Histoire du PSU (1960-1989) !
QUAND LA GAUCHE SE REINVENTAIT, LE PSU, HISTOIRE D'UN PARTI VISIONNAIRE (1960-1989), Edition La Découverte, 2016.
1°)-Introduction 20 avril 2023 : je poursuis avec intérêt ma lecture du livre de mémoires rédigé par le philosophe Alain Badiou : “Mémoires d’outre-Politique”, édition Flammarion, 2023. Je vous ai dis tout le bien que je pense de cet ouvrage. Son style magnifique. Je vous ai déjà parlé de l’incroyable énergie, temps et espoir déployés par le jeune Alain Badiou, alors professeur de philosophie dans un lycée bourgeois de Reims, pour construire de toute pièce une fédération PSU de la Marne, dont il est Secrétaire fédéral : 1963-1969. C’est à dire un cadre intermédiaire du PSU aux épaules solides, ne gagnant évidemment pas un seul centime. Peut être un futur maire de Reims, ce qui n’est pas rien.
En revanche et à la réflexion, il me semble que son livre a un peu tendance à mettre la SFIO et le PSU sur le même plan : la social-démocratie (plus ou moins honnête) et le capitalo-parlementarisme : être maire ou député sinon rien.
Que l’on me permettre, pour une fois, de ne pas être tout à fait d’accord avec l’analyse de Alain Badiou. Mon bilan personnel du PSU, où j’ai milité dix ans, est que le PSU était très différent de la SFIO/PS. Mais pour le vérifier, il importe de se reporter aux stratégies nationales du PSU, peu abordées dans son livre : et je le regrette.
Voilà pourquoi je ressors et poste mon analyse du très bel ouvrage d’histoire sur l’histoire du PSU rédigé par Bernard Ravenel intitulé : “QUAND LA GAUCHE SE REINVENTAIT, LE PSU, HISTOIRE D'UN PARTI VISIONNAIRE (1960-1989), Edition La Découverte, 2016”.
Ravenel est un acteur de premier plan du PSU. Il fut tout à la fois Responsable des questions internationales pendant plus de dix ans. Et membre du Bureau National du PSU. Celui-ci va être le théâtre on va le voir de nombreux psychodrames, comme le départ précipité de Rocard en 1974. Comme il me l’a écrit, -je lui avais alors envoyé ce compte rendu publié sur mon blog Médiapart l’été 2019- : “le PSU, pour moi, c’est toute ma vie”(sic). C’est donc un historien qui parle avec empathie du PSU, ce qui est très rare.
Donc, Bernard Ravenel restitue un manque, que l’on peut ressentir à la lecture des souvenirs du PSU rédigés par le philosophe Alain Badiou. Notamment lorsqu’il pointe le rôle capital du PSU pendant les évènements de Mai 68. Les Renseignements généraux de cette époque écrivent : “le PSU est le chef d'orchestre des évènements de Mai 68"(sic). Naturellement, on ne peut pas dire la même chose de la vieille SFIO ou bine sûr de la FGDS du politicard mitterrand.
2°)- Brigitte Bouzonnie : Ce livre comble un manque sérieux. On ne possédait pas d'histoire exaustive de la stratégie nationale du PSU, année par année. Rien que des études partielles : "les idées du PSU", "Le PSU et les femmes", "Le PSU et le nucléaire", etc. Le travail minutieux, la dentelle de la mémoire effectuée par Bernard Ravenel, nous racontant, année par année, le pilotage plus ou moins maladroit du PSU, est donc particulièrement précieux. Irremplaçable. Qui plus est, raconté par un acteur de premier plan du PSU, puisque Ravenel fut tout à la fois Responsable des questions internationales pendant plus de dix ans. Et membre du Bureau National du PSU.
Ravenel n'était ni Rocardien, ni gauchiste : on ne peut donc pas le soupçonner d'idolâtrie pour le député de Conflans-Sainte-Honorine. En ce sens, son livre permet de mettre utilement les points sur les i sur la véritable personnalité de Rocard, son immense part d'ombre, alors que parallèlement, il était véritablement porté au pinacle par les médias, au cours des années 70. Et je parle d’expérience.
Ce livre est très copieux. Nous proposons de relater la période 1967-1974, qui est certainement l'âge d'or du PSU. C'est l'époque où il pèse le plus dans le champ politique français en général, -la Direction centrale des renseignements généraux n'hésitant pas à écrire en 1968 que le PSU est "le chef d'orchestre des évènements de Mai 68"(sic)-, dans la gauche en particulier.
3°)-Nous présentons d'abord le livre de Bernard Ravenel, puis nos commentaires personnels.
3-1°)- 1967-1968 : Vers un nouveau PSU :
Les élections législatives sont fixées en mars 1967. Le PSU a soigneusement préparée cette épreuve. Pierre Mendès-France (PMF), porte-parole du PSU, se présente à Grenoble. Son meeting du 2 février est suivi par 5000 personnes. Un autre meeting à Valence avec PMF et Gilles Martinet a un succès exceptionnel. Ces meetings tranchent avec les slogans d'une gauche traditionnelle peu imaginative, et mettent en avant les idées nouvelles rodées dans les colloques, comme la planification volontaire. Quatre candidats du PSU sont élus : PMF en Isère, Guy Desson dans les Ardennes, Yves le Foll dans les Côtes-du-Nord, Roger Prat dans le Finistère. L'heure est à l'optimisme : Heurgon et Gontcharoff se mettent à croire au dépérissement de la social-démocratie, sous-estimant les capacités d'évolution de la SFIO et de la FGDS du combinard mitterrand.
Toute la question du congrès suivant va être de savoir si on doit ou non adhérer à la FGDS. Gilles Martinet et Jean Poperen sont favorables à cette association, soutenu par de nombreux dirigeants historiques du PSU comme Claude Bourdet. En face, le texte "autonomiste" recueille l'adhésion de Heurgon, Gontcharoff et Rocard. Or, les militants de base du PSU n'ont aucune confiance dans la capacité d'évolution théorique de la FGDS vers des options clairement socialistes. Le texte de Martinet-Poperen ne trouve qu'un faible écho parmi les militants : 174 contre, 393 au texte autonomiste. A ce moment là, le PSU se trouve dans une situation inédite : il ne se situe plus dans une optique d'union de la gauche classique, électorale et parlementaire.
De son côté, la gauche parlementaire (FGDS ,PCF) signe un accord du 24 février 1968, où le PSU est exclu.
3-2°)- Le PSU et Mai 68 :
Arrive Mai 68, "la plus grande grève générale de l'Histoire occidentale" pour Louis Althusser. Le PSU est très présent dans les instances de l'UNEF, qui occupera une position centrale incontournable pendant tous les évènements de Mai 68. Les ESU étudiants du PSU se vivent comme l'avant-garde de l'UNEF, refusant toute alliance avec la droite, la FGDS et l'UEC. Le PSU est "couvert" pour le journal "Le Monde" par Raymond Barillon, journaliste mendésiste. Le PCF est très violemment anti-Mai 68, taclant Cohn-Bendit, jugé être "un faux révolutionnaire"(sic).
Le 10 mai est un tournant décisif, à cause de la violence exceptionnelle des affrontements avec la Police. Organisée à l'initiative de l'UNEF, la manif du 13 mai à Paris est un immense succès. Parmi les slogans, il est déjà question de "gouvernement populaire" et de "pouvoir aux travailleurs". Partis de province, dès le 14 mai, sans que les syndicats soient à la manoeuvre, les grèves des salariés avec occupation font tâche d'huile. Le 18 mai, le BN du PSU estime que le problème du pouvoir est posé, par un appel diffusé à 1 200 000 exemplaires.
La stratégie du PSU repose sur un axe PSU-CFDT-UNEF. Mais la CFDT lâche le PSU pour accepter des négociations salariales avec la CGT. Rocard demande à PMF s'il est prêt à diriger un gouvernement de transition. Mais ce dernier, peu sensible à la puissance politique du mouvement 68ard, à cause de son inorganisation, toujours attachée à une conception classique "d'union de la gauche" ne souhaite pas intervenir. Il accepte juste de se rendre au stade Charléry, mais sans intervenir. De son côté, le PSU qui a entièrement organisé ce meeting accepte de ne pas s'exprimer à la tribune. Ce meeting est un échec. Par ailleurs, le BN du PSU rédige un "projet de déclaration pour un gouvernement de transition" : mais Mendès-France (PMF) refuse de le signer, trouvant les objectifs totalement démesurés.
De son côté, Mitterrand annonce sa candidature à la présidence de la République, et cite PMF comme Premier Ministre. Ce dernier rencontre les responsables de la FGDS. Le 29 mai au matin, on apprend que De Gaulle a quitté l'Elysée pour Baden Baden. La manif qui se déroule ce jour là scande : "Gouvernement populaire". Ce même 29 mai, PMF rencontre Mitterrand, qui lui annonce comme ministres de son gouvernement : Mollet et Defferre ! De son côté, le PCF est très réservé sur une solution PMF.
Entre temps, De Gaulle revient en France, dissout l'Assemblée Nationale, organise une importante manifestation gaulliste sur les Champs- Elysées. Il reprend les rênes du Pouvoir. Le PSU n'a pas su saisir l'occasion socialiste du siècle en France. PMF démissionne du PSU, en désaccord avec la ligne "gauchiste".
3-3°)-Juin 68-avril 69 : un parti révolutionnaire en gestation :
Charléty et le refus de PMF de se poser comme l'homme du recours consacre l'enterrement de Mai 68. Après la manif gaulliste du 30 mai, la gauche parlementaire affronte les élections législatives de façon dispersée. PMF prend très mal cette situation, où le PSU part seul à la bataille électorale, et démissionne du Parti. Rocard rencontre PMF dans un bar de l'aéroport d'Orly. L'échange est le suivant :
Rocard : "mais enfin Président, vous révez, après ce qui s'est passé en Mai, il était absolument impossible de refaire une alliance électorale avec le PCF et la SFIO !
PMF : Oui, je m'en rends compte. Mais les dégats pour l'avenir sont considérables.
Rocard : mais en fait, ce n'est pas essentiel : on ne démissionne pas d'un parti pour des raisons électorales.
PMF : "je démissionne parce que les esprits raisonnables du PSU, et vous notamment, ont perdu le pouvoir. Le pouvoir est maintenant entre les mains des agités comme Heurgon. Et cela pour moi, c'est intolérable"(sic).
En clair, PMF quitte le PSU à cause des gauchistes.
Le résultat des élections législatives n'est pas à la hauteur des attentes : aucun des quatre élus de la session précédente n'est reconduit. Pourtant, en valeur absolue, il passe de 495 412 voix en 1967 à 874 212 voix en 1968.
Le congrès de Dijon élabore une nouvelle doctrine en décembre 1968. Alain Badiou défend l'idée au demeurant largement répandue, que le mouvement de Mai 68 a été vaincu, parce qu'il n'a pas eu recours à la violence. Au contraire, Rocard se positionne sur une ligne de refus absolu de toute violence. Son analyse est retenue, à 80%. Mais Alain Badiou obtient presque 20% des mandats, soit une très belle victoire personnelle. Ce qui montre sa pugnacité et sa capacité à tenir la dragée haute à un dirigeant national comme Rocard.
Marc Heurgon démissionne.
3-4°)-"Le plus grand parti révolutionnaire d'Europe" :
Le PSU s'installe dans un nouveau paysage politique mondial et national. A postériori, on doit admettre l'existence d'un ensemble de tentatives révolutionnaires sans connection les unes aux autres. C'est l'époque où Rocard affirme tout de go : "la gauche n'existe pas, si elle n'est pas socialiste" (sic). Le candidat Rocard remporte 815 000 voix en 1969 soit 3,3% des suffrages. Ce qui, comparé aux 5% de la social-démocratie n'est pas mal. Avec le couple Deferre-PMF, la SFIO s'effondre. Rocard ne cesse de répéter : "le PSU est le plus grand parti révolutionnaire d'Europe !"
Le contrôle ouvrier, axe stratégique d'intervention du PSU dans les entreprises, fait l'objet d'une campagne prioritaire. Se tient à Colombes une conférence nationale des sections d'entreprise du PSU au nombre de 350.
3-5°)-Janvier 1971-septembre 1971 : quel parti révolutionnaire ?
Le PSU se trouve sévèrement concurrencé par les groupes maoïstes : union des communistes marxiste léniniste. Depuis le congrès de Dijon de 1970, s'est organisé au sein même du PSU un courant maoïste autour de d'Alain Badiou et d'Emmanuel Terray. Puis la création de l’Union des communistes marxistes léninistes par les mêmes Badiou et Terray. La Gauche prolétarienne, notamment les étudiants de l'Ecole normale supérieure de la rue d'ULM autour de Louis Althusser.
Le PSU fait un meeting commun avec la Ligue communiste à Rennes, avec Rocard et Krivine, soit plusieurs milliers de participants.
Le congrès de Lille fait apparaitre deux conceptions très opposées. La première conçoit le parti comme une avant-garde révolutionnaire structurée autour d'une doctrine précise. La seconde considère la parti comme un ensemble de militants capables de recueillir les idées des masses. Une troisième position inspirée du Manifesto italien prend l'avantage : celle de mouvement politique de masse. développée par un groupe dissident du parti communiste italien. Il résulte d'une série d'affrontements de plus en plus durs avec la Bourgeoisie. C'est dans ces conflits que de forgera peu à peu l'organisation révolutionnaire. Il s'agit là d'une réflexion tout à fait d'actualité avec le mouvement des Gilets Jaunes.
Mais l'enjeu du congrès est ailleurs : celle de savoir si Rocard sera minoritaire ou majoritaire. La presse est aux aguets. Michel Fontès, opposant à la ligne de Rocard se fait traiter de "stalinien" par ce dernier. Blessé, Fontes veut lui "casser la gueule"(sic).
Sous l'importance de l'influence maoïste au sein du parti, le PSU se prononce en faveur de la dictature du prolétariat avec un parti révolutionnaire unique. Rocard gagne in fine mais avec seulement 53% des mandats. La tension extrême qui a régné pendant ce congrès laisse augurer de prochaines scissions.
Rocard gagne, mais difficilement sur le débat de la violence armée, en se positionnant vigoureusement contre. Il a comme débatteur le jeune Alain Badiou, qui se bat courageusement et avec conviction sur la ligne prônant la violence dans les luttes du moment (Mai 68). Résultat : Rocard obtient 80% des voix contre presque 20% pour Badiou.
Le résultat de Badiou est excellent, au vu du caractère très inégal de ce combat verbal. On rappelle que Rocard est alors Secrétaire national du PSU, ex candidat à la Présidentielle de 1969, obtenant 3,3% des suffrages. C’est une grosse vedette politique passant à la télévision. Badiou, secrétaire fédéral PSU de la Meuse, ne possède rien de tout cela. Inversement, comme explique Bernard Ravenel dans son livre : “c’est ce même Rocard qui négocie avec la Préfecture de Paris l’itinéraire de nombreuses manifestations parisiennes de Mai 68”. Il est donc incontournable.
Se battre verbalement contre le Rocard de 1970 dans le cadre d’un congrès officiel (congrès de Dijon), comme le fait courageusement et avec enthousiasme, Alain Badiou, c’est, ni plus ni moins aller au casse-pipe. Pourtant, notre philosophe s’en sort avec un score plus qu’honorable : presque 20% des voix.
De son côté, la naissance du PS à Epinay en 1971 est vécu comme un non évènement. Roland Cayrol, politologue, membre du PSU, écrit : "la SFIO, ou plutôt le Parti socialiste comme il faut à présent l'appeler est devenu le parti de cette petite bourgeoisie des villes du nord et des campagnes du sud ouest, de cette cinquantaine ventripotante et fatiguée, qui craint l'aventure et le désordre pour oser croire encore" (sic).
3-6°)-Octobre 1971-décembre 1971 : programme autogestionnaire contre programme commun !
Le PS et le PCF sortent un "programme de gouvernement démocratique d'union populaire", non soumis au vote des militants. Ce programme est très atlantiste, du fait de l'influence de Robert Pontillon. Sur le plan social, il adopte le très improbable triptyque : collectivisation-autogestion-planification, sans expliquer comment on y parvient. Le parti est défini comme un intellectuel collectif au sens gramscien du terme.
Au sein du PSU, le courant Gauche révolutionnaire se scinde de fait, avec un journal, un local et un discours critiquant de plus en plus le PSU. La GR est exclue, mais elle amène dans son départ Henri Leclerc et Bernard Lambert, des cadres de qualité. Une nouvelle génération de dirigeants apparait avec Michel Mousel, Geneviève Petiot, Bernard Ravenel, Jean-Marie Demaldent, que j'ai bien connus.
Le manifeste du PSU "contrôler aujourd'hui pour décider demain est publié", qui rassemble 84% des mandats. Il y est rappelé que l'autogestion ne sera pas octroyée, et suppose le renversement de l'Etat capitaliste, et sera progressivement imposée par les travailleurs eux même. Il connait un succès de librairie avec 50 000 exemplaires vendus.
3-7°)-1973 : l'unité retrouvée :
Les élections législatives sont un échec global pour la gauche. Le PSU passe de 875 000 voix en 1968 à 489 000 en 1973. La droite accuse la gauche d'incompétence et de démagogie. Les 20 et 21 juin a lieu une rencontre initiée par 4 revues, dont Critique socialiste revue théorique du PSU, la revue du CERES, de la Ligue communiste, les militants de l'AMR, scission du PSU animée par Maurice Najmann, des militants de la CGT, CFDT, FEN. Tous ces militants prônent une démarche autogestionnaire..
Déjà, on entend dans les réunions publiques des personnes dire qu'elles sont d'accord avec les idées du PSU, mais qu'elles voteront pour le PS. C'est malheureusement la litanie entendue tout au long des années 70.
Rocard donne une interview très importante dans "Témoignage Chrétien" le 17 mai 1973. Pour lui, le PS a incontestablement réussi à prendre une option sur cette couche de militants syndicaux, associatifs qui formait l'électorat PSU. Désormais, il se propose de rencontrer Mitterrand. Cette interview est vécue comme une trahison par les autres membres du BN du PSU. Le psychodrame éclate. Philippe Simon déclare : "Rocard, tu nous a fais un mauvais coup, une fois ça peut à la limite passer, mais pas deux" (sic). Rocard est obligé de faire une mise au point dans Tribune Socialiste, le journal du PSU. Mais en fait de rétropédalage, il estime que les "changements intervenus au PS sont tels que beaucoup de choses sont possibles (avec eux)"(sic). Le BN condamne le PS à n'être qu'un parti attrape-tout. A ce moment là, Rocard est clairement minoritaire dans le PSU.
Le rôle de la CFDT va être décisif. Une véritable course de vitesse s'engage entre le PS et le PSU pour rallier la CFDT à son camp. La CFDT fait savoir son intention d'organiser des "assises".
3-8°)-1974 : la rupture :
En 1974, le PS est coupé du mouvement social, mais il est fort électoralement et ne croit qu'à la voie parlementaire. Le décès de Pompidou oblige le PSU à choisir précipitamment, soit entre un avenir politico-électoral en présentant un candidat à la Présidentielle, soit la subordination au PS. En refusant de se présenter contre Mitterrand, Rocard fait un choix très clair. Il prend acte de la fin politique du PSU. Revenons en 1972, où est signé entre le PS et le PCF un accord de gouvernement. : dans cet accord, l'Etat est amené à jouer le rôle de transformateur et pas la logique autogestionnaire. Rocard demande à être déchargé du poste de porte-parole du PSU en septembre 1973.
Dès lors, Rocard adopte un double jeu permanent : depuis le printemps 1973, il déjeune avec Pierre Mauroy et Edmond Maire chez André Salomon, un ami de Mauroy. C'est dans ce cadre discret que se négocie l'entrée au PS de Rocard. Bien évidemment, Mitterrand est au courant de ces repas.
Le 4 avril 1974, soit deux jours après la mort de Pompidou, Rocard refuse de se présenter comme candidat aux élections présidentielles. Ravenel propose la candidature Piaget initiée par la Ligue. Mais Rocard refuse vigoureusement. Finalement, le 15 avril le Conseil National du PSU se prononce en faveur de la candidature Mitterrand. Au sein de la campagne de Mitterrand, les rocardiens sont isolés comme le reconnait Chapuis. Mitterrand obtient 49,19% des voix, ce qui permet d'espérer en une victoire de la gauche.
Les non rocardiens se battent pour l'autonomie du PSU, estimant que le PS est une organisation de 30 000 à 40 000 notables, dont la fonction est de permettre leur élection, soit pour gérer l'Etat, soit dans l'espoir illusoire de le changer de l'intérieur. Rocard veut partir, mais ne veut pas partir seul.
C'est dans ce contexte très tendu que s'ouvre le 5 octobre 1974 le Conseil National d'Orléans. L'atmosphère est lourde. Avant même le début des débats, rocardiens et non rocardiens échangent des regards qui confinent à la haine. Les débats à la tribune sont de façade et de protocole. Les vraies discussions ont lieu dans les couloirs. Rocard est mis en minorité. Très mécontent de la tournure des débats, il précipite la rupture en demandant un vote, qui ne prend plus les positions du PSU comme base de participation. Sa motion est refusée. Rocard se sent libéré de son appartenance au PSU. Il écrira plus tard : "je quittais alors sans amertume, ni nostalgie, le PSU, où j'avais prodigué mon énergie, mon temps et mon espérance" (son livre : "Le coeur à l'ouvrage").