Hommages à notre ami et intellectuel Claude Karnooh
Hommages rédigés par Pierre-Yves Rougeyron et Yvan Lourel
1°)- Pierre-Yves Rougeyron : Je me rends compte trop tard de la mort de Claude Karnoouh. Nous nous étions croisés au détour d'une citation. Son appétence pour les auteurs rares, son marxisme à poil dur et la possession d'ennemis communs nous avaient rapproché. Bien que ses combats (antisionistes) ou ses têtes de turcs (Pierre Manent) ne furent pas les miennes, j'ai toujours regretté que la France décida de se passer de lui. Un gâchis. In honorem.
2°)-Yvan Lourel
Ci-dessous, un bel hommage, très bien formulé, à mon regretté camarade épistolaire Claude Karnoouh. Quelqu'un qui n'a jamais confondu intransigeance et mépris, fraternité et niaiserie, abnégation et sectarisme. Intellectuellement au niveau du bourgeois, psychiquement au niveau du prolo : nous avons perdu un Français comme on les aime. Nous avons perdu, aussi, un détenteur d'un des savoirs qui nous font aujourd'hui le plus cruellement défaut : l'anthropologie.
"De retour des obsèques d'un ami que je n'aurai eu que trop peu le temps de bien connaître – Claude Karnoouh.
En pensant à lui, je me dis que ce qui manque à beaucoup, à quasiment tout le monde chez les "intellectuels", c'est la combinaison qu'il y avait chez lui de curiosité bienveillante envers les êtres humains en général et d'absence totale de "respect humain" dans la recherche de la vérité ou dans la proclamation de ses convictions – une certaine violence dans le goût du débat combinée avec une infinie faculté d'accepter des convictions différentes des siennes.
Quand j'évoque le peu de souvenirs que j'ai de lui, il me semble, par contraste, que nous sommes tous un peu devenus des ludions dénués de centre de gravité et qu'en comparaison c'était une sorte de sanglier des Carpathes, mais avec en même temps une culture sans bornes et une intelligence très ferme, très vive et très claire.
En fait, ce qui manque aux intellectuels, c'est cette belle qualité de tempérament qu'on appelle la franchise – dire librement ce qu'on pense sans se soucier du jugement des autres et en assumer les conséquences – mais sans être non plus dans le défi hystérique ou dans la puérilité d'une pensée selon laquelle il n'y aurait que deux grands camps."
Stéphane Arguillère
Magnifique! Une ancienne amie vous remercie.