J'accuse l'INSEE d'avoir confisqué le droit de parler de la pauvreté !
Article rédigé par Brigitte Bouzonnie le 20 septembre 2012
J'accuse l'INSEE d'avoir CONFISQUE le droit de parler de la pauvreté, au profit des puissants. De tout temps, le langage populaire a utilisé des mots clairs, simples, vivants, imagés pour parler de la pauvreté : "danser devant le buffet", "se serrer la ceinture", "crèves la faim", " sans le sou", "casser les cailloux sur le bord de la route", "avoir un porte monnaie léger", "la panade", "crever la dalle", "clodo"... : mots qui exprimaient bien l'inquiétude des gens confrontés à ce phénomène. Tous ces mots avaient l'immense mérite d'émaner des pauvres eux même, subissant la manque d'argent, l'absence d'emploi, de logement...
Aujourd'hui, crise de la culture populaire oblige, triomphe de la seule culture des "élites", il ne reste plus que ce langage aseptisé, menteur, fait de trucs et de toc de l'INSEE sur le sujet. Jargonnage de l’INSEE qui a statut de "vérité officielle" sur la question pauvreté. Et qui revient de fait à vider de sa substance la vérité sombre, dérangeante, démoralisante, inacceptable du manque élémentaire de moyens de vivre. Jargonnage de l’INSEE, qui revient à noyer le scandale de la pauvreté, sous des kilos de statistiques, centaines de pages de "rapports" illisibles, tableaux incompréhensibles.
1°)- UN LANGAGE ANESTHESIANT QUI PARTICIPE DU GRAND MENSONGE SUR LA PAUVRETE !!!
Tous ces termes feutrés, euphémisés de l'INSEE sur la pauvreté, participent du grand Mensonge officiel. Des faux fuyants de confort. La pensée, dans la France de 2012 n'interpelle plus, ne stimule plus, elle rampe, nuance. Elle ne fréquente pas les mots populaires, ou mal fâmés de "naufragés", "crèves la faim" : elle les ignore. Elle prend la misère avec des gants. A "pauvres", elle préfère "personnes défavorisée, " gène temporaire". On se souvient combien l'Abbé PIERRE avait à coeur de défendre ses "pauvres", une franchise de vocabulaire qui, malheureusement, n'est plus de mise aujourd'hui.
A n'employer que certains mots déterminés, vidés de leur pesant de douleurs, extirpés de souffrances et de peines, certains agents officiels pensent produire des catégories de pensée "modernes". "Objectives" : qui ne font en réalité que tuer toute indignation possible autour de la pauvreté. L'Abbé PIERRE, encore lui, disait : "on pleure des pauvres, on ne pleure pas les chiffres de la pauvreté !"(sic) C'est l'idée même de "pleurer" un pauvre qui disparait.
On voit combien tout ce vocabulaire sert directement les intérêts d'élites politiques, que l'on décharge de leur mission de toujours : qui remonte aux Rois de France et à Saint Louis : produire une justice sociale élémentaire. Il existe une censure systématique, un travail d'euphémisation des mots utilisés pour parler de la pauvreté : qui, loin de relever du travail de pure forme, d'un lissage des mots un peu agaçant, est une façon de NIER la pauvreté, rectifier le réel sur le fond, en le purgeant de toute les violences faites aux gens privés de tout. Le langage de l'INSEE sur la pauvreté devient ces mots mis les uns à côté des autres : où la lucidité, la franchise, comme la lumière du jour n'ont jamais leur chance.
2°)- L' INSEE CONFISQUE LA PAUVRETE ET LE DROIT DE PARLER SUR ELLE J'accuse l'INSEE de confisquer le discours sur la pauvreté. Le nouveau discours officiel parle à la place des gens qui subissent la pauvreté. Je dénie à l'INSEE le MONOPOLE de fait qu'il s'est arrogé, consistant à parler SEUL de la pauvreté. En lieu et place de ceux qui la subissent. Mais surtout des organisations caritatives, reléguées au statut de 25 ème roue du carrosse : alors même que l'investissement de ses bénévoles, la connaissance sur le sujet force l’admiration. Lisez les rapports du Secours Catholique et ou de la Fondation de l'Abbé PIERRE : leur connaissance du sujet force l'admiration. La compréhension humaine au sens fort de ce phénomène devraient les placer au tout premier rang.
Mais le discours officiel de la pauvreté ne consiste pas à relayer, épauler, exprimer NOS inquiétudes sur le sujet : mais au contraire à les NIER, les évacuer sous une forme convenable. Le discours officiel reflète uniquement le point de vue, les intérêts d'une très faible couche de la société, les dominants, RESPONSABLES de la paupérisation de la société française. A l'instar de Pierre BOURDIEU et de son texte sur la fabrication des débats publics (cf Le Monde Diplomatique de janvier 2012), je dirais que le discours officiel de l'INSEE est un jeu de menteurs, où le monde officiel, sous couvert de lui restituer fidèlement ses problèmes, ment au Peuple sur ses propres malheurs : en toute impunité, et à l'abri de toute critique.
3°)- LE DISCOURS DE L' INSEE EST DEVENU LE SEUL DISCOURS POLITIQUE SUR LA PAUVRETE. On ne le dira jamais assez : le pouvoir de l'INSEE de dire la pauvreté promeut une classe de techniciens, qui joue un rôle politique supérieur à celui des ministres en charge du dossier.
En effet, la "puissance" des chiffres de l'INSEE est d'autant plus grande qu'elle s'adosse à "l'impuissance" des politiques. On connait par coeur leur rengaine sur trois accords de l'impuissance ! : celui qui consiste a COMMENTER les chiffres de l'INSEE, pareils à des techniciens de blouse blanche regardant un phénomène au microscope. Comme s'il n'étaient pas aux manettes d'un pays. Comme si le Pouvoir en place ne disposait pas de ce puissant pouvoir de mouliner/rédiger des textes législatifs, publiés au Journal Officiel de la République Française, ayant force obligatoire.
On voit comment le langage faussement neutre de l'INSEE est venue se substituer à l'impuissance politique d'un personnel UMPS, QUI NE LEVE PAS LE PETIT DOIGT sur le sujet. SANS QUE VISIBLEMENT CELA NE SUSCITE DE CRITIQUES.
La dernière loi sur le sujet remonte à 1998 avec la loi du 27 juillet 1998 de lutte contre les exclusions : cette loi institue le CMU, le 3949, appel gratuit pour les sans abris qui était au départ une très belle idée : sous réserve de construire un nombre suffisant de places d'urgences. Des contrats aidés de 5 ans, pris en charge par l'Etat à hauteur de 80% du cout afférent à l'embauche. Des logements sociaux supplémentaires...C'est la dernière loi VOLONTARISTE sur le sujet. Cette loi est très largement due à l’engagement durent plus de dix ans de Madame Geneviève ANTONIOZ-DE-GAULLE, une femme remarquable. Cette loi symbolisait un pouvoir, qui prend ses responsabilités. Qui a la responsabilité de tirer les plus faibles par le haut.
Aujourd'hui, le volontarisme politique en matière de lutte contre la pauvreté a complètement disparu. Mais il y a bien pire : il y a longtemps, que les gouvernements laissent filer sciemment, volontairement la courbe du chômage et de la pauvreté. On soutient que les gouvernements actuels VEULENT LA PAUVRETE DE MASSE, à travers les délocalisations de tout notre secteur secondaire.
En effet, baisse du coût du travail oblige, le chômage et la pauvreté de masse sont la pierre angulaire du capitalisme mondialisé occidental, à compter des années 1980. 1 million de chômeur en 1980. 2 millions en 1988. 3 millions en 1997. 6,5 millions aujourd’hui selon les chiffres de la DARES; Et de cela, personne ne moufte.