Réaliste : le film, «La Gueule de l'autre», réalisé par Pierre Tchernia, montre un homme politique dire : "j’aime le Peuple comme on dit j’aime le cassoulet”(sic).
SLATE, article rédigé par Gaël Brustier le 18 mai 2022 et présentation du film par Brigitte Bouzonnie
1°)-Brigitte Bouzonnie : Moi qui se suis pas très cinéma, j’adore ce film réalisé par Pierre Tchernia en 1979 intitulé : “La gueule de l’autre”. Je l’ai vu une bonne dizaine de fois. Pour Serrault bien sûr, qui est un acteur sublime. Mais aussi, car il analyse formidablement bien les dessous de la vie politique française sous Giscard et Mitterrand, alors Chef de l’Union de la Gauche.
Voici l’Histoire. Perrin (Michel Serrault) est un homme politique “classique”, c’est à dire antipathique et pourri. Je trouve qu’il ressemble à Mitterrand. Un jour, Perrin reçoit des menaces de mort. Comme c’est un trouillard, il confie son poste de politicien à son cousin jumeau, comédien raté, surtout connu pour une publicité pour un déodorant : Gilbert Brossard. L’acteur se trouve pris dans la tourmente du monde politique, et découvre la manipulation ordinaire exercée par un homme politique sur le bon Peuple.
Brossard doit assurer un débat politique télévisé avec 14% d’audience. Son adversaire s’époumone à crier : “j’aime le Peuple” . L’acteur Brossard lui répond : “mais non, vous dites : “j’aime le Peuple” comme on dit “j’aime le cassoulet”. Il faut être sincère. Cela doit venir du ventre. Et ensuite, on fait quelques petites variations ; j’aime le Peuple (affirmatif), “ j’aime le Peuple” (interrogatif)…
Rien de plus juste. En 40 ans d’analyse de la vie politique, je vous jure que j’en ai vu, des paquets de femmes et d’hommes politiques nous dire : “j’aime le Peuple” comme on dit “j’aime le cassoulet”(sic). Le personnage de Perrin inventé par Tchernia (divinement joué par Serrault) est on ne peut plus crédible et réaliste. Crédible et réaliste aussi, le monde politique dépeint dans cette comédie : c’est à dire un monde politique menteur, roué, corrompu. Uniquement préoccupé de gagner le maximum d’argent, suivez mon regard. Traitre à la cause du Peuple, qu’il fait semblant de défendre : surtout lorsqu’il est à “gôche” : continuez à suivre mon regard… !
2°)- Gaël Brustier :
Plus de quarante ans après sa sortie, cette comédie grinçante et décalée sur le monde politique méritait son décryptage.
Il existe à Paris et ailleurs, dans le monde politique, un groupe d'initiés qui connaissent par cœur les répliques d'un film de Pierre Tchernia: La Gueule de l'autre, dont le scénariste n'est autre que Jean Poiret. De l'avis des intéressés, fans absolus du film et le plus souvent parmi les fins connaisseurs de la politique française issus de tous les camps, le film serait probablement «le plus subversif de la Ve République».
Il met en scène quelques vedettes du cinéma français, dont un célèbre duo comique de l'époque: Michel Serrault et Jean Poiret. On y croise aussi des vedettes en devenir, comme Dominique Lavanant et Michel Blanc. Avec en guest star un Curd Jürgens à contre-emploi, il coche toutes les cases du film à succès, mais mérite un décryptage quant à sa dimension corrosive.
Une comédie sur les faux-semblants de la politique
Avec La Gueule de l'autre, Pierre Tchnernia poursuit dans la veine du Viager (1972). Dans les deux films, le personnage de Michel Serrault, victime désignée de la cupidité et de la manipulation, sort vainqueur de l'intrigue. Filmé en partie à Grosrouvre dans les Yvelines, le long-métrage met en scène un homme politique conservateur, Martial Perrin, conseillé par un homme de l'ombre, Constant, respectivement incarnés par Michel Serrault et Jean Poiret.
Martial Perrin, confronté à un passé inavouable et la menace d'un mystérieux «homme au fusil», se retrouve obligé de prendre pour double son cousin et sosie, Gilbert Brossard (Michel Serrault). Comédien raté, surtout reconnu dans la rue pour ses apparitions dans des publicités pour un déodorant, Gilbert Brossard se trouve pris dans la tourmente du monde politique.
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Film sorti en 1979, La Gueule de l'autre tourne en dérision un monde politique pris entre la vérité des urnes et la vérité d'une vie. Ce n'est donc pas un film sur le pouvoir, mais un film sur les faux-semblants de la politique, sur ce qui se montre et se cache, du plus anecdotique au plus important.
Sur le ton de l'humour acide et de la farce, empruntant également au théâtre de boulevard, c'est une des premières fois où ce qui est apparent de notre vie publique et de sa réalité est des plus cruel. Les années Giscard sont certes celles de révélations et de scandales politico-financiers, mais ce que le film de Tchernia met véritablement en scène, c'est la double vie d'un homme politique et la substitution de celui-ci par son cousin, un Français tout à fait ordinaire.
Une suite de quiproquos révélateurs
Enlevé, le cousin apparaît ainsi dans une scène mémorable où le personnage de Wilfried, joué par Curd Jürgens, installé dans un manoir néogothique, entouré de gitons en armes et d'esthètes de velours épris de chant, rappelle à Brossard (pris pour Perrin) leur vieille et particulière amitié datant… «d'une plage de Mykonos».
Perrin, qui apparaît de prime abord sous les traits d'un politicien conservateur avec un style très vieille France, se révèle peu à peu –à la surprise de son propre cousin, sosie substitué– être un personnage double, aux vies multiples et tenaillé entre sa femme dominante aux exigences sexuelles débordantes (Andréa Parisy) et ses anciennes passions.
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Brossard, lui-même en proie à une épouse colérique professeure de danse, Gisèle (Bernadette Lafont), et à la mère de celle-ci (Lily Fayol), réalise moins qui est son cousin que l'originalité de sa duplicité et du caractère décalé de son imposture. S'il a dissimulé un pan entier de sa vie, il se révèle être lâche et son ultime tentative de fuite lui vaut une fin peu glorieuse.
Seul personnage lucide dès le début, Constant (alias Jean Poiret) se fait finalement très bien à la substitution de Martial Perrin par son cousin. Ce dernier, avec bonhomie, reprend la place du cousin honni.
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Les diverses scènes, tant du meeting en play-back que du dîner mondain, ponctuent l'intrigue et laissent place à une comédie où l'arène politique emprunte à la comédie de boulevard pour réaliser l'une des plus implacables critiques des mœurs politiciennes contemporaines, dont de multiples allusions à l'actualité de l'époque ponctuent le déploiement. À voir encore et toujours… surtout en temps de campagne électorale.
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