Georges Pérec : Ce qui m'intéresse, c'est l'infra ordinaire..."!
Article rédigé par Brigitte Bouzonnie en 2014, mis à jour le 2 février 2022
1°)-GEORGES PEREC ECRIT : "Ce qui m’intéresse, c’est l’infra-ordinaire, le contraire de l’événement. Les journaux passent leur temps à repérer ce qui casse. Pourtant, ce qui est effroyable, ce n’est pas le coup de grisou, c’est le travail à la mine. Il y a une sorte d’anesthésie par le quotidien : on ne fait plus attention à ce qui nous entoure, à ce qui se refait tous les jours, seulement à ce qui déchire le quotidien. » (Libération du 5 mars 1982).
2°)-Brigitte Bouzonnie : ce qui intéressent les journaleux aux ordres, à deux neurones, ce sont des choses extra-ordinaires. Ce n'est jamais la vie en train de se faire : l’ennui, la misère quotidienne de ceux qui n'ont plus rien dans le frigo, a compter du 10 du mois. Ou de ceux qui envoient leur CV, à des offres d'emploi hypocrites et truquées, ou le candidat maison est choisi à l'avance. Ou les lettres de refus criant, puant, leur refus à travers l'enveloppe même pas ouverte...
PEREC parle "d'infra-ordinaire", il me semble que c'est l'ordinaire de millions de gens, tout simplement. En partageant la même cecité croisée, la même myopie collective, le même deni du réel, les media bobos nous renvoient une image tronquée et truquée de la réalité, où jamais le manque d'argent et d'emploi, la douleur et la solitude des plus démunis : par exemple, une sociologue interrogeait les gamins de Bobigny (93), qui passent leurs journées dans le hall d'entrée des HLM. Personne, parmi les sans nom les sans grade, n'accède à la lumière médiatique des sujets dont on parle.
Pierre BOURDIEU parle de "formidable censure"(sic), "de perte d'autonomie, liée au fait que le sujet est imposé, que les conditions de communication sont imposées, et surtout, que la limitation du temps impose au discours des contraintes réelles, qu'il est peu probable que quelque chose puisse se dire (cf "Sur la télévision”, collection Raison d'agir, Liber édition, 1996). Aujourd'hui, a quatre semaines du premier tour des Municipales, jamais cette censure n'a été aussi maximale, aussi asphyxiante, jamais à l'insignifiant, le faux, n'ont régné ce point en maitres absolus, potentats, dans les télévisions non équitables ! En vacances, pendant huit jours, j'écoutais France Info, effrayée des bobards majuscules que nous servait cette radio, synonyme, hier encore, de qualité : le conflit en Ukraine, ou "les gentils (dirigeants de Kiev) contre les méchants (russes)" ; la manif contre l'aéroport de NDDL, "l'action des seuls casseurs de l'ultra gauche"(sic). De retour a Paris, LCI, BFM-TV, c'est pire encore. Cela en devient risible : après un gros mensonge, un autre gros mensonge...Dans le JDD de décembre 2014, les gens se plaignent durement de cette "info" totalement déconnectée de leurs préoccupations. Et ils ont raison.
Jamais, les discours, "les gens n'ont plus rien a compter du 15 du mois", "Macron, c'est le gouvernement du chômage", n'ont été aussi salutaires. Pareils à une bouffée d'oxygène dans cette atmosphère de fausseté irrespirable. Où la Vérité, comme la lumière du jour, n'a jamais sa chance. Comme un geste de résistance et de solidarité avec ceux qui souffrent aujourd'hui, à cause d'un Macrondur sans affects, sans aucun sentiment d'humanité pour tous ceux qu'il a fait sciemment basculer dans la pauvreté. Et qui possède, à la place du coeur, un "coucou régulier, et garanti dix ans": cf “Les oiseaux de passage”, extrait de la chanson de BRASSENS sur un poème de Jean RICHEPIN.
Depuis 2017, on en bave des ronds de chapeau avec le poudré. Sur le plan des salaires jamais remontés. Du chômage qui explose. De la pandémie de Covid et son cortège de confinements, vaccinations mortifères. Et une petite-bourgeoisie préfère être amnésique de tout ce qu’on a subi avec Macron depuis cinq ans, pour s’en prendre uniquement à Poutine, que l’on ne “connait” qu’à travers la propagande de l’OTAN.