Guerre d’Ukraine – point au jour 243 – La fuite en avant du gouvernement ukrainien de moins en moins soutenu par les Occidentaux !
Extrait de l'article rédigé le 24 ocotbre 2022 par M.K. Bhadrakumar pour le Courrier des stratèges.
Alors que la bataille d'Ukraine semble se focaliser sur la bataille de Kherson, des rumeurs alarmistes courent sur une radicalisation de la guerre. En réalité, Washington, qui attend les élections de mi-mandat, et Londres, où l'on cherche un successeur à Madame Truss, ne sont pas en position d'engager un bras de fer avec la Russie. Moscou s'inquiète plutôt du possible comportement erratique d'un gouvernement kiévien potentiellement aux abois, et qui s'aperçoit que l'alliance avec les Occidentaux, relève pas d'un "serment des Nibelungen". Assistera-t-on à une fuite en avant de Zelenski? au moment où la récession s'installe en Europe, en particulier en Allemagne?
1°)-L'Allemagne est dépassée par les événements
1/2 German press release: “The Federal President cancels his visit [to Kiev] scheduled for 20 October. The decision is related to security issues.” Berlin fears Steinmeier train getting stranded due to power cuts caused by Russian strikes on Ukraine’s critical infrastructure.
— M. K. Bhadrakumar (@BhadraPunchline) October 19, 2022
M.K. Bhadrakumar revient sur l’annulation de la visite du président Steinmeier à Kiev: “La décision, explique-t-il, découle de soucis concernant la sécurité du déplacement. Kiev craint que le train du président fédéral du fait de frappes russes sur les infrastructures critiques”. On remarquera au passage que, comme pour une visite de Scholz, Macron et Draghi, il y a quelques mois, le déplacement était prévu en train, non en avion. Les dirigeants européens ne veulent pas assumer une discussion avec les Russes pour négocier un déplacement à Kiev!
“Toutefois, selon le second récit intrigant, continue Bhadrakumar, les Allemands craignent que le régime de Kiev ne s’en prenne finalement à Steinmeier [qui a rédigé les accords de Minsk en tant que ministre des Affaires étrangères] en organisant une opération de “faux drapeau” scandaleuse pour faire porter la responsabilité de l’acte ignoble à la Russie, afin d’entraîner l’OTAN dans le chaudron”.
Deviendrait-on paranoïaque à Berlin? Ou bien y a-t-il finalement, un double langage permanent, les Allemands connaissant en fait la vraie nature du régime ukrainien – à la fois très violent et très fragile – et ne ferraient que jouer la comédie parce qu’ils ont encore plus peur des Américains que des Russes?
Une autre source indienne, qui tient à rester anonyme, me confie – après avoir rencontré Olaf Scholz – que l’ancien maire de Hambourg semble avoir été rattrapé, maintenant qu’il est Chancelier, par le Principe de Peter: il a atteint son “niveau d’incompétence”.
Ce jugement de première main est-il trop sévère? J’ai eu pour ma part le même type de malaise en rencontrant le principal collaborateur de M. Scholz, Wolfgang Schmidt, chef de la Chancellerie.
Pourtant, à la décharge de l’actuel Chancelier, on mettra en toile de fond, l’activisme de Madame von der Leyen, la manière dont les Américains poussent à fond la grenouille polonaise à se faire aussi grosse que le boeuf allemand. Et la montée des tensions entre Berlin et Paris (annulations du sommet franco-allemand de la fin octobre). La Guerre d’Ukraine soumet l’Allemagne et l’Union Européenne à des pressions énormes. Et il semble bien que Berlin soit dépassée par les événements. Mais parce qu’il s’agit, aussi, d’une crise structurelle de l’Union Européenne.
En tout cas, les prévisions économiques sont moroses pour l’Allemagne:
“L’activité économique dans la zone euro a continué de chuter en octobre et l’Allemagne, première économie de l’UE, semble se diriger vers une récession, selon une enquête très surveillée par les investisseurs.
L’indice des ordres d’achat (PMI) de la zone euro S&P Global Flash est tombé à 47,1 en octobre, contre 48,1 un mois plus tôt, en raison de l’inflation galopante et des prix élevés de l’énergie.
Un indice inférieur à 50 signale une contraction de l’économie.
Alors que la zone euro, composée de 19 pays, semblait devoir se contracter au quatrième trimestre, la situation était pire en Allemagne, où le PMI est tombé à 44,1, contre 45,7 en septembre.
Il s’agit du chiffre le plus bas depuis les premières fermetures d’entreprises en Allemagne lors de la pandémie de COVID-19.
Ces données viennent s’ajouter “aux signes croissants d’une récession imminente dans la plus grande économie de la zone euro”, a déclaré Phil Smith, directeur associé des études économiques chez S&P Global Market Intelligence.
En Allemagne, l’industrie manufacturière et les services affichent des taux de contraction accélérés, mais cela ne s’est pas encore traduit par des suppressions d’emplois, selon l’enquête.
Les entreprises allemandes sont “profondément pessimistes” quant aux perspectives pour l’année à venir.
En France, deuxième économie de l’UE, l’économie stagne, avec un PMI de 50 contre 51,2 en septembre.
Bien que la France souffre moins que d’autres pays d’Europe de la hausse de l’inflation, l’augmentation des prix continue d’exercer une pression sur les consommateurs, ce qui a entraîné une forte baisse des commandes des usines.
Dans toute la zone euro, l’indice PMI indique que la production industrielle a chuté pour le cinquième mois consécutif, à un rythme jamais vu depuis le pire de la pandémie.
L’engorgement et les pénuries de l’offre se sont quelque peu atténués, dans un contexte de baisse de la demande. Alors que la demande d’intrants s’est effondrée, la hausse des factures d’énergie et la pression salariale ont maintenu les coûts à un niveau élevé.
Une récession à l’échelle de la zone euro “semble de plus en plus inévitable”, a déclaré Chris Williamson, économiste commercial en chef de S&P Global Market Intelligence.
“La crise énergétique de la région reste une préoccupation majeure et un frein à l’activité, en particulier dans les secteurs à forte intensité énergétique.”
Les données PMI ont été publiées avant la réunion de jeudi du conseil d’administration de la Banque centrale européenne, qui devrait déboucher sur une forte baisse des taux d’intérêt afin de tenter de ralentir l’inflation.
L’inflation dans les 19 pays de la zone euro a atteint près de 10 % en septembre, soit cinq fois plus que l’objectif de 2 % de la BCE.
L’économie allemande, dont les industries énergivores dépendaient fortement du gaz russe avant la guerre, devrait se contracter de 0,4 % en 2023“.
La situation est très tendue en Moldavie
#Moldavie Les manifestations anti-gouvernementales à #Chisinau sont à la limite de l’insurrection et n’abandonnent pas leur objectif : percer le cordon pour prendre d’assaut le Parlement.
L’opposition exige des élections anticipées et la reprise des échanges avec la #Russa pic.twitter.com/iOdlWrj1el— Militant.André.D (@Circonscripti18) October 23, 2022
Les rumeurs les plus alarmistes circulent. Par exemple on dit que la question d’une “bombe sale” ukrainienne semble avoir été au coeur des conversations du Général Choïgou avec ses homologues américain, britannique et français. Cependant, il faut garder la tête froide. Par exemple, lorsque l’on voit répercuter par les médias que la 101è division aéroportée américaine s’entraîne en Roumanie et que “son commandement” aurait évoqué une possible participation au conflit, si les choses se durcissent, il faut d’une part se rappeler que les Etats-Unis sont actuellement en situation d’infériorité stratégique, sur le plan nucléaire, vis-à-vis de la Russie (question des vecteurs hypersoniques en particulier); et puis ce genre de décision ne se prenne pas au niveau des commandants d’unités! Sans oublier qu’une guerre contre la Russie ne se mènerait pas avec une unité d’élite.
Ajoutons que l’OTAN peut bien avoir des plans grandioses: la réalité sur le terrain est différente. La tentative de faire basculer la Moldavie vers l’OTAN aboutit à de gigantesques manifestations. Avant de créer un incident qui fasse basculer toute la zone, jusqu’en Transnistrie, il faudrait d’abord instaurer un “état d’urgence”. Et cela dans un pays qui connaît ses premières pénuries énergétiques.
L'environnement mondial devient de plus en plus hostile pour l'Amérique du Nord et l'Union Européenne
+ Xi Jinping a annoncé une nouvelle augmentation du budget de la défense.
“Dans le signe le plus clair à ce jour que la Chine se prépare à une éventuelle épreuve de force avec les États-Unis au sujet de Taïwan, un général de l’Armée populaire de libération (APL) ayant une expérience du combat a été réélu dimanche vice-président de la Commission militaire centrale (CMC).
Le président Xi Jinping a contourné la règle non écrite “sept en haut, huit en bas” pour le général Zhang Youxia, 72 ans, un vétéran de la guerre sino-vietnamienne de 1979 et l’un des rares généraux de l’APL ayant une expérience du combat.
Le général Zhang, qui était auparavant le deuxième vice-président de la CMC, a été élu premier vice-président de la commission et a conservé son siège au Politburo, composé de 24 membres, à l’issue d’une réunion de l’élite du Parti communiste dimanche.”
+ Lu sur Zero Hedge:
“Au milieu de cette privation de “nourriture” sans précédent provoquée par la trajectoire de resserrement hyper-agressif de la Fed, nous ne sommes plus les seuls à avertir que quelque chose va se briser, surtout après la rupture de la Bank Of Japan et de la Bank Of England : au cours des dernières semaines, pratiquement tous les économistes et stratèges ont rejoint le chœur, avec en point d’orgue cette semaine une note d’avertissement très explicite de l’équipe de crédit de la Bank of America vendredi dernier, qui a averti que l’indicateur de stress de crédit (CSI) de la banque a clôturé au 75ème centile. 6e percentile, dépassant le pic de juin de 71 et entrant dans la “zone critique” (au nord de 75) au-delà de laquelle le risque de dysfonctionnement du marché du crédit augmente de manière exponentielle.”
+ Lu sur le blog our finiteworld.com:
“À maintes reprises, les approches financières ont permis de résoudre les problèmes économiques. La hausse des taux d’intérêt a eu pour effet de ralentir l’économie et leur baisse a eu pour effet d’accélérer l’économie. Le fait que les gouvernements dépensent trop leurs revenus a également pour effet de faire progresser l’économie ; faire l’inverse semble ralentir les économies.
Qu’est-ce qui peut bien se passer ? Il s’agit d’un problème de physique. L’économie ne fonctionne pas seulement avec de l’argent et des dettes. Elle fonctionne sur des ressources de toutes sortes, y compris des ressources liées à l’énergie. (…)
À un moment donné, les ressources, en particulier les ressources énergétiques, sont trop sollicitées par rapport à (…) tous les engagements qui ont été pris, comme les engagements en matière de retraite. En conséquence, il est impossible que la quantité de biens et de services produits augmente suffisamment pour répondre aux promesses faites par le système financier. C’est le véritable goulot d’étranglement auquel l’économie mondiale est confrontée“. Les confinements contre le COVID puis la guerre d’Ukraine, ont ramené la question de “l’économie réelle” au premier plan!
“Comme c’est souvent le cas, le temps a permis d’apaiser les pires craintes, car les responsables de l’énergie des pays qui composent l’UE sont passés à l’action. Ils se sont tournés vers la Norvège pour obtenir 90 milliards de mètres cubes de gaz supplémentaires afin de commencer à remplir les cavernes de stockage. L’infrastructure était en place, ce n’était qu’une question de prix. Les États-Unis ont également répondu par un transport maritime massif de milliards de pieds cubes de GNL, provenant principalement des usines Cryo de la côte du golfe du Mexique, et peu à peu, les craintes les plus vives du début du printemps se sont dissipées.
Aujourd’hui, le WSJ rapporte que les réservoirs de gaz de l’UE sont en grande partie remplis, grâce aux exportations américaines de GNL. La population européenne est désormais entre les mains de la nature à l’approche de l’hiver.
“Les installations de stockage de gaz pour le chauffage et la production d’électricité sont presque pleines, la consommation est en baisse et les méthaniers arrivent à toute vitesse. L’Europe est dans une position plus forte que ce que l’on craignait ces derniers mois, après que Moscou a réduit ses livraisons de gaz en représailles aux sanctions occidentales liées à l’invasion de l’Ukraine.
Cependant, beaucoup de choses peuvent mal tourner. Une longue période de froid ou la rupture d’un gazoduc pourrait bouleverser les préparatifs de la région, menaçant de rationnement d’urgence, de coupures de courant et d’une récession économique plus profonde. Les responsables et les analystes estiment que la volonté des consommateurs de réduire leur consommation de gaz sera déterminante pour passer l’hiver.”
La suite de cet article se concentrera sur ce qui pourrait effectivement mal tourner et mettre en danger les citoyens de l’UE.
La demande asiatique, le respect des mesures de réduction de la consommation d’énergie et les conditions météorologiques aux États-Unis pourraient faire la différence.
Bien qu’il semble être sorti d’affaire pour la première partie de cette saison, avec des cavernes de stockage pleines, plusieurs défis attendent ce continent assiégé par l’énergie.
Le premier est que la demande asiatique, et en particulier la demande chinoise, devrait refaire surface dans les mois à venir. L’accent mis sur l’hémisphère oriental est compréhensible, car ses économies en pleine croissance sont le produit de l’ascension de cette région en tant que centre de fabrication et de distribution de presque tout. Cette demande incessante, si elle se produit, mettra au défi les centres d’importation de l’UE, qui commenceront à décharger le gaz stocké cet hiver et à chercher de nouveaux approvisionnements pour l’hiver 2023-24.
Bloomberg a récemment indiqué dans un article que la Chine, qui avait revendu des cargaisons de GNL américain à l’UE avec un bénéfice, ne le faisait plus.
“La Chine a demandé à ses importateurs de gaz appartenant à l’État de cesser de revendre du GNL à des acheteurs en manque d’énergie en Europe et en Asie afin d’assurer son propre approvisionnement pour la saison de chauffage de l’hiver.”
Si cette action signale un tournant dans les perspectives de la Chine, alors les acheteurs de l’UE devront faire face à une concurrence accrue pour les approvisionnements américains, dont ils ont reçu la part du lion au cours de l’été. Les cargaisons de GNL chargées sont très fongibles et il est courant que la destination finale d’un méthanier change après son départ du port.
La seconde est de passer l’hiver sans les réductions draconiennes évoquées dans l’article du WSJ. Le respect des directives de conservation urgentes déterminera si la sécurité énergétique de l’UE sera à la merci de la météo cet hiver.
“L’Europe est probablement aussi bien préparée qu’elle pourrait l’être. L’infrastructure est à peu près au maximum”, déclare Michael Bradshaw, professeur d’énergie mondiale à la Warwick Business School. “Nous nous heurtons à la dure réalité qu’il existe des limites physiques à la capacité de remplacer le gaz russe à court terme. Cela signifie qu’il est vital de redoubler d’efforts sur le volet de l’équation concernant la réduction de la demande.”
“Beaucoup de choses peuvent mal tourner. Si le gel fait grimper la demande, les stocks pourraient s’épuiser et les prix atteindre des niveaux tels que les entreprises et les gouvernements en pâtiraient. Les basses températures pourraient également déclencher une compétition entre l’Amérique du Nord et l’Europe pour l’approvisionnement en GNL.”
Et cela nous amène à notre troisième point dans cette