La France, pays de Révolution et grande terre de la Réaction !
Analyse développés par Alain Badiou dans son livre "Eloge de l'amour", édition Flammarion, 2009
Nous poursuivons notre festival Badiou : ses idées lucides, permettant de comprendre la France 2020. Ainsi, écrit-il : "la France est simultanément le pays des Révolutions et une grande terre de la Réaction" (sic), dialectique indispensable pour comprendre le Macronisme (grand moment de la réaction), et le monde nouveau qui pourrait advenir après....!
On reposte un billet rédigé le 9 mars 2015.
"Dans "Eloge de l'amour", édition Champs essais Flammarion, 2011, Alain BADIOU conclut son ouvrage par ces mots : "Je crois qu'il est très important de comprendre que la France est simultanément le pays des Révolutions et une grande terre de la Réaction. C'est un élément dialectique de compréhension de la France. J'en discute souvent avec mes amis étrangers, parce qu'ils continuent à entretenir la mythologie d'une merveilleuse France toujours sur la brèche des inventions révolutionnaires. Alors ils ont forcement été un peu surpris par l'élection de Sarkosy qui ne s'inscrit pas tout à fait dans ce registre...Je leur réponds qu'ils font une histoire de France dans laquelle se succèdent la philosophie des Lumières, Rousseau, la Révolution Française, Juin 1848, La Commune de Paris, le Front Populaire, La Résistance, la Libération, et Mai 68. Fort bien.
Le problème, c'est qu'il y en a une autre : la Restauration de 1815, les versaillais (Thiers), l'Union sacrée pendant la guerre de 14, Pétain, les horribles guerres coloniales et Sarkosy. Il y a donc deux Histoires de France, emmêlées l'une à l'autre. Là où, en effet, les grandioses hystéries révolutionnaires se donnent libre cours, les réactions obsessionnelles leur répondent"(fin du topo).
On adore ce texte. Pour la situation française, BADIOU a compris le profond mécanisme d'évolution des époques. La stratégie essuie glaces : un coup la Révolution la plus radicale, un coup la Réaction où on en bave des ronds de chapeau pendant 40 ans. L'hystérie, la folle frénésie collective s'emparant du Peuple français, et qui l'amène tour a tour :
1)- DANS UN CAS, A OBEIR CRAINTIVEMENT, accepter l'assujettissement, "servant si bien, si volontiers, qu'il donne le sentiment d'avoir GAGNE sa servitude" pour reprendre le mot de LA BOETIE, "Choisissant l'INERTIE, être conduit comme du bétail, acceptant d'être impuissantisé par un Etat autoritaire" écrit de son côté Frédéric LORDON.
Sans oublier LA DEGRINGOLADE MORALE qui s'y attache : dans son livre de souvenirs, Claude BOURDET raconte : "A l'affirmation "Vichy a sauvé la France", il est facile de répondre que sur le plan moral, cela fut en tout cas exactement le contraire. Le désarroi du pays, l'engagement de centaines de milliers de français dans la Collaboration et jusque dans la criminalité la plus abjecte, la popularisation des sentiments les plus infâmes, racisme, antisémitisme, avilissement devant la puissance matérielle- toutes choses qui, même disparues en apparence, continueront d'empoisonner secrètement la vie de notre pays pendant des générations- c'est à Pétain et à Vichy qu'on le doit. ("L'aventure incertaine", édition du félin, 1998).
Je me souviens de ce livre d'histoire de la Résistance à Excideuil (Dordogne), où je suis née, et qui m'est tombée des mains, tellement les collaborateurs commettaient les pires choses crapuleuses : crimes, cambriolages, vol de bijoux et d'objets précieux, etc..., autant d'actes odieux qui vont tout a fait dans le même sens du propos de BOURDET.
Et naturellement LA DELATION. Sur le sujet, je récite AUDIARD : "Puisqu'il faut que quelqu'un se dévoue...Quitte à me faire quelques nouveaux amis...Je vais me répéter : il n’y a pas eu dans l'Europe occupée, de citoyens plus enclins au "balançage" que les franzosischs. Délateurs, anonymographes faisant la queue des potron-minet aux guichets de la Kommandantur, dénonçant les tapeurs de faux tickets, les fraudeurs d'étoiles jaunes, ou tout simplement le voisin de palier qui venait de recevoir du jambon d'Auvergne, ou la petite blonde d'en face qui "ne voulait rien savoir". Il parait qu'a la fin, les Fritz ne décachetaient même plus les enveloppes. Les services étaient saturés" ("Audiard par Audiard", édition La mémoire du cinéma français)..
Or, il ne s'agit pas la d'une page d'Histoire jaunie. Aujourd'hui, la délation bat son plein : un homme a été assigné à résidence, dénoncé par son collègue de travail, parce "qu'il n'était pas Charlie". La délation sur internet se généralise, un dispositif officiel va sortir prochainement...
2)- Ce même Peuple français est également amené à RESISTER COURAGEUSEMENT, s'engager contre un régime ultra autoritaire comme celui de Vichy. Et cela, alors même que les premiers Résistants représentaient moins de 2% de la population française : chiffre de Mireille ALBRECHT, la fille de Bertie ALBRECHT, Grande Résistante, qui s'est suicidée, pour ne pas donner le nom de ses amis sous la torture de la Gestapo. Trouver la force de se dépasser, faire des choses dont on ne se croyait pas capable de faire. Etre capable d'actions collectives, de désintérêt, à la différence de la logique glacée du capitalisme reposant sur la seule cupidité, le besoin d'avoir toujours plus de profits dans sa poche...
Aujourd'hui, face au régime macronien ultra autoritaire, la seule alternative est de s'y opposer absolument, totalement, irrémédiablement : de façon a faire basculer la société française dans une époque révolutionnaire, comme cela s'est toujours fait dans le Passé. Pour cela, il faut des femmes et des hommes, qui aient envie de se battre, et de bien se battre, y compris si le combat est très inégal, et c'est faible de le dire. Qui ne pleurnichent pas : "nous sommes le pot de terre contre le pot de fer", le genre de phrase que l'on dit, lorsqu'on est déjà vaincu dans sa tête, lorsqu'on a renoncé à faire quoique ce soit....!
Dans sa vidéo sur la "seconde droite" (le PS), Jean-Pierre GARNIER concluait : "là où il y a LUTTE, il Y A ESPOIR, y compris si le combat est réformiste : lorsque les syndicats se battent contre la fermeture d'une entreprise.
On est tout à fait d'accord et ajoutera : là où il y a production d'idées nouvelles dans le champ idéologique, politique, en rupture avec le capitalisme mondialisé triomphant, (espace de la gauche critique), il y a "espoir" et "résistance". Y compris si l'idée n’est pas anti système, mais simplement antilibérale : par exemple, nationaliser les banques + redonner à la Banque de France le droit de battre monnaie : idées rappelées hier par notre ami Dominique KERN, reprises dans le programme du Rassemblement “Pouvoir au Peuple” : et qui n'ont jamais été autant d'actualité, afin de se protéger du cataclysme financier planétaire, dont on attend la déflagration mondiale...