L'Atalante (Le Chaland qui passe) de Jean Vigo (1934)
Présentation du film par notre camarade Claude Picart réalisé par Jean Vigo
L'Atalante (Le Chaland qui passe) de Jean Vigo (1934) avec Michel Simon, Dita Parlo, Jean Dasté.
Jeune cinéaste pamphlétaire, Jean Vigo secoua le Septième Art dès ses premières réalisations. Après un premier court-métrage muet, À propos de Nice – satire touristique et anti-bourgeoise tournée en 1930 et Zéro de conduite, interdit par la censure pour son immoralité, atteinte à l'autorité patriarcale et de l'Éducation nationale, Le Chaland qui passe paraît dépourvu de toute provocation. Les rares provocations ne se sont pas dues au propos général du film, mais au personnage interprété par Michel Simon. L'Atalante est aussi le dernier souffle cinématographique d'un cinéaste « maudit » : Jean Vigo meurt quelques semaines après la sortie parisienne du film, le 5 octobre 1934.
Jean (Jean Dasté) et Juliette (Dita Parlo) se marient, partent vivre sur une péniche et subissent les remous de la vie conjugale, succombant à la jalousie jusqu’à la séparation ; comme chez Borzage ou Murnau, leurs retrouvailles repoussent les limites de la vraisemblance pour porter en triomphe les forces miraculeuses de l’amour fou. Leur trajectoire est toutefois interrompue par une série de vignettes détachées du récit, la contemplation des berges de la Seine mettant en valeur le génie photographique de Boris Kaufman (le frère de Dziga Vertov), mais aussi l’irruption d’événements incongrus – ainsi de la naissance d’une portée de chatons ou de la rencontre avec un camelot magicien.
Cette progression au fil de l’eau, construite comme un catalogue à la Prévert (qui fait d’ailleurs une courte apparition avec son frère Pierre), a le vernis séduisant de l'époque, lorsque l’industrie du cinéma français avait la poésie des « petits riens » chevillée au corps (cf. la domination esthétique, dès 1935, des cinéastes du réalisme poétique). À regarder uniquement la surface de L’Atalante, ses canaux pittoresques et ses cadrages imitant l’école soviétique et l’expressionnisme, peu de choses le distinguent de prime abord des beaux films libertaires de Duvivier (Le Paquebot Tenacity) ou de René Clair (À nous la liberté !) tournés à la même époque.
Jean Vigo réussit là, avec Le Chaland qui passe, une magnifique « tranche de vie », un véritable film d'atmosphère.