Le déplacement social de l'intelligence !
Article rédigé par Brigitte Bouzonnie, à partir du chapitre du livre de Emmanuel Todd : "La lutte des classes au XXIème siècle", édition Seuil, 2021
Je suis en train de lire avec intérêt (si, si !) l’ouvrage d’Emmanuel Todd intitulé : “La lutte des classes au XXIème siècle”, septembre 2021 : notamment le chapitre : “Le déplacement social de l’intelligence”.
Que nous dit Todd ?
L’éducation joue un rôle crucial dans la formation de la conscience sociale de chacun. Et qui se développe comme une variable autonome à l’économie. On assiste à une expansion extraordinaire des études secondaires : entre 1968 et 1995, on passe d’une cohorte ayant le BAC général à 19,6% puis 37,2%, soit presque un doublement. En 2018, le chiffre est de 42,1%, soit avec les BAC techniques, 80% de la cohorte. Nous n’avons plus affaire au même BAC : il est plus facile à obtenir.
Une étude de la Direction de l’évaluation, de la prospective, et de la performance, (DEEP) analyse la baisse du niveau scolaire des élèves de CM2 en calcul entre 1987 et 2017. Leur capacité à faire des opérations, dont des divisions à trous : on passe d’un total de 250 à 176. En dictée, les élèves font en moyenne 17,4 erreurs par dictée en 2015 contre 10,6 erreurs en 1987. Le niveau de l’enseignement supérieur diminue, car comment expliquer le nombre croissant de diplômes délivrés accompagnant un nombre croissant d’élèves faisant des études supérieures. Selon Eurostat, la cohorte faisant des études après le BAC est passée de 27,4 en 2000 à 43,6% en 2016.
Le niveau baisse, mais cette chute touche également les enfants de cadres et les enfants d’ouvriers. La baisse du niveau intellectuel des jeunes américains doit être corrélé avec le temps passé devant la télévision, ce qui a nui au formatage positif de leur cerveau. Selon Todd, le développement d’Internet irait dans le même sens. On assisterait à un reflux massif de l’écrit par les jeunes.
Ouvrons une parenthèse : il nous semble au contraire que les réseaux sociaux sont une revanche sérieuse de l’information écrite sur l’information télévisuelle. Je suis sur Facebook chaque jour depuis 2009, et puis affirmer trouver dans mon fil d’actu une majorité de textes écrits à la première personne. L’argumentation étayée prend le pas sur le sensationnalisme bas de gamme. Il y a deux jours, j’ai posté une interview de Robert Kennedy junior, levant le voile sur Fauci, le Covid et la vaccination tueuse. J’ai eu aussitôt 14 960 vues, malgré la longueur et le relative complexité de l’entretien.
Le problème number one des vidéos est qu’elles sont chronophages. Par exemple, l’équivalent de l’interview de Robert Kennedy junior sur Fauci en vidéo dure plus d’une heure : alors qu’il faut cinq minutes pour lire l’interview écrit. Il n’y a pas photo !Fin de la parenthèse.
Et Todd de poursuivre : “à un certain âge, entre 6 et 13 ans, il vaut mieux lire un mauvais roman que voir un chef d’oeuvre du cinéma. La lecture intensive structure le cerveau à une certaine époque de la vie.
La stratification éducative (30% d’une génération ayant fait des études supérieures) développe un subconscient inégalitaire. Cette génération d’éduqués crée un “entre soi”, niant le reste de la société, notamment les classes populaires et leurs problèmes : chômage et pauvreté. La stratification éducative favorise un art élitiste et narcissique. Elle explique qu’on soit passé de Hugo, Balzac à Catherine Millet. Où les rapports de classe sont niés. Ce subconscient inégalitaire est surtout présent chez les jeunes et chez les femmes.