Les ultra riches liquident les classes moyennes
Article rédigé par Dominique Kern et Brigitte Bouzonnie
La fin des partis des classes moyennes, type PS, EELV, et des classes moyennes elles-mêmes.
1°)- Dominique Kern :
La déroute de LREM n'explique pas tout.
LREM était une dangereuse illusion, pire que l'illusion qu'il fallait combattre en faisant barrage.
La déroute de LREM est l'expression d'une déroute bien plus profonde ...
La déroute des autres partis politiques, écolos compris, est une déroute encore bien plus profonde. C'est la déroute d'une élite qui a cru au “grand soir” par les élections. Puis qui est devenue la chantre des classes moyennes, qu'elle a isolées des classes populaires.
Tout le règne de Mitterrand fut consacré à cela.
Nous sommes arrivés au bout de ça, parce que les classes moyennes s'effondrent. Et que c'était inéluctable.
2°) -Brigitte Bouzonnie :
Tout à fait d'accord avec Domi.
Dans les années 70, il y avait deux projets d'alliance des Classes populaires et des Classes moyennes :
* Les "socialo-communistes", ou encore “peuple de gauche”, comme disait le Figaro de l'époque autour du Programme Commun.
¨* L'alliance classes populaires/classes moyennes théorisée par le PSU.
Depuis les années 80, les classes moyennes se sont alliées avec l'oligarchie, autour d'un projet d'immobilisme social "contre" les classes populaires mises au rancart avec la question sociale. La société française est devenue "La Belle au bois dormant", pour reprendre l'analyse d'Emmanuel Todd (cf entretien pour le site Atlantico du 1er juillet 2016).
2-1°)- Les partis de la classe moyenne : le PS et la France insoumise new look :
Mitterrand a consacré beaucoup d'énergie et de ruses, afin que le PS devienne le "parti de la seule classe moyenne" (sic), autour de questions "sociétales", type écologie bobo, défense des “potes” (immigrés), devenu électorat de rechange.
Inversement, les questions chômage et salaires ont été mises sciemment, volontairement, au rancart par la Mitterrandie, qui avait été pourtant élue à l’Elysée en 1981, pour les défendre, sur la base du Programme Commun.
Le PCF a été sciemment décrédibilisé. Avec Robert Hue, il a abandonné la référence au monde ouvrier et à la lutte des classes, au profit de la défense d'une petite-bourgeoisie du secteur public (cf Julian Mischi, "Le communisme désarmé", édition Agone, 2014).
Le calendrier électoral est devenu seul prédominant. La “révolution par les urnes”, oxymore jamais vérifié dans l’Histoire, promu seul slogan du seul ”changement” possible.
Le capitalisme libéral n’a plus jamais été ouvertement contesté par la “gôche”, alors qu’il génère depuis 40 ans des injustices abyssales : explosion des inégalités, du chômage et de la pauvreté de masse, avec respectivement 9 millions et 15 millions de pauvres, selon nos calculs. Absence d’augmentations généralisées de salaires, au profit de primes tête du client.
La France Insoumise, qui avait rassemblé 25% d'ouvriers en 2017 autour de notre programme antilibéral "L'avenir en commun" a changé radicalement de stratégie en juin 2017. Elle a opté pour une ligne PS bis, européiste : ainsi, on voit Manon Aubry louer chaudement le collaborateur, traitre à notre pays : Robert Schuman.
L’anti-laïcité, le racialisme, indigénisme autour d'Obono, promue idéologue number one de la FI, prenant la place de Jacques Généreux, rédacteur de deux programmes socio-démocrates de gauche : “L’humain d’abord” (2011) et “L’avenir en commun”(2016-2017) . Les photos de Mélenchon accompagné de Obono valent tous les aveux que la Direction de la FI ne fera jamais. Résultat : la part des ouvriers dans le vote FI a dégringolé de 25 à 8% aux élections européennes de 2019.
2-2°)-la fin des classes moyennes :
Comme écrit Alain Badiou : (en 2012) “nous avons une société qui prend toutes les mesures, afin que les riches deviennent plus riches. Et pour entretenir de façon coûteuse les classes moyennes, qui forment l'armée de secours des riches " (sic) (cf "Le réveil de l'Histoire", édition Lignes, 2012).
Dans le verbatim de sa vidéo sur les tueries du 11 septembre 2015, Alain Badiou analyse de façon très critique l’état d’esprit des classes moyennes : “les classes moyennes se définissent par un très grand contentement de soi. Une arrogance historique. Mais vit sous la menace constante de se voir licenciées de l’entreprise. Les gouvernements “démocrates” se fondent sur cette peur, dirigée pour le moment sur les plus démunis. Il y a une guerre civile rampante. Au nom des intérêts organisationnels de la classe moyenne, on désignera quand même les millions de pauvres français, comme les responsables de la situation périlleuse dans laquelle se trouve la classe moyenne”(sic) (cf vidéo d’Alain Badiou sur les tueries du 13 novembre 2015, du 19 novembre 2015, à laquelle on se reportera utilement. Elle est beaucoup plus complète que l’ouvrage qui a suivi : “Notre mal vient de plus loin. Penser les tueries du 13 novembre”, édition Fayard, 2016, “résumé” de la vidéo.
En clair, dans la subjectivité des classes moyennes, les classes populaires seraient - à tort) les responsables de la précarité des classes moyennes. En réalité, comme analyse très bien l’économiste Philippe Béchade : “ ce sont les actionnaires qui, pour augmenter le cours de l’action en bourse, licencient les classes moyennes’(sic).
En effet, on assiste aujourd’hui, à une liquidation des classes moyennes voulue par le capital lui-même. En effet, maintien du taux de profit oblige, Macron veut sacrifier à présent les classes moyennes, au profit des ultra riches.
Dans un discours du 28 août 2020 à Berlin, Robert Kennedy junior a dit publiquement : “On assiste à la chute programmée des classes moyennes”(sic).
Pourtant, "elle est le soutien de masse du pouvoir local démocratique" (Macronie), pour reprendre une autre phrase de Alain Badiou, extraite de : "Notre mal vient de plus loin". Penser les tueries du 13 novembre", édition Fayard, 2016. Le projet de Macron de paupériser les classes moyennes le prive donc de sa seule base sociale. Il est donc suicidaire.
Mais en France, ce n'est pas encore la chute "effective" de la petite-bourgeoisie, qui continue à regarder avec morgue les classes populaires, les gilets jaunes, etc. La prise de conscience massive, selon laquelle la classe moyenne court à sa perte avec Macron, tarde à venir.
Le discours sur la chute annoncée de la classe moyenne est encore minoritaire. Il est présent uniquement chez les politiques critiques comme Robert Kennedy Junior. Certains philosophes comme Alain Badiou. Certains économistes hétérodoxes, comme Philippe Béchade.
Voilà pourquoi le Rassemblement "Pouvoir au Peuple" revendique clairement la formation d'une nouvelle alliance entre la petite-bourgeoisie déclassée et les classes populaires paupérisées depuis les années 80, par le primat de la question sociale.
Le Rassemblement "Pouvoir au Peuple" regroupe le PCRF, le PARDEM, le CNSJS, les "Insoumis démocrates", les "Franchement insoumis", le courant interne/externe à la FI : "Rupture, Pouvoir aux insoumis". Le porte-parole pourrait être Jacques Généreux ou Jacques Sapir ou Jacques Cotta.
Son programme en 23 points préconise notamment une sortie de la zone euro en plan A. Une politique de relance keynésienne à partir de l'augmentation substantielle des salaires, de la nature à créer des milliers de milliers d'emplois. La création de 2 millions d'emplois pour les jeunes et chômeurs de longue durée dans le secteur associatif.
PS : 1°)- Alain Kieffer : Le PCF n'a eu besoin de personne, pour se décrédibiliser. Il l'a très bien fait de lui-même en participant, activement, aux gouvernements "socialistes" divers. Ce qui a eu pour effet la montée du FN-RN, en contrepartie. Nombre d'électeurs du PCF, sont autant communistes que moi je suis curé. Leurs votes étant plus protestataires que politiques, ils se sont tournés vers le RN, qui a repris à son compte cette "protestation". Et, de fil en aiguille, a permis l'élection d'un Macron.
2°)-Brigitte Pascall : C'est vrai aussi du P "S". Lorsque je travaillais à réinsérer les chômeurs de longue durée, j'ai vu les chômeurs/électeurs du PS du Nord de la France, courir dans les bras de Marine en 2001 : à cause de la politique "non socialiste" de Jospin, laissant filer à la hausse la courbe du chômage, sans rien faire !