Hommage au camarade Marc Kravetz, acteur majeur de Mai 68 !
Article rédigé par Claude Picart et Brigitte Bouzonnie :
1°)- Brigitte Bouzonnie : Marc KRAVETZ est décédé. Ce nom ne vous dit rien. Pourtant, au PSU, on connaissait bien le nom de Marc Kravetz. On en parlait avec admiration. On savait que c’était un acteur majeur des évènements de Mai 68 !
Marc fait partie des " étudiants socialistes unifiés" (ESU), qui ont joué un rôle très important au cours des événements de Mai 68.
Bernard Ravenel, ex-responsable du secteur international du PSU, auteur d'une excellente et collector "Histoire du PSU" intitulée : "Quand la gauche se réinventait, le PSU, histoire d'un parti visionnaire : 1960-1989", édition La Découverte, 2016 analyse :
"Mai 68 fut vécu comme la plus grande grève générale de l'histoire occidentale", dixit Althusser. Les Renseignements généraux, qu’on ne peut pas taxer de bolchevik, situent le PSU "comme le chef d'orchestre" des événements de Mai. Le PSU est très proche des milieux étudiants, via les ESU, notamment Marc Kravetz.
De son côté, l’UNEF est un acteur incontournable de Mai. Les ESU sont au Bureau national de l'UNEF, et donc à l'intersection du champ étudiant et du champ politique. Le Bureau politique du PSU veut que les ESU soient l'avant-garde des étudiants, via l'UNEF. « Le Monde », via Raymond Barillon rend compte régulièrement des activités des ESU.
On le comprend : nos ESU, dont Marc KRAVETZ, occupent une place stratégique. De fortes divergences opposent le PCF au PSU. Celui-ci préfère la FGDS de Mitterrand, inexistante sur le terrain et sur les luttes. Le PCF s'oppose au mouvement étudiant de Mai. Le BN du PSU soutient mordicus la révolte étudiante, estimant que le régime de Pompidou appartient déjà au passé.
Le 10 mai 68 constitue un tournant, à cause de la violence des affrontements avec la Police.
Un axe PSU-CFDT-UNEF se constitue contre l'axe PCF-CGT-UEC. La manif du 13 mai est un immense succès, avec des banderoles demandant le "POUVOIR AUX TRAVAILLEURS" (sic).
Des grèves avec occupation d'usines éclatent, surgies en dehors du cadre syndical.
Le 17 mai, le BN du PSU apporte son soutien inconditionnel à toutes les luttes, occupations d'usine. Il estime que le problème du pouvoir est posé. Et propose un pouvoir à la base : pouvoir ouvrier + pouvoir paysan + pouvoir étudiant" (Ravenel, 2016).
De son côté, le PCF et la CGT s'orientent vers une vaste négociation sociale. La CFDT se rallie à la position de la CGT. Le 25 mai, pour Edmond Maire : "il ne faut pas rêver: tout le monde négocie : le mouvement social est fini" sic) !
Le 24 mai est une journée de mobilisation très violente, ou les CRS chargent à tout va. Les étudiants crient : "Adieu De Gaulle"... !
Arrivent le 27 mai et les événements du stade Charlety. Mendès France refuse de prendre la parole dans ce meeting, estimant qu’elle ferait obstacle à la traditionnelle « union de la gauche » à laquelle il est très attaché. PMF se rend donc à Charlety mais sans prendre la parole : plus hypocrite tu meurs !
Pendant ce temps, les ministres brûlent leurs papiers, s'apprêtant à quitter le pouvoir. Mitterrand, toujours opportuniste, en profite pour présenter sa candidature à la Présidence. PMF rencontre le mytheux, qui, indifférent aux rêves de la jeunesse d’alors, prépare un gouvernement on ne peut plus "classique" avec Gaston Deferre et Guy Mollet, les petits djeuns du moment ! PMF, soit disant irrité de l'attitude des jeunes révolutionnaires, quitte le PSU. C'est la fin de Mai 68...
On le voit : le camarade Marc Kravetz, en tant que ESU, à côté de mon vieux pote : Maurice Najmann, également ESU, est au coeur de Mai 68. Le Mai le plus politique, le plus ancré dans les luttes et occupations d'usine. A un Himalaya de différence du médiatique et vide Cohn-Bendit, qui ne représente que lui-même ! Pourtant, et de façon très injuste, la postérité l'ignore.
Ensuite, Marc rejoint le journal Libération première formule avec Maurice Najmann et Guy Hocquenghem, autre acteur de Mai : une sorte de cadeau pour le grand oeuvre accompli par nos trois révolutionnaires !
Mais, sauf quelques militants conscientisés comme Claude Picard et moi, personne ne se souvient de cet acteur majeur de Mai 68, injustement tombé dans l'oubli au profit de personnages douteux et atlantistes comme Cohn-Bendit et Romain Goupil !
Son décès est plus que jamais le moment de lui rendre hommage... !
2°)-Claude Picart :
Marc Kravetz est mort ce 28 octobre à l’âge de 80 ans.
Né le 2 octobre 1942 au Blanc-Mesnil Marc Kravetz était issu d’une famille juive aux origines modestes de la banlieue parisienne. Son père est membre du Parti communiste depuis 1932.
Marc Kravetz entre à l’Ecole normale supérieure de Saint-Cloud en 1961. Membre de l’Union des étudiants communistes (UEC), il rejoint, la même année, le Front universitaire antifasciste (FUA).
C’est là que Marc Kravetz rencontre Jean-Louis Péninou. Les deux jeunes hommes partent ensemble quelques mois enseigner en Algérie après l’indépendance de juillet 1962.
Secrétaire général du syndicat étudiant UNEF en 1964-1965, il rejoint les Etudiants socialistes unifiés (ESU), une organisation du PSU proche de Marc Heurgon.
Marc Kravetz prend une part active dans les événements de mai 1968 qu’il couvrira pour le journal Action. Après l’arrêt d’Action, Marc Kravetz participe à l’aventure des Cahiers de mai, dont il est un des piliers. Ce bihebdomadaire popularise le reportage social et l’enquête en milieu ouvrier en donnant la parole aux travailleurs.
En 1974, Kravetz, s’illustre dans le grand reportage étranger sur la guerre au Liban (1975-1990). En 1980, il rapporte à Libération son premier prix Albert Londres pour sa couverture de la révolution iranienne contre le Shah.
En 1981 il part au Matin. A partir de 2003, il collabore régulièrement avec France-Culture. Il quitte l’antenne à l’automne 2011.