]. Professeur. Arrêté et condamné.
Filiol Jean[26]. Membre du PPF. Agent SRA. Serait réfugié en Espagne? Né le 1.5.09 à Bergerac.
Flandin Pierre-Étienne, ex-ministre français. Agent de [Roland] Nosek[27]. Condamné à 10 ans d’indignité nationale. Relevé de cette condamnation.
René Fonck. Colonel. Agent de Knochen. Serait réfugié dans un couvent de Malines, Belgique. Né le 28.3.1894 à Saulny sur Meurthe (Vosges).
Jean Fontenoy. Journaliste. Agent de Nosek.
Gallet Pierre Charles. Milicien et sous-secrétaire d’État à l’intérieur. Né le 23.7.1917 à Rodez (Aveyron). Arrêté.
Serpeille de Gobineau Clément, écrivain. Agent du SD.
Jacques Guérard. Secrétaire de Laval. Agent de Knochen (10-358).
Hilaire Georges-Jacques. Secrétaire d’État à l’intérieur. Adjoint de Laval.
Kopp. Né en 1894 à Metz. S’occupait de diamants industriels. Agent de Maulaz et de Knochen. Arrêté. Jugé le 19.11.46 par la cour de justice de la Seine.
Laval Pierre. Ex-ministre. Fusillé.
Leconte comte. Agent du SD.
Lesdain Jacques. Journaliste. Agent SRA.
Marquet [Adrien]. Ex-maire de Bordeaux. Décédé [information fausse].
Montandon [George-Alexis]. Professeur. Agent du SD.
Palmeri Alfedo. Gangster bien connu. Chef d’une bande au service du SD.
Patenôtre [Raymond]. Ex-ministre. Agent du SD.
Pierlovisi Alexis. Né le 14.9.1891 à Ajaccio. Membre de la Gestapo. Arrêté.
François Piétri, ex-ambassade de France. Agent de Nosek.
Puységur [Bernard de]. Agent de Knochen.
Renaud. Abbé. Agent du SD.
Jean Rollin. Ex-ministre [mention rayée, en raison de la confusion avec Louis Rollin]. Agent de Maulaz. Décédé.
Sabiani [Simon]. PPF. Ex-député de Marseille. Agent du SD.
E. Schueller [Eugène Schueller]. Homme d'affaires. Propriétaire d’une savonnerie. Agent de Knochen. [ajout manuscrit :] directeur de Mon Savon ».
Eugène Schueller, futur « ministre de la production nationale et impériale », 1941Source, W3, 354, « archives de Berlin », AN
La liste qui suit est présentée par le SS Sturmbannführer, c’est à dire Knochen [SS Sturmbannführer d’avril 1940 à novembre 1941, date à laquelle il fut nommé « SS Obersturmbannführer »] à l’ambassade d'Allemagne, pour Abetz, Paris, 5 mars 1941, 2 p.
Les Allemands, alors furieux de l’éviction de Laval par « les synarques », laissent entendre que le collaborationnisme de Vichy ne suffit plus et qu’ils vont intégrer à l’équipe dirigée par Pétain les principaux responsables des partis collaborationnistes parisiens, Knochen présente à Otto Abetz le projet d’« un informateur parisien, pour résoudre la crise gouvernementale en France. Il s'agit d’une liste de personnalités » à placer au gouvernement « au cas où les plans révolutionnaires[28] de certains groupes, comme par exemple l’entourage Deloncle[29], Fontenoy, Malet, Dorgères, etc., se réaliseraient. »