Guerre en Ukraine : pour une pause dans la mondialisation !
Article rédigé le 2 avril 2022 par Communia pour le site "Les 7 du Québec"
Source Communia. Traduction et commentaires:
Les présidents de deux des plus grands fonds américains de placement, BlackRock et Oaktree, ont publié des lettres ouvertes à leurs actionnaires à l’occasion de la guerre en Ukraine dans lesquelles ils ont déclaré la «mondialisation» terminée (End of the Great Reset) et donné de grandes directives aux géants mondiaux du capital.
(Nous dirions plutôt qu’une première étape cruciale de la mondialisation économique et financière doit être mise sur pose – alors que l’étape de la confrontation militaire mondiale s’est amorcée avec la crise sanitaire et pandémique et se poursuit avec la guerre en Ukraine
Ces encycliques ont un énorme pouvoir de prescription parmi la bourgeoisie patronale. La transition mondiale vers l’économie de guerre est trop rapide et «l’Évangile de la post-mondialisation accélérée» ne pouvait plus attendre. (Nous pensons pour notre part que tout cela n’est que fumisterie et vise à tenter de rationaliser et à justifier la troisième guerre mondiale qu’ils nous préparent. )
Table des matières
L’apocalypse de la mondialisation… selon BlackRock
Larry Fink. Président de BlackRock
Dans son message, Larry Fink, président de BlackRock, ne peut que reconnaître que «les tensions sociales et politiques de deux ans de mesures gouvernementales pandémiques», qu’il blâme pour «la polarisation et le comportement extrémiste que nous voyons dans la société d’aujourd’hui», remettaient déjà en question la division internationale du travail. Et il réaffirme dans le credo mondialisant des années quatre-vingt-dix: «Je continue de croire à long terme aux avantages de la mondialisation et au pouvoir des marchés financiers mondiaux», déclare-t-il, «mais l’invasion russe de l’Ukraine a mis fin à la mondialisation que nous avons vécue au cours des trois dernières décennies». (Car cette première phase de la mondialisation se faisait sous l’hégémonie d’une puissance financière, politique et militaire incontestée ce qui n’est plus le cas depuis la défaite américaine en Syrie, en Afghanistan, depuis la crise pandémique et depuis la guerre de partition de l’Ukraine. )
Pourquoi? Parce que vu du haut des administrations américaines, il est temps d’accélérer la sortie de la Chine hégémonique et de prévoir un environnement d’inflation élevée « chez eux » dans lequel les travailleurs auront des revenus réels plus faibles à dépenser pour leurs produits.
L’agression de la Russie en Ukraine et son découplage ultérieur de l’économie mondiale inciteront les entreprises et les gouvernements du monde entier à réévaluer leurs dépendances et à réanalyser leurs empreintes – leur autonomie relative – de fabrication et d’assemblage, ce que le covid avait déjà incité beaucoup d’entreprises à commencer à faire. […]
Et tandis que la dépendance à l’égard de l’énergie, du minerai et des céréales russes est sous les feux de la rampe, les entreprises et les gouvernements [occidentaux] examineront également plus largement leur dépendance à l’égard des autres nations. Cela peut amener les entreprises à mener plus d’opérations (production-transformation) sur leur propre sol ou dans les régions voisines, ce qui entraîne un retrait plus rapide des entreprises et des unités de production que présentement de certains pays [comme la Chine].
(Le magnat de la finance de BlackRock dresse le portrait de l’économie de guerre que devrait adopter rapidement le grand capital occidental s’il souhaite maintenir son hégémonie et vaincre le dragon impérialiste chinois et ses alliés… mais nous verrons plus loin qu’il est impossible de réaliser cette dislocation – découplage – désarticulation – démonopolisation du procès de production-commercialisation capitaliste.)
D’autres pays, comme le Mexique, le Brésil, les États-Unis ou certains centres de fabrication en Asie du Sud-Est, pourraient en bénéficier. Ce découplage créera inévitablement des défis pour les entreprises, notamment des coûts plus élevés et des pressions sur les marges.
Alors que les bilans des entreprises et des consommateurs sont solides aujourd’hui, ce qui leur donne plus de protection pour faire face à ces difficultés, une réorientation à grande échelle des chaînes d’approvisionnement sera intrinsèquement inflationniste.
Même avant le déclenchement de la guerre, les effets économiques de la gestion catastrophique de la pandémie, y compris le déplacement de la demande des consommateurs pour les services vers les articles ménagers, les pénuries de main-d’œuvre et les goulots d’étranglement de la chaîne d’approvisionnement, ont conduit l’inflation aux États-Unis à son plus haut niveau en quarante ans.
Dans l’Union européenne, au Canada et au Royaume-Uni, l’inflation est supérieure à 5 %. Les salaires n’ont pas suivi le rythme et les consommateurs ressentent le fardeau alors qu’ils font face à des salaires réels plus bas, à des factures d’énergie en hausse et à des coûts plus élevés à la caisse du supermarché. Cela est particulièrement vrai pour les travailleurs à bas salaires qui dépensent une plus grande partie de leur salaire pour des articles essentiels tels que le gaz, l’électricité, la nourriture et le loyer. (La guerre d’Ukraine et surtout les sanctions adoptées par les pays occidentaux contre la Russie vont accentuer ces tendances stagflationnistes. Voir
https://les7duquebec.net/?s=inflation
et ceci : https://les7duquebec.net/archives/271068 )
LETTRE AUX INVESTISSEURS DU PRÉSIDENT DE BLACK ROCK, LARRY FINK, 24 MARS
Fink se rend également compte qu’à ce stade, le pouvoir du dollar de transférer les coûts de la crise des États-Unis à ses alliés commence à être plombé et avant qu’il ne soit trop tard, il est temps de proposer une alternative traçable, c’est-à-dire numérique, afin de ne pas perdre le pouvoir d’exclure ou de sanctionner les rivaux. (Notamment, le rival Union européenne qui risque de prendre peur suite à la confiscation des avoirs en or et en dollars de la Banque de Russie par l’administration américaine…un acte de guerre d’une extrême brutalité. )
Un système de paiement numérique mondial soigneusement conçu peut améliorer le règlement des transactions internationales tout en réduisant le risque de blanchiment d’argent et de corruption.
Howard Marks d’Oaktree dans son « mémorandum »
revient un an en arrière pour se rappeler comment «les faiblesses de notre chaîne d’approvisionnement mondiale sont devenues apparentes», conduisant «de nombreuses entreprises à chercher à raccourcir leurs lignes d’approvisionnement et à les rendre plus fiables, principalement en récupérant la production sur le territoire national» et en poussant à la hausse l’inflation. (Cette tactique de rapatriement des unités de production-commercialisation renforce la sécurité des approvisionnements – temporairement et partiellement du moins – mais elle implique un accroissement important des coûts de production-distribution qui avantage le concurrent et s’avère désastreuse à moyen terme comme le prouveront bientôt les tentatives de sanctions-boycottage de la Russie.)
Marks insiste sur le fait que la clé pour comprendre ce qui s’en vient réside dans les parallèles entre la dépendance énergétique de l’Europe et la dépendance de l’Asie vis-à-vis des États-Unis dans la chaîne d’approvisionnement. Ces deux phénomènes ont contribué au faible niveau d’inflation des dernières décennies et à contenir ou à réduire les émissions de CO2 dans le sol lui-même, ouvrant la voie à la supercherie idéologique du «Green Deal».
Mais tous deux sont marqués par une offre insuffisante d’un bien essentiel exigé par des pays ou des entreprises qui se sont laissés dépendre des autres. Et compte tenu de l’importance des appareils électroniques pour la sécurité nationale des États-Unis, qu’est-ce qui, aujourd’hui, en termes de surveillance, de communications, d’analyse et de transport, ne dépend pas des appareils électroniques? – cette vulnérabilité pourrait, à un moment donné, mordre à nouveau les États-Unis de la même manière que la dépendance à l’égard des ressources énergétiques russes paralyse l’Union européenne […]
L’invasion de l’Ukraine a montré que l’importation européenne de pétrole et de gaz en provenance de Russie l’a rendue vulnérable dans un environnement hostile, en même temps que la réduction de la production d’énergie nucléaire a accru le besoin de la région d’importer du pétrole et du gaz. De même, la pratique de l’approvisionnement à l’étranger rend les pays et les entreprises dépendants de leurs relations positives avec les pays étrangers et de l’efficacité du réseau de transport.