George Soros, Sœur Thérésa de la “Société Ouverte“, ou Croisé fanatique de l’ouverture à l’Ouest ?
Excellent article rédigé par notre amie Monika Karbowska
Enquête sur les activités hors frontière de George Soros
Yougoslavie, Ukraine, Syrie, Hongrie, France, États-Unis
À travers ses fondations Open Society, le philanthrope George Soros se ruine pour le bien des sociétés du monde, au sein de 120 pays, tel un Saint investi d’une mission religieuse. C’est du moins ce que laisse entendre la “grande“ et moyenne presse, par l’absence ahurissante de toute enquête sur l’influence globale et locale qu’exercent les entités Soros sur la planète. Chez Soros, au moins, on travaille. Mais à quelles fins, au juste ?
Le spéculateur Soros, pourfendeur de la livre sterling en 1992, renard des combines financières hardies, devrait faire frémir la gauche anti-impérialiste, la gauche anticapitaliste ou bien trotskyste. En cherchant bien, on trouve, au mieux, dans le journal du Pôle de Renaissance Communiste, quelques mentions pertinentes sur George Soros, en lien avec la traque de Julian Assange, et au pire, dans le fanzine de gauche radicale en culotte courte Lundi-Matin, une diatribe contre les Gilets Jaunes qui ne dénonceraient Soros qu’après « des nuits passées devant des vidéos d’Alain Soral », sombrant dans le mythe du « complot juif ».
Il semblerait que la critique approfondie du capitaliste ne puisse venir que de la droite et de la droite extrême. Outre l’épouvantail Alain Soral, des éléments de la droite conservatrice européenne s’inquiètent de l’influence grandissante des entités sorosiennes, notamment au sein de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH).
[ Ajout tardif : Des critiques ou veilles des activités Soros émanant d’individus de gauche existent; le plus pertinent à notre connaissance est Frederic Lorca (pseudonyme), à lire ici http://delorca.over-blog.com/tag/george%20soros/ ].
C’est l’ONG très conservatrice et chrétienne ECLJ, Centre Européen pour le Droit et la Justice, qui a suivi de 2009 à 2019 la centaine de juges ayant officié à la CEDH, parmi lesquels 12% ont eu des responsabilités à l’OSF (Open Society Fondation), mais aussi sept juges passés par les fondations Helsinki, dont la très active Fondation Helsinki de Pologne fut bénie en 2017 par l’OSF, qui lui fournit 40% de son pain quotidien.
Environ deux juges sur dix de la CEDH sont donc passés, de manière plus ou moins assidue, par la zone d’influence financière et/ou idéologique et relationnelle, celle d’un seul homme, l’américain d’origine hongroise Georges Soros.
La représentation des ONG humanitaires au cœur de la CEDH n’a rien de surprenant, et peut même contribuer à une certaine émulation démocratique au sein d’une institution qui, par le biais des jurisprudences, oriente et façonne le droit européen. Cependant, le caractère hégémonique des organisations liées à Soros déséquilibre le milieu des ONG, et à travers lui, la CEDH.
Extrait du rapport ECLJ : « Outre ses actions de nature géopolitique, l’OSF milite et finance des initiatives en faveur, par exemple, de la liberté d’expression, de l’éducation des Roms, ainsi que de la libéralisation de la drogue, de la prostitution, de l’avortement, des comportements LGBT, ou encore des droits des réfugiés et des minorités. Au sein du réseau de l’OSF, l’Open Society Justice Initiative s’est spécialisée dans le contentieux stratégique. Cette organisation, comme quelques autres, est capable d’agir simultanément auprès de toutes les instances internationales où s’élabore le droit… ».
Si la passivité des organisations de gauche s’en trouve en partie expliquée, celle du journal conservateur Le Figaro, qui a lâchement escamoté la sortie du rapport ECLJ, est révélatrice. Les milieux bien-pensants de droite comme de gauche sont priés d’accepter sans broncher l’action invasive d’un milliardaire sis à New York, dans nos sociétés et jusqu’aux plus hautes instances des droits de l’homme.
Densité et nature des « réseaux » « Soros »
Avant d’aborder l’idéologie et les objectifs du milliardaire, plaçons quelques repères. Soros soutient sans ambiguïté le parti Démocrate, il a financé les campagnes de John Kerry, Barack Obama, Hillary Clinton et Joe Biden, et soutient activement et systématiquement leur politique d’ingérence extérieure (Libye, Syrie, Ukraine, Yemen…).
Les lobbyistes de l’ « Open Society European Policy Institute » et leur mentor ont officiellement rencontré, à 64 reprises, de 2014 à 2018, les responsables de la Commission Européenne, Président et vice-Président compris. La tchèque Véra Jourovan, Commissaire européenne à la Justice, aux Consommateurs et à l’Égalité des genres le reçoit par trois fois avant d’être nommée vice-Présidente de la Commission en 2019 ; selon elle, « les valeurs d’Open Society sont au cœur de l’action de l’UE ». L’autrichien Johannes Hahn, Commissaire à l’Élargissement et à la politique européenne de voisinage, se félicite des « efforts joints » entrepris avec Soros pour « accélérer les réformes et les sociétés ouvertes dans les Balkans et l’Europe de l’Est ». De New York à Bruxelles, c’est Home Sweet Home pour l’ami George.
Voici trois définitions du terme “réseau“ tirées de l’encyclopédie Larousse 1982 :
1. Ensemble formé de lignes ou d’éléments qui communiquent ou s’entrecroisent de façon plus ou moins complexe ou régulière.
2. Ensemble organisé dont les éléments, dépendant d’un centre, sont repartis en divers points.
4. Organisation clandestine dont les membres, travaillant en liaison les uns avec les autres, poursuivent une action commune.
Synthèse :
Soros est le centre d’un réseau primaire constitué des éléments qu’il finance et dirige explicitement, soit en son nom propre, soit au titre des Fondations Open Society, ou autre.
Un réseau secondaire de grosses ONG « partenaires » « considérées comme nos alliées », dont la gouvernance est partagée entre divers instituts privés ou publics, est décrit dans le document “Alliance globale pour la Société Ouverte“ de 2008 :
. International Crisis Group.
. Human Rights Watch
. Media Development Loan Fund (Renommé MDIF).
. Southern Africa Media Development Fund
. Vera Institute of Justice
. Center for Public Integrity
. Transparency International
. Penal Reform International
. Médecins sans Fontières, AIDS
…
En outre, il octroie des aides financières à une myriade d’organisations (plus de 199 selon cette liste), dont le degré d’affiliation informelle est variable et difficilement traçable ou lisible (voir exemple d’Avaaz ci-dessous). Elles forment un réseau d’appui potentiel, qui peut agir de manière indépendante, ou pour le compte d’autres organes donateurs (« Stiftung » allemandes, ministères nationaux, diverses institutions étatiques type USAID, fondations Bill&M Gates, B&Hillary Clinton, Ford, Rockefeller…), ou selon des objectifs plus spécifiquement sorosiens.
Leur capacité d’action est renforcée par les subventions publiques pour leur qualité d’utilité publique ou l’adhésion aux « valeurs d’Open Society ». Plus ou moins acquis à la cause, un nombre important de citoyens y travaillent : de la base de la société civile aux sommets décisionnaires, George Soros couvre un large spectre.
L’action commune du maillage formel est tendue vers la « Société ouverte », tout en servant des visées géopolitiques qui dépassent le simple cadre sociétal. Dans quelle mesure ce cadre est-il un prétexte aux visées globales, pas seulement de Soros, mais du microcosme dans lequel il baigne, c’est là toute la question.
Avaaz – Anatomie d’un entonnoir à citoyens
L’entreprise « d’activisme en ligne » Avaaz est co-fondée en 2006 par les directeurs de Res Publica, « un groupe mondial de plaidoyer citoyen », et MoveOn, pionniers du militantisme internet et de la collecte de dons pour les candidats du Parti Démocrate. Moveon signifiait en 1998 « tournons la page » des gâteries sexuelles du viril président Clinton, et du mensonge sous serment qui s’ensuivit, à une époque où le parjure ne saturait pas le quotidien de nos gouvernants.
En 2004, c’est le manque de tact de l’alcoolique repenti Bush Junior, recueilli par une famille de faucons néo-conservateurs, qui fait déborder le vase du camp démocrate ; il est urgent de mener les guerres avec discrétion. Dans le branle-bas de combat général, un jeune ambitieux de 23 ans, Eli Pariser, est nommé directeur exécutif de MoveOn, au moment où George Soros abreuve de dollars la cellule militante pour faire tomber G. Bush Jr, sans succès.
Deux ans plus tard, Eli Pariser est dans l’équipe fondatrice d’Avaaz, généreusement propulsée par l’Open Society qui lui versera, via Res Publica, 1,25 million de dollars de 2007 à 2009, comme en attestent les déclarations fiscales de la Fondation pour la promotion de l’Open Society, consultables ici, là et ici en page 87. Reconnaissante, Avaaz confère à la fondation le statut de « partenaire fondateur ».
Après 2009, bien lancée, Avaaz revoit sa trésorerie et annonce qu’elle « est financée à 100% par des petits dons en ligne provenant de nos membres », ce qui permet à la responsable Nell Greenberg d’affirmer que son « mouvement a été conçu avec l’idéal d’être complètement autonome et démocratique ».
Entre l’idéal et la réalité, il y a un gouffre ; sa profondeur se mesure d’abord au pedigree du club des 7 fondateurs-administrateurs d’Avaaz, qu’il suffit de décliner à la marge.
Issus de Res Publica :
Ricken Patel, Directeur exécutif Avaaz: Nommé en 2012 “Young Global Leader“ par le FEM de Klaus Schwab à Davos. Le canadien Patel et a été consultant pour l’International Crisis Group (partenaire officiel de l’Open society), pour les fondations Rockefeller et Gates, les Nations unies, et le Centre International pour la Justice Transitionnelle, en Sierra Leone, au Liberia, en Afghanistan, au Soudan.
Tom Perriello : Diplomate pour les États-Unis de 2014 à 2016, envoyé spécial en Afrique. Nommé en 2018 Directeur exécutif de la Fondation Open Society États-Unis.
Issus de MoveOn:
Jeremy Heimans : Chef exécutif de purpose.com, avatar d’Avaaz qui « construit et soutient des mouvements pour faire avancer la lutte pour un monde ouvert, juste et habitable ».
Eli Pariser : Il est également membre du Conseil d’administration de accessnow.org, « le nouveau mouvement global pour les libertés numériques », aux côtés de Chris Hugues, co-fondateur de Facebook. Mais le plus intéressant est sa grande discrétion quant à son rôle dans l’Open Society, qui n’apparait ni dans sa fiche Wikipedia, ni sur son CV édité sur son propre site. Il faut dénicher les rapports d’activité de la fondation, sur des sites annexes, pour constater qu’il est membre très actif du Bureau des programmes américains des Fondations Open Society, depuis 2013 (ou avant) jusqu’à 2016 (ou plus tard).
Eli Pariser y est présenté comme Chef exécutif d’Upworthy, où l’on retrouve Chris Hugues, un site d’apparence anodine mêlant sujets “people“ et sujets graves ; leur traitement superficiel à dominante suggestive et confuse, évoque un laboratoire de communication expérimentale, qui s’inscrit fort bien dans le thème abordé dans cette réunion Open Society : « Changer la structure de persuasion politique à l’ère digitale ».
Le management d’Avaaz étant intimement lié aux cercles de pouvoir du parti démocrate, le risque de voir Avaaz pousser des initiatives contrariant sa politique est absolument nul, d’autant que la plateforme n’offre aucune possibilité à ses “membres“ (il suffit de signer une pétition pour être membre à vie) de communiquer entre eux. Les actions majeures d’Avaaz sont donc contrôlées par le sommet, qui investit des millions de dollars dans certaines campagnes revendicatives, et met en avant les causes qu’il choisit.
Avec Tom Perriello et Eli Pariser, George Soros dispose de deux représentants directs de l’Open Society au sein d’Avaaz, ce qui lui octroie non seulement un certain contrôle, mais une capacité d’initiative potentielle.
À la lutte récurrente pour la préservation des abeilles se juxtaposent des actions hautement stratégiques et faussement consensuelles, telles que la campagne pour interdire le survol de la Libye par les avions de Khadafi en 2011. Vu d’en bas, quoi de plus pacifiste et altruiste que d’empêcher de bombarder « des civils » ? Tom Perriello, fervent supporter du Président Obama, puis candidat Démocrate aux sénatoriales de 2010, ne pouvait ignorer la teneur politico-guerrière de cette mesure :
Déploiement dissuasif des armes (de l’OTAN) avec l’aval du Conseil de sécurité de l’ONU;
Risques de déstabilisation. Le chaos total libyen consécutif était prévisible.
En tant que pilier du mouvement des Non-alignés, puis promoteur de la souveraineté des pays africains (projet d’une monnaie africaine…), Khadafi était la bête noire des États-Unis depuis les années 70. Tout citoyen cultivé sait cela, à fortiori Perriello.
Il n’était peut-être pas au courant des mensonges associés, ou de la violation ultérieure de la résolution de l’ONU (l’OTAN finira par bombarder illégalement les troupes de Khadafi), mais pour sûr, les cadors d’Avaaz savent la valeur de leur propre « objectif démocratique simple : réduire l’écart entre le monde que nous avons et le monde voulu par la majorité d’entre nous ».
Difficile de scruter ainsi les centaines d’ONG financées par Soros, mais une chose est sûre : un investissement au bon moment, avec les personnes adéquates, rapporte gros en contrôle des foules.
La Société « Ouverte », recyclage des vieilles lanternes
Sans surprise, la société « ouverte » embrasse les revendications libertaires les plus en pointe, de la libéralisation des drogues jusqu’aux choix sexuels, transsexuels, non binaires… seulement voilà, au pays de l’oncle Soros, la profusion des mouvements LQBTQIA+ se juxtapose désormais à une régression sans précédent du droit des femmes, le droit à l’avortement étant aboli ou restreint dans une vingtaine d’États. La société américaine est-elle pour autant une société « close » ?
Le philosophe Karl Poppers, dont l’essai “La société ouverte et ses ennemis“ illumina les pensées du jeune loup de Wall Street, écrivait en 1945 : « … la civilisation ne s’est pas encore pleinement remise du choc de sa naissance – le passage de la société tribale ou « close », avec sa soumission aux forces magiques, à la « société ouverte » qui libère le potentiel critique de l’homme. »
Dans son livre “Opening the Soviet system“, Soros paraphrase Poppers :
« Le mode de pensée traditionnel ne reconnaît pas de distinction entre le monde social et la loi naturelle : la trame sociale y est considérée comme définitive, tout aussi inaltérable que le reste de l’environnement de l’homme. Par conséquent, le point de référence dans une société close est toujours le “Tout“ social et non les individus qui le composent. »
Soros ne cible pas les tribus du fin fond de l’Amazonie, c’est donc ce qu’il en persiste dans les sociétés actuelles qu’il faut chercher. Ainsi, l’opposition à l’avortement puise-t-elle dans une certaine morale religieuse en lien avec ces « lois naturelles ». Cependant, ce cas de figure n’éclaircit pas sa pensée, puisque son grand ennemi le système soviétique, qu’il considère gravement fermé, était de ce point de vue en avance sur son temps, ayant légalisé l’interruption de grossesse dès 1920, puis ré-autorisée en 1955 après l’interdiction de 1936. Aux États-Unis, ce n’est qu’en 1973 que la Cour Suprême l’avait décriminalisée sur tout le territoire.
En d’autres termes, la « distinction entre le monde social et la loi naturelle » n’est pas strictement une affaire de rationalité, ce à quoi Soros n’apporte aucune réponse directe. Autre argument repris à Poppers, les sociétés « closes » porteraient en elles le germe des totalitarismes, raison de plus pour les bousculer :
« L’unité d’une Société sans changement est comparable à celle d’un organisme. Les membres d’une société sans changement sont comparables aux organes d’un corps vivant.[…]. Un paysan diffère du prêtre autant que l’estomac du cerveau ». [Extrait de Opening the Soviet system, 1990].
À Cuba, grand ami de l’Union Soviétique, combien de fils et filles de paysans sont devenus médecins ?
« Dans une société sans changement l’individu en tant que tel n’existe pas du tout ; de plus, le Tout social n’est pas une idée abstraite qui s’oppose aux idées des individus mais bien une unité concrète qui embrasse tous ses membres ». [Ibidem].
Si l’on admet ces assertions, se pose alors la question des critères de jugement pour décréter que telle société serait dans un état de clôture critique. Il y a fort à parier qu’un sondage dans le public occidental placerait la Syrie en début de liste. Soros est assez discret sur le théâtre syrien, mais sa contribution plus ou moins directe est indiscutable, par le truchement de Human Rights Watch et Avaaz, notamment.
D’où vient le peuple syrien ?
3300 ans avant JC, les Sumériens ancêtres des syriens inventent l’écriture cunéiforme, ce « système graphique [qui] forme à la fois le substratum et le prélude de la culture intellectuelle des nations », construisant des villes comme Palmyre au moment où les tribus d’Europe battent le fer dans les villages, loin des villes inexistantes.
Les échanges commerciaux (chers à Soros) entre les bassins méditerranéen et mésopotamien favorisent la tolérance (chère à Soros) religieuse de toutes obédiences.
De la période du Protectorat français de 1920 à 1946, ils conservent, outre un certain brassage de cultures, une structure étatique de type « République arabe » avec système électoral et Constitution garantissant la liberté de culte.
L’Université publique et gratuite comptait en 2008 un demi-million d’étudiants dont 49% de femmes, base d’une classe supérieure souvent bilingue (arabo-français) ou trilingue, d’un centre de recherche (très performant en cancérologie) détruit par les bombes de l’OTAN…
On pourrait décliner tous les terrains opérationnels de l’Open Society, pour arriver aux mêmes conclusions : le critère de société « close » ou « ouverte » est éminemment relatif, et tout juge auto-proclamé s’expose au délit d’ethnocentrisme.
Le concept sorosien se vide un peu plus de sa substance quand il s’égare dans sa version positive :
« La société ouverte, selon ma définition, est une société imparfaite qui reste ouverte à l’amélioration. Elle est source d’espoir et de créativité, quand bien même elle est constamment en danger et quand bien même l’histoire est pleine de déceptions. » [La vérité sur la crise financière, 2008].
« … la société ouverte n’est pas une communauté dans le sens traditionnel du terme. C’est une idée abstraite, un concept universel ».
George Soros la décrit également comme le royaume de l’esprit critique, et y ajoute « deux piliers jumeaux de [sa] propre philosophie, la faillibilité et la réflexivité». Ces deux termes pompeusement qualifiés de philosophiques, qu’il applique autant à la finance qu’au domaine socio-politique, recèlent des truismes résumables en une ligne :
Faillibilité : Errare humanum est. Le magnat-philanthrope n’est pas un prophète, et agit en pleine conscience de ses failles.
Réflexivité : L’action d’une entité (vivante ou instrumentale) sur une chose modifie la chose, ce qui en retour réoriente l’action de l’entité sur la chose, et ainsi de suite.
Lisons tout de même la prose originelle : « Il existe une double connexion entre les opinions des acteurs politiques et les situations auxquelles ils participent. D’un côté leurs points de vue sont transformés en événements ; de l’autre côté, les événements influencent leurs opinions. J’appelle la première connexion la fonction participative, et la seconde la fonction cognitive. La perception et la réalité sont ainsi connectés par une double boucle de rétroaction que j’appelle la réflexivité ».
La boucle de rétroaction est une technique de régulation vieille comme l’industrie, qui consiste, par exemple, à mesurer la puissance de sortie d’un générateur pour ajuster en continu la production d’énergie du générateur (en fonction d’une consigne, i.e. d’un bouton de réglage).
George Soros se plante lamentablement en parlant de « double boucle », là où il n’y en a qu’une : par erreur (« faillibilité » d’inculture), il transforme mentalement les deux bouts d’une boucle (“connexions“) en deux boucles.
La boucle de contre-réaction est dite négative pour un effet régulateur, et positive pour un effet d’emballement.
Exemple :
Macron augmente les taxes => Les Gilets Jaunes se rebiffent => Castaner castagne => Les GJ se révoltent…
Soros n’a pas inventé la poudre, les gouvernants gèrent ces « boucles » depuis des lustres. L’analogie gagnerait en pertinence dans une logique cybernétique de contrôle ou d’ingénierie sociale (théorisée dans les années 1950), appliquée à une masse d’individus connectés à internet (la chercheuse Antoinette Rouvroy parle de « gouvernementalité algorithmique »), mais les écrits de Soros datent de plus de 30 ans.
Au bilan, la société ouverte est faillible, imparfaite, critique, « source d’espoir et de créativité », c’est-à-dire, surtout, « une idée abstraite ». En la déclarant « concept universel », George Soros montre que sa conception de la démocratie rejoint, au mieux, celle de l’empereur Auguste.
Les droits fondamentaux n‘ont, eux, rien d’abstrait, et s’ils se rapprochent d’un fragile caractère universel, c’est sous la forme et le fond de la Déclaration universelle des droits de l’homme, adoptée en 1948 à l’Assemblée Générale des Nations Unies, par les 58 pays membres moins deux refus et six abstentions, précisément sur contestation du caractère universel de la déclaration.
Au four et au moulin – L’activisme intégral de George Soros
Muni de son « idée abstraite », le dit philanthrope se place aussi bien au chevet d’un syrien réfugié en Grèce, lui fournissant des cours de langues et une assistance légale, qu’aux sommets des stratégies atlantistes où se trament les affaires, les ententes, les mésententes et les guerres, que ce soit, naturellement, au sein du Council on Foreign Relations (CFR), antre officieuse d’élaboration de la politique étrangère des États-Unis depuis 1921, ou au sein de son avatar européen créé en 2007, l’ECFR, où il fait figure de parrain, puisque l’Open Society en est une initiatrice majeure, et que Soros en manque rarement les rencontres annuelles ; il y tient un rôle central et singulier d’orateur, comme en 2010,…, 2016, 2018, 2019, 2020, ou se mêle à des panels de spécialistes répondant à des questions brûlantes, du type « Quel ordre européen après l’Ukraine ? », en 2015 à Bruxelles.
Cette vue panoramique sur le monde est offerte au tout-venant grâce à des créations médiatiques, où l’esprit critique s’exprime sans contrarier les élites atlantistes. Le “Project Syndicate“ diffuse ainsi, à travers « 503 plateformes », les analyses « de politiciens, universitaires, businessman et activistes des six continents » traduites en quinze langues différentes, où écrivent régulièrement des analystes comme Jeffrey Sachs, ou des pointures telles que Klaus Schwab ou George Soros ; présenté sans rire comme une « mission de service public », le site affiche en tête de liste de ses mécènes, l’Open Society.
Illustration par la chronologie de l’intervention en Libye.
À la mi-février 2011, la chaine qatari Al-Jazeera, secondée par l’AFP, répand les rumeurs de « bombardements indiscriminés », de « massacres » et de « mercenaires » sanguinaires envoyés par Kadhafi contre les civils libyens. À l’exception d’un ancien directeur de la DST, les services de renseignement (MI6, CIA, DST, BND…) ne contredisent pas ces allégations qui se révèleront essentiellement fausses ; cependant ils savent trop bien, ainsi que George Soros en toute logique, que la Libye, dangereusement riche (pétrole, 350 tonnes d’or dans les coffres…), projetait des plans d’alliances africaines susceptibles de contrarier le pillage des ressources minières et pétrolières par les prédateurs occidentaux.
L’idée de « stopper les attaques des forces du régime [de Kadhafi] contre les civils » est validée par l’ECFR le 25 février 2011, dans un plan d’action très offensif adressé à « l’Europe » par divers membres du think-tank, dont le conseiller d’État britannique Daniel Korski. Le lobbying monte en puissance, et il ne faut pas dix jours pour qu’Avaaz annonce, dès le 5 mars, que « 500k messages » ont été envoyés aux Nations Unies pour les presser à voter une interdiction de vol des avions de Khadafi sur son territoire. Dans la lancée, le Project Syndicate offre une tribune au Secrétaire d’État John Kerry le 11 mars, qui s’adresse à un public conquis pour plaider, en bon samaritain, une « No-Fly zone » qui sera décidée le 17 mars au Conseil de sécurité de l’ONU, ainsi qu’un cessez-le-feu général, bien moins intéressant pour Obama et l’OTAN, qui violeront la résolution en envoyant quelques tonnes de bombes dès le 9 septembre 2011, et en continuant probablement d’armer les islamistes anti-Khadafi.
Ce n’est bien sûr qu’une chaine parmi d’autres dans le processus de persuasion. Soros n’est pas vraiment un décideur, c’est un grand céréalier qui alimente cet écosystème décisionnel capable d’engendrer froidement le prévisible et meurtrier chaos libyen, source de l’embrasement terroriste dans la région du Sahel et de la dramatique flambée de migrations et noyades en mer. De par son statut ostentatoire de sage de l’ECFR, il cautionne ses orientations et ses injonctions.
D’aucuns pourraient d’ailleurs dire qu’il en assume sa part de responsabilité, lorsque ses réseaux délivrent des services aux réfugiés. Par exemple, l’ONG grecque SolidarityNow, membre du « Réseau Européen Open Society », est créée en 2013 au moment où la Grèce est à genou mais pas encore laminée, et où l’afflux d’africains passés par la Libye au sud, et de syriens arrivant par l’est, est en pleine croissance. Face à la « la double crise du pays » SolidarityNow adresse « la détresse socio-économique et l’accueil d’un grand nombre de réfugiés/immigrants », par un soutien juridique, social, psychologique et familial « en coopération avec la municipalité d’Athènes et les ONG PRAKSIS, ARSIS », avec l’apport de subventions européennes.
Comme Soros le dit si bien, il aime à se placer dans des situations « loin de l’équilibre », parfaites en l’occurrence pour tisser des liens avec les associations locales anciennes telles que ARSIS et Praxis, et y instiller subtilement son idéologie.
On ne peut pas ici ne pas parler du détestable slogan du « Grand remplacement », lancé par Renaud Camus en 2010, réalisant l’exploit d’annihiler d’un coup de crayon la substance de ce qu’il dénonce.
Immigration et Hypocrisies
Allègrement reprises par Marine Le Pen, et désormais incarnées par le candidat Zemmour, les conceptions de Renaud Camus sont d’une actualité brulante. Il affirme « que les grandes vagues de l’immigration maghrébine datent du milieu des années soixante-dix du vingtième siècle, et que la reconstruction proprement dite était alors pour la plus grande part achevée. »
Ce pseudo-constat est FAUX. Dès 1946, l’immigration en provenance d’Algérie est intense. La proportion d’immigrés portugais n’égale celle des algériens qu’à partir de 1972, et les deux commencent à décroitre dans les années 1980, au moment où les grands ensembles péri-urbains ont été construits. Le flux de marocains accélère dès 1962.
Pour Camus et ses adeptes, il s’agit de nier la contribution positive des maghrébins (“donc“ des musulmans), affectés aux tâches les plus pénibles, à la reconstruction du pays.
En effaçant le caractère économique de cette immigration, facilitée par la proximité géographique et linguistique (la diffusion de la langue française est un acquis positif de la colonisation), il laisse planer l’hypothèse d’une « invasion » planifiée et vengeresse, nommée « contre-colonisation », par les pays en voie d’émancipation (Algérie au premier chef), et surtout, enterre la réalité principale : cependant que la France se fait le refuge de nombreux migrants d’Afrique, elle exploite, aux côtés d’autres pays occidentaux, ses richesses minières, fossiles, portuaires, agricoles (…), et empêche le développement d’une industrie locale autonome, soit par déficit de coopération constructive, soit par manigances pour placer des dirigeants favorables aux intérêts français de court-terme.
C’est aujourd’hui particulièrement vrai pour l’Afrique de l’Ouest, ce qui se traduit par les dynamiques de déplacement de population actuelles (voir courbe bleue ci-dessus).
En d’autre termes, la composition multi-ethnique de la population française est le miroir direct des politiques extérieures de nos dirigeants, appliquées depuis des décennies voire des siècles, et acceptées de manière passive ou active par les français qui ne se sont pas soulevé contre les gouvernements successifs. Les quartiers « sensibles », c’est autant « eux », que nous.
Renaud Camus préfère mentir outrageusement plutôt que d’affronter la réalité : « L’Empire français, dans la plupart des cas, a duré moins d’un siècle. Quand il a pris fin, les pays qui lui étaient soumis ont recouvré ou obtenu pour la première fois leur indépendance, et du jour au lendemain ils ont été maîtres chez eux,… ».
Il convient de préciser que celles et ceux qui luttent contre la Françafrique et l’exploitation postcoloniale, français de gauche radicale généralement, sont ceux qui participent le plus à l’accueil des personnes arrivant sur le territoire, bien souvent sans-papiers, sans l’aide de Soros. C’est une attitude cohérente, humaine et responsable.
Les épisodes récents des ingérences en Libye et Syrie, où les États-Unis et le Royaume-Uni sont à la manœuvre, et la France à la remorque, peuvent être qualifiées de nouvelles guerres coloniales par procuration, couplées aux objectifs de domination atlantiste. Le chaos, l’insécurité, la guerre et la précarisation consécutifs poussent les populations à fuir.
À cette aune, les ONG sorosiennes d’aide aux migrants font office de pansements dérisoires dans un océan de souffrances, délibérément provoquées par le camp atlantiste dans lequel George Soros joue un rôle clé.
Dans la lignée de Renaud Camus, certains veulent ériger des frontières hermétiques, défendant leur propre idée de ce que doit être “le“ peuple – français en l’occurrence. Dans la lignée de George Soros, d’autres veulent fluidifier la circulation d’humains en exil forcé, confondant l’hospitalité des contrées d’arrivée avec l’entretien des tuyauteries d’arrivage. Dans tous les cas, la cause première n’est jamais abordée de front : celle d’une géopolitique guerrière, dévolue au sauvetage d’un système ultra-“libéral“ en perdition, amoral, prédateur et ultra-inégalitaire.
Ainsi, la dernière Première ministre italienne Giorgia Meloni est-elle capable de dénoncer « ceux qui ont bombardé la Libye » et engendré le « chaos d’immigration illégale », pointant d’un doigt courroucé la France de « Macron », tout en oubliant l’acteur principal, l’OTAN… qu’elle jure de soutenir en armant l’Ukraine ; au-delà de la démagogie, le néant.
C’est donc en toute sérénité que George Soros, à travers le CFR, l’European Council on Foreign Relations (ECFR), l’International Crisis Group ou la Commission européenne, s’immisce dans les stratégies belliqueuses atlantistes.
Casque lourd et dollars – Soros sur tous les fronts
Le magnat doit-il sa fortune à sa prodigieuse intelligence et à ses théories (pas vraiment convaincantes) de la reflexivité et de la faillibilité, ou bien à son entre-gens dans les hautes sphères états-uniennes ? Il est douteux en tout cas, que son entreprise de déstabilisation de la livre sterling, en 1992, n’ait pas eu quelque aval politique ; le milliard de dollars qu’il en tire est une aubaine pour ses ambitions tournées, à ce moment-là, vers les pays d’Europe de l’est, la Hongrie dès 1986, mais aussi l’Ukraine en 1990.
Le jeune Soros aiguise ses crocs dans une banque d’Edmond de Rothschild, qui lui fournit la mise de départ en 1969 pour créer Quantum Fund, un fonds spéculatif enregistré dans un paradis fiscal hollandais, cogéré par divers investisseurs dans l’opacité la plus totale ; en bref, ce que l’on sait de la fortune “de“ George Soros et de ses méthodes, n’est que la pointe d’un iceberg à protubérances multiples.
En 1993, George Soros investit 100 millions de dollars dans le groupe Carlyle, un an après la nomination à sa tête de Franck Carlucci, ex-Secrétaire d’État à la Défense, c’est-à-dire en plein virage du fond d’investissement en direction du complexe militaro-industriel. Si les guerres peuvent rapporter, pourquoi se priver ?
Le fracas de la mitraille ne l’effraie pas trop, puisque c’est en pleine guerre d’indépendance de Croatie (1991-1995) qu’il installe en 1992 son Institut Open Society de Croatie, émanation de la Fondation Soros Yougoslavie établie en 1991 à Belgrade. Le sociologue Paul Stubbs relate : « En Serbie, l’hostilité ouverte envers la Fondation [Soros Yougoslavie] a commencé lorsque Soros a signé une pétition appelant à des frappes aériennes contre les forces serbes pour mettre fin au siège de Sarajevo. La Fondation a été interdite par le régime de Milošević, par une décision de la Cour constitutionnelle qui a révoqué son enregistrement, en février 1996 ».
Désintégration de la Yougoslavie – Un cas d’école.
Pour comprendre comment les O“N“G Soros s’inscrivent dans la dynamique yougoslave, il faut remonter à 1982, deux ans après la mort de Tito. Pas tout à fait remis de la crise pétrolière, endetté à hauteur de 20 milliards de dollars, le pays « a complètement perdu son accès aux marchés financiers internationaux » et se retrouve pris dans les filets d’austérité du FMI et de la Banque mondiale ; Ronald Reagan promet illico de veiller à « promouvoir l’évolution vers une structure économique yougoslave efficace, axée sur le marché ».
Suite à la visite du Premier ministre yougoslave Anton Markovic à Washington, en 1989, la véritable “thérapie“ du choc est enclenchée : privatisations, procédures de faillite accélérée des entreprises déficitaires, prise de contrôle des usines par les créditeurs étrangers, concurrence accrue par la baisse des protections douanières, casse de l’État providence et de l’autogestion socialiste des entreprises… En fin d’année 1990, le PIB chute de 7,5%, l’industrie lourde (chimique, équipement, raffineries, électricité) est moribonde, plus de 20% des emplois industriels ont disparu, l’appauvrissement est brutal.
Le pouvoir fédéral de Yougoslavie – constitué de six républiques populaires (Serbie, Monténégro, Croatie, Slovénie, Bosnie-Herzégovine, Macédoine) – ne peut plus jouer son rôle de redistribution vers les régions moins dotées, ni assurer le pacte social socialiste (qui a toujours eu un pied à l’est et l’autre à l’ouest), il n’a plus aucune marge de manœuvre pour maintenir la cohésion nationale.
Tout est prêt pour l’implosion, d’autant que sous le patchwork ethnique et religieux couvent des animosités issues de la seconde guerre mondiale, où le cœur de la résistance antinazie se situait en Serbie orthodoxe, alors qu’en Croatie catholique les factions Oustachi menées par le fasciste Ante Pavelic avaient constitué un État avec le soutien d’Hitler. Avec une cruauté effroyable, la milice oustachi a massacré plusieurs centaines de milliers de serbes, juifs et roms, avant de tomber aux mains des serbes en 1945. Certains affirment que les franges nationalistes héritées des oustachis ont été soutenues par l’occident en prévision des guerres d’indépendances, mais ils en donnent peu de preuves ; néanmoins, l’Histoire laisse à ce sujet peu de doutes, pour qui prend le temps de remonter son cours.
Le prêtre Krunoslav Stepjan Draganovic, bien implanté dans les milieux du Vatican, officia au sein du « Bureau de la colonisation » du pouvoir croate pro-hitlérien, de 1941 à 1943.
Il est ainsi décrit par un agent de la CIA (page 20 de ce rapport) : « Le père DRAGANOVIC est considéré comme un criminel de guerre par de nombreuses personnes. Il a porté l’uniforme de colonel des oustachis. Après la guerre, il a fait évader un criminel de guerre notoire d’un camp de prisonniers américain. Cette déclaration est basée sur le témoignage sous serment de témoins oculaires et sur des rapports des services secrets britanniques ».
En tant qu’organisateur de la “ratline“, filière d’exfiltration des nazis de tous bords vers l’Amérique latine via le Vatican, Draganovic est suivi à la culotte par les services de renseignement américains (CIC, CIA…), sans être jamais inquiété ; il aurait même travaillé pour la CIA jusqu’en 1962 ou 1967. Dans une réunion secrète tenue à Buenos Aires avant 1949, il est fait état de « 1300 croates passés en Argentine », et Draganovic y affirme qu’« il y a environ 25 000 croates en Allemagne, Autriche et Italie ».
Le Centre Robert Schuman pour les études avancées a publié un travail édifiant sur la diaspora croate, qui retrace le parcours des élites et seconds couteaux oustachi au Canada et aux États-Unis, de San Francisco à New York en passant par Chicago où est implanté le Mouvement de Libération Croate (HOP), créé en Argentine par le leader fasciste Ante Pavelic lui-même. Dans une lettre aux pays membres de l’OTAN écrite en 1957, le génocidaire impuni propose, tranquillement, les services du HOP pour la lutte anti-communiste, vantant l’expérience des « forces armées croates en exil » en matière de « combat militaire anti-partisans ». C’est en Allemagne de l’Ouest que l’effervescence est la plus forte, avec trois groupes nationalistes menés par des anciens oustachis, lesquels se font concurrence pour intégrer dans leurs rangs les jeunes yougoslaves qui émigrent, pour raisons économiques, dans les années 1960/70 :
Le HNO de Pavelić, et sa branche paramilitaire HOS.
La Résistance Nationale Croate, organisation paramilitaire dirigée par Maks Luburić, superviseur des camps de concentration oustachis, dit le « Himmler croate » ou « Max le boucher ».
Le Comité National Croate dirigé par Branko Jelić ; des trois groupes, c’est le « plus modéré » et marginal.
Ces organisations « ont contribué à radicaliser les nouveaux émigrés, en les bombardant d’une rhétorique extrémiste sur la nation croate, l’État yougoslave et leur antagonisme réciproque », jusqu’à recourir parfois au « chantage et à l’extorsion » financière des émigrés. Le recrutement porte ses fruits, puisque plusieurs attentats à la bombe et assassinats de diplomates yougoslaves seront perpétrés en Europe, ainsi qu’un kidnapping à Chicago en 1978. En résumé, les élites oustachis les plus compromises dans le génocide sont réfugiées aux Amériques et en Espagne franquiste, avec la bienveillance des autorités d’accueil qui, très probablement, gardent bien au chaud ces anti-communistes influents en attendant le moment opportun ; côté Europe et Allemagne en particulier, la base nationaliste est clairement opérationnelle au moment de la chute du Mur.
C’est donc tout sauf un hasard si le futur président de la future Croatie indépendante, Franjo Tudjman, se rend au Canada dès 1987, où il rencontre la crème de la diaspora, dont Gojko Šušak, de père et frère ex-officiers oustachis, qu’il nomme Ministre de l’Émigration en 1990, puis Ministre de la Défense de 1991 à 1998. Juste avant de créer le parti “Union Démocratique Croate“ (UDC ou HDZ) en 1990, il publie un essai de révisionnisme historique, où il relativise les atrocités du camp de la mort oustachi de Jasenovac, connu (pas assez) sous le nom d’ “Auschwitz des balkans“, que Franjo Tudjman requalifie de « “camp de travail“ avec beaucoup de terrain et d’ateliers », marginalisant le caractère idéologique, raciste et sadique des crimes de masse perpétrés de 1941 à 1945, et en minimisant leur ampleur par des ré-estimations au doigt mouillé.
Tudjman s’assure ainsi le soutien des nationalistes les plus fanatiques, avant, pendant et après la guerre civile, puisqu’en 1998 encore, le vice-Président du parti HDZ, Andrija Hebrang, se charge de disculper le tortionnaire en chef de Jasenovac, Dinko Sakic, alors planqué en Argentine, qui ne serait qu’« une victime des circonstances historiques ». Les crimes de Sakic sont décrits par le menu dans le New York Times.
Un collectif serbo-américain explique l’articulation du nationalisme croate avec la Bosnie :
« La commune d’Odzak [de Bosnie] était, pendant la Seconde Guerre mondiale, le bastion le plus solide de l’oustachisme et du fascisme […]. Fidèles à leurs ancêtres, les membres de l’Union Démocratique Croate [HDZ] dans la région d’Odzak ont commencé à menacer publiquement et à intimider les serbes locaux dès 1990. Les provocations et le harcèlement des Serbes dans les villages de la commune d’Odzak ont commencé immédiatement après la création des partis nationaux des Croates et des Musulmans… ».
Djoko Goranic, âgé de 55 ans, livre son témoignage : « Des slogans et des symboles oustachis ont été dessinés sur la route du village… et sur les portiques des maisons serbes […]. Il ne fait aucun doute que tout a été organisé en lien avec la direction du parti HDZ et la direction de l’État de la République de Croatie. La violence dans les bars de nuit, aux carrefours et dans les villages serbes de la région de la commune d’Odzak était destinée à attiser la tension et la psychose de la guerre, tâche principale des fanatiques du HDZ, dont les hooligans et les criminels d’avant-guerre étaient les meneurs, faisant en sorte que la guerre de la Croatie se propage le plus rapidement possible en Bosnie… ».
La terreur atteint le point de non-retour en avril 1992, lorsque les civils serbes des communes d’Odzak, cherchant à fuir les oustachis et les extrémistes musulmans bosniaques, sont capturés et internés à Odzak, Bosanski Brod, Slavonski Brod et Orasje : « Il est difficile de décrire tout ce qui s’est passé dans ces lieux de torture pour serbes et encore plus difficile de faire la synthèse des documents et témoignages des orgies criminelles oustachis. En bref, dans ces camps, …, le but était l’anéantissement psychologique, physique et biologique de l’entité serbe de la région de Bosanska Posavina ».
[L’ensemble des témoignages terrifiants, très précis, avec noms des victimes et tortionnaires désignés, lieux et circonstances, ont été compilés par le “Comité de recensement des crimes contre l’humanité et les lois internationales“ (Odzak, camp de concentration de Celebici, liste des camps « pour serbes »…), ou dossiers déposés à l’ONU, dont celui du 2 juin 1993, référencé A/48/177 S25835, ou celui du 6 aout 1993 de référence A/48/299 S26261].
RETOUR À SOROS
C’est en 1989 que George Soros fait son apparition à Belgrade, par l’entremise de la radio d’opposition B92, qu’il finance aux côtés de l’USAID, l’Agence des États-Unis pour le développement international. Après dix ans de thérapie du choc, subie sans grande résistance par les successeurs de Tito, la Yougoslavie est au bord du gouffre économique et social, et les velléités séparatistes se débrident. Le politologue américain T.W. Carr donne sa vision des faits (emphase ajoutée) :
« À la fin de 1989 et tout au long de 1990, des armes ont afflué d’Allemagne en Croatie pour équiper les unités de la milice. Après que le parti HDZ (Union Démocratique Croate) eut pris le contrôle du Sabor [parlement Croate] lors des élections multipartites du 30 mai 1990, le président élu Tudjman a formé le Corps de la Garde nationale (ZNG). En fait, le ZNG n’était pas une force « nationale » au sens où on l’entend, mais plutôt l’aile militaire ultra-nationaliste et néo-oustachi du parti politique HDZ de Tudjman, de la même manière que les « chemises brunes » des années 1930 constituaient l’avant-garde du Parti national d’Hitler ».
La nouvelle Constitution relègue « ostensiblement les Serbes, les Juifs, les Tziganes et les Musulmans à un statut de seconde zone », et est immédiatement traduite par « la discrimination à l’égard des Serbes ».
« L’un des changements les plus sinistres a été l’émission, pour chaque Serbe identifié en Croatie, d’une nouvelle carte d’identité comportant le chiffre 3 comme huitième chiffre du numéro d’identité. Le chiffre 3 est ainsi devenu pour les Serbes l’équivalent croate de l’étoile de David de l’Allemagne nazie. »
« Un rapport officiel de l’ONU rédigé par le secrétaire général Boutros Boutros-Ghali indique que plus de 250 000 Serbes ont été chassés de Croatie et que des milliers d’entre eux ont été tués en 1991 et 1992 par les opérations de nettoyage ethnique menées par les Croates ».
Mais que vient faire Soros dans cette galère ? La réponse n’est ni triviale ni univoque. Nous sommes sûrs d’une chose, c’est que les vérités brutales décrites dans ce chapitre, incontournables et indéniables dans les grandes lignes, sont quasiment inconnues du grand public ; l’appareil politico-médiatique occidental a parfaitement assuré son travail de contrôle, auquel l’Église Catholique a prêté main forte, répandant la vision idyllique d’une Croatie « démocrate anticommuniste alignée sur les valeurs occidentales, la culture et l’économie de marché ».
Dissimuler la réalité aux yougoslaves, à fortiori aux serbes, est une autre paire de manche. Pour cela, les outils sont la diversion, la marginalisation des sujets qui fâchent, les promesses du jardin d’Éden occidental… George Soros n’investit pas dans les médias et la formation des journalistes par altruisme démocratique. Au-delà des médias, il travaille les domaines clés de la société, avec discrétion s’il le faut. Ainsi, lorsqu’à Belgrade se développe un mouvement populaire dans les milieux d’étudiants pacifistes, le philanthrope ne peut rester indifférent. Selon des fuites sorties par WikiLeaks en 2012, ce mouvement, mené par le groupe nommé Otpor! (i.e. Résistance!) qui « a fait tomber Milosevic», était « financé par Freedom House, l’Institut Républicain International, National Endowment for Democracy [NED], Open Society Institute, USAID… ».
Ce rapport est issu de Marko Papic, agent serbe de l’agence de renseignements privée Stratfor, si influente aux États-Unis que la presse parle de « CIA privée ». En outre, l’« assistance » d’Otpor! par la « NED et d’autres organisations » est reconnue par le Congrès américain, afin de servir « la cause de l’humanité ».
Il vaut donc la peine de commenter quelques passages du petit manuel révolutionnaire “Comment faire tomber un dictateur“, écrit en 2015 par le prosélyte voyageur d’Otpor!, le serbe Srdja Popovic :
« Et puis, tout changea. Après la mort de Tito et l’effondrement de l’Union soviétique la Yougoslavie se fragmenta en une série de petits États. En 1989, la Serbie, sous l’impulsion de Slobodan Milosevic et de ses sbires, troqua la vision internationale de Tito contre une interprétation xénophobe de l’histoire ».
« Je parlais aux syriens des guerres de Milosevic et je leur montrais une image cadavres de musulmans bosniaques déversés en vrac dans des fosses communes ».
Qu’il parle de Syrie, d’Ukraine ou de Yougoslavie, le professionnel de la « non-violence » Srdja Popovic, qui enseigne son expérience dans les pays instables – sous la bannière Canvas désormais -, déblatère la même rengaine hollywoodienne ; tous les maux de la terre sont imputables à des tyrans omnipotents (Assad, Poutine, Milosevic…), et tout ce qui contredit le scénario officiel est évacué d’un coup de crayon. Ce serait juste grotesque s’il ne passait sous silence, par le même geste, les tortures et exactions massives subies par ses propres compatriotes.
« À l’époque, sauf à se brancher sur une radio indépendante comme B92 à Belgrade, vous n’entendiez sur les ondes serbes que le turbo folk et les discours de guerre. C’était déprimant ».
Où l’on retrouve la radio financée par l’USAID et Soros, qui, visiblement, entre deux bons vibes de rock, ne diffuse pas des nouvelles de guerre trop choquantes pour les oreilles sensibles d’Otpor! et d’ailleurs.
« Le slogan “Il est fini“, dans sa simplicité, suffisait pour que toute personne voulant un avenir sans Milosevic nous rejoigne. Ce dont nous avions besoin, c’était d’un message, et non pas des dix-neuf plates-formes distinctes des partis d’opposition ». [Page 203]
« Comment Otpor! est-il organisé ? D’où Otpor! tire-t-il son argent ? La réponse que nous recommandions était : « Otpor! est un mouvement sans leader… Otpor! est financé par la diaspora serbe et par des gens ordinaires qui veulent vivre libres ». [Page 94].
« Les membres d’Otpor! étant à l’époque les types les plus cools de la ville, tout le monde s’attendait à ce que nous laissions tomber l’activisme au moins pour une nuit… ». [Page 226].
Zoran Didic, l’ « ami et mentor » de Srdja Popovic, devient Premier ministre de Serbie en 2001.
« Un ami à moi, Boris Tadic… allait devenir président de la République de Serbie [en 2004] ». [Page 228].
Srdja Popovic tente de faire passer Otpor! pour une organisation libre et autonome, au prix d’incohérences flagrantes. L’allégeance des managers d’Otpor! se lit dans la destinée de son collègue Jovan Ratković, qui, après avoir « coordonné » la campagne anti-Milosevic, sera invité en héros à Washington, pour sa contribution à la chute du « dictateur » Milosevic par voie électorale, puis nommé par le Président Tadic conseiller pour les relations avec l’UE et… l’OTAN – une fonction très « cool! ».
Pour approcher un peu plus le cœur de métier de George Soros, il faut revenir en arrière, lors des initiatives pacifistes des années 1991/92 initiées par des femmes de Belgrade, les Women in black notamment, inspirées d’un mouvement israélien (manifestations, oppositions aux conscriptions militaires, actions solidaires avec les régions…).
Le Mouvement de résistance civile (MRC) les rejoint le 29 février 1992, s’érigeant en défenseur des citoyens yougoslaves, « quel que soit le nombre de pays formés sur le territoire », promettant « des droits égaux aux droits des citoyens des pays de la Communauté Européenne », avec une déclaration signée par quarante intellectuels, artistes et sportifs, parmi lesquels :
Sonja Licht, Directrice de la Fondation Soros Yougoslavie, puis Open Society Serbie. Sociologue.
Vladimir Milčin, Directeur de la Fondation Open Society Macédoine. Directeur de théâtre et enseignant.
Zdravko Grebo, Directeur de la Fondation Soros en Bosnie. Professeur de Droit.
Nataša Kandić, Directrice du Humanitarian Law Center en Serbie, financée par l’Open Society. Sociologue.
Guner Ismail, ministre de la Culture de Macédoine dès fin 1992. Éditeur & journaliste.
Gestion des ressources humaines
Les employés et bénéficiaires de George Soros sont aussi ses yeux et ses oreilles, présents aux moindres recoins des mouvements sociaux, souvent recrutés dans les milieux universitaires ou d’influence ; ils sont les parfaits vecteurs de son principe de « réflexivité », prenant la température à un bout de la boucle, et injectant de l’autre quelques revendications indolores : dans la déclaration du MRC, la « Communauté européenne » tombe comme un cheveu sur la soupe de la guerre civile en cours, à laquelle s’ajoute l’indifférence affichée quant à la préservation d’une quelconque unité au sein du territoire yougoslave, deux visées fort compatibles avec le couple USAID-Soros.
Le sociologue Paul Stubbs, anglais vivant en Croatie, a interrogé pour une étude universitaire les employés des fondations, restés anonymes à l’exception de Sonja Licht : « Soros a entendu parler de moi… par les membres actifs de la Fondation hongroise car j’ai beaucoup travaillé avec les cercles dissidents…». C’est elle qui a « formé le Bureau », par sélection de représentants de chaque région de Yougoslavie, qui deviendront après son éclatement les têtes de chaque officine Open Society. Sonja Licht est la personne de confiance, bien connue des réseaux et services hongrois de Soros, où il a installé sa fondation dès 1986, mais aussi l’ Université d’Europe Centrale au cœur de Budapest.
Sonja Licht recrute alors au sein du groupe UDJI, qui envisageait une « communauté de citoyens et d’entités fédérales », partiellement composé d’intellectuels « associés à l’École Praxis », active à Belgrade dès 1968, et proche de l’École de Francfort. Cette dernière, menée par les philosophes Adorno et Hockenheimer (favorable à la guerre du Vietnam), est connue pour sa critique du consumérisme capitaliste couplée à un anticommunisme assez virulent pour s’attirer la sympathie de la CIA, qui laissera publier les articles d’Adorno dans trois revues financées par la CIA.
En somme, les personnalités sont choisies pour monter des structures Open Society crédibles aux yeux de la gauche social-démocrate yougoslave, sans qu’elles présentent aucun danger pour les ambitions américaines. Un responsable macédonien peut ainsi affirmer que « Chaque fondation nationale du réseau avait son intégrité et son indépendance locales », décidant des « priorités » sans interférence du Bureau New Yorkais. En outre, les dirigeants connaissent forcément les lignes rouges à ne pas franchir, et leur salaire, de « sept fois celui d’un professeur d’université » dans le cas croate, invite à l’autodiscipline, sans compter le fonctionnement en « réseau », qui nécessite une coordination haut niveau des antennes locales, peu ouverte aux initiatives subalternes.
Selon les termes du sociologue Paul Stubbs, les « acteurs clés des fondations » engagés dans de « multiples groupes… couvrant un large spectre antinationaliste et des droits de l’homme, comme les Comités d’Helsinki pour les droits de l’homme », constituent des « réseaux imbriqués ». En toile de fond du tableau idyllique, se dessine une stratégie d’occupation de l’espace social fort utile pour des activités déclarées ou non déclarées. Ainsi, quand la fondation Open Society de Bosnie-Herzégovine « investit environ neuf millions d’euros dans les médias » entre 1994 et 2000, dans une région assommée par la guerre civile, « une somme énorme » des dires mêmes de l’employé, les réseaux imbriqués se révèlent essentiels pour former et recruter efficacement les éditeurs et journalistes adéquates des chaines, radios et journaux proclamés “indépendants“, établir des programmes touchant les populations, et instiller la désinformation si nécessaire.
Depuis 2004, le BIRN, ou Réseau d’Investigation et Reporting des Balkans, s’affiche comme « un vivier de journalistes qualifiés » implantés au Kosovo, en Albanie, Bosnie-Herzégovine, Macédoine du Nord, Roumanie et Serbie, « également présent sur le plan éditorial en Grèce, Bulgarie, Croatie, Moldavie, au Monténégro, en Ukraine, République tchèque, Pologne, Slovaquie, Hongrie et Slovénie » ; plusieurs millions d’euros y affluent chaque année par la voie de divers ambassades et ministères occidentaux (USA, GB, Hollande, Norvège…), par l’UE, l’USAID, la NED, plusieurs fonds allemands (“Stiftung“), et bien sûr, les Open Society locales.
[ Pour évacuer tout doute quant au travestissement caricatural des faits produit par la machine médiatique sur la Yougoslavie, et s’armer de discernement sur les conflits récents ou en cours, lire aux éditions du Cygne, le livre-témoignage du juriste et sociologue Frédéric Delorca, “L’ingérence de l’OTAN en Serbie“, qui s’est rendu à Belgrade au moment des faits ].
Subversion rime avec discrétion
C’est en périphérie des plateformes Open Society que se logent les activités les plus subversives. Une organisation d’envergure est le Fond pour le droit humanitaire, également appelée Humanitarian Law Center (HLC), fondé en Serbie en 1991 par Nataša Kandić, signataire du “Mouvement de résistance civile“ (voir plus haut).
On ne trouve sur son site officiel aucune trace des contributions de l’Open Society, qui apparaissent in extremis sous la mention de « bienfaiteur » du HLC dans une archive du Bloomberg BusinessWeek, où l’on apprend que Nataša Kandić dirigeait en 2005 « un staff de 70 avocats », dévolus à la traque des criminels. Si la grande dame avait voulu cibler les criminels de guerre croates ou bosniaques, elle aurait établi un bureau à Zagreb ou Sarajevo, où ils vivent paisiblement, mais elle s’est contentée de Belgrade et Skopje. L’objectif ultime est d’envoyer les accusés à La Haye, au Tribunal Pénal International (CPI) pour l’ex-Yougoslavie.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que Nataša Kandić n’a pas que des amis, en Serbie.
À l’été 2008, des activistes visitent « l’employée principale de Soros », et lui remettent « les récompenses bien méritées pour son inlassable activité anti-serbe: une large croix gammée en fer et un écriteau marqué « Les Serbes ont aussi des droits humains » ». Menées par le mouvement “1389“, nationaliste et orthodoxe conservateur, ces protestations ne reflètent pas forcément l’opinion majoritaire en Serbie ; creusons un peu.
Interviewé par Paul Stubbs, un membre de l’Open Society serbe admet que lui et ses collègues étaient « accusés d’être des traîtres rémunérés, des espions, mais jamais accusés de malversations financières ». Ce sont précisément des documents comptables, obtenus en 2016 par le journal Informer, qui révèlent l’ampleur de l’emprise financière occidentale sur diverses ONG dont le HLC (contactée par la rédaction, Nataša Kandić n’a pas démenti).
Au palmarès des donateurs du HLC, l’Open Society (Otvoreno drustvo, en serbe) est vainqueur avec 300 000 dollars sur 20 mois, au côté de la fondation Rockefeller qui donne 80 000 $ en 2014 ; en dons publics, la Commission européenne est la plus généreuse avec un cumul de 227 000 €, devançant les 52 000 $ de la NED américaine ; l’ONG suédoise “Civil Rights Defense“ bénéficie des subventions du Ministère des Affaires étrangères suédoises, mais aussi « des fondations Open Society » et de la NED, reversant 51 500 euros au HLC, selon le principe des vases communicants.
Gros donateur de 240 000 livres sterling, le fond Sigrid Rausing, basé au Royaume-Uni, est dirigé par l’héritière suédoise du même nom, qui siège aussi au Conseil d’administration de la géante ONG Human Rights Watch, poulain et partenaire officiel de l’Open Society. Madame Rausing tient également place au Conseil consultatif de la Coalition pour la Cour pénale internationale, évidemment soutenue par Soros, laquelle agit à La Haye comme un méga-lobby veillant à ce que tout se passe “bien“ à la CPI.
La frontière entre les donateurs gouvernementaux et privés est effacée par l’imbrication des motivations géopolitiques et économiques. Ces millions de dollars déversés par la Corporation public-privé du Monde libre ont permis, il est vrai, de condamner un certain nombre de militaires et paramilitaires serbes coupables de crimes de guerre ; inversement, l’hyper-sélectivité des crimes prépare l’opinion publique, par exemple aux bombardements massifs de la Serbie par l’OTAN en 1999, infrastructures civiles lourdement ciblées, trois mois durant, bombes à uranium appauvri comprises.
Le HLC de Nataša Kandić a déposé de nombreuses plaintes auprès du Bureau du procureur pour les crimes de guerre de la République de Serbie (OCWP), appliquant une pression constante pour que des militaires et politiques serbes soient arrêtés et jugés. Ces actions civiles peuvent être louables, mais aussi nécessaires pour forcer l’État serbe à laisser la justice suivre son cours.
Cependant, le difficile chemin vers une justice équitable est coupé net par un obstacle monumental : l’acharnement du camp atlantiste à concentrer sur les serbes tous les maux de la guerre civile. En tant que bonne élève de cette doctrine monomaniaque, Nataša Kandić va à rebours de l’objectif affiché, à savoir la réconciliation entre les peuples d’ex-Yougoslavie.
Sa partialité s’exprime de manière flagrante par l’absence, dans les bilans publiés de Nataša Kandić, de toute dénonciation de la scandaleuse impunité dont jouissent la grande majorité des criminels de guerre croates et bosniaques. Pire, dans son rapport de 2016, qui n’a d’yeux que pour « l’inefficacité de l’OCWP [Tribunal serbe ad-hoc] » à juger les serbes, elle a l’outrecuidance de faire apparaitre le commandant musulman bosniaque Naser Orić, accusé de crimes de guerres répétés et sadiques, dans deux notes de bas de page exemptes de toute mention de ces accusations.
Sur son site HLC et dans la presse, la présidente distribue les points des verdicts et délibérations, selon une logique téléphonée : si des présumés criminels serbes sont acquittés ou reçoivent une sentence moins lourde qu’elle ne l’espérait, c’est que la procédure judiciaire s’est mal déroulée.
Concernant le meurtre de 49 personnes durant la guerre du Kosovo en 1999, Kandić juge la décision du tribunal serbe « injuste pour les victimes », seuls trois exécutants serbes ayant écopé de 20 ans, 15 ans et 13 ans de prison ; elle déplore l’acquittement d’un officier de police, malgré « la déclaration du témoin Marjan Krasniqi qui affirme l’avoir vu conduire un camion chargé de cadavres… ». Le HLC donne des avis en langue anglaise, sans jamais traduire les verbatim d’audiences serbes, malgré les millions de dollars reçus : dans ce cas, le lecteur ne peut se faire sa propre opinion de la fiabilité d’un témoignage unique, rarement accepté pour établir la culpabilité.
Par contre, lorsqu’exceptionnellement, un croate est arrêté en Serbie et jugé coupable de crimes de guerre contre civils, Nataša Kandić passe du plan victimaire au plan légaliste, clamant avec regrets que « le citoyen croate [quoique yougoslave au moment des faits, ndlr] aurait dû être jugé en Croatie ».
La Haye – Fenêtres sur Cour
Pour lever toute ambiguïté sur l’attitude missionnaire de Nataša Kandić, un voyage éclair s’impose au plat pays néerlandais, où la CPI héberge le Tribunal Pénal International pour l’ex-Yougoslavie.
Penchons-nous d’abord sur le « Cas Orić », qui traite des « meurtres et traitements cruels » en violation des « lois et coutumes de la guerre » perpétrés dans la région de Srebrenicza par les unités militaires musulmanes de Bosnie-Herzégovine, desquelles Naser Orić serait l’un des principaux instigateurs. L’acte accusatoire de mars 2003 liste ses fonctions notables :
8 avril 1992 :Chef de la police du district de Potocari, près de Srebrenicza.
17 avril 1992 :Commandant de la Défense Territoriale de Potocari
20 mai 1992 : « Appointé » commandant de la Défense Territoriale de Srebrenicza par le « Staff de crise » du territoire.
1er Juillet 1992 : Nommé membre de la Présidence de Guerre en tant que Commandant de la Défense territoriale de Srebrenicza.
« Tous les actes et omissions allégués dans le présent acte d’accusation ont été commis entre le 10 juin 1992 et le 20 mars 1993. »
Extrait du jugement prononcé par le juge Agius en 2006 :
« Au printemps 1992, des groupes de combat avaient été formés sur des bases territoriales et les chefs locaux ont été choisis pour leurs qualités personnelles, telles que le courage et la performance. En conséquence, un certain nombre d’entre eux, dont Akif Ustić, Hakija Meholjić, … et Ejub Golić… ont affirmé leur indépendance dès les premiers jours du conflit et ont persisté dans cette attitude… ».
COMMENTAIRES : À la lecture de ces quelques lignes, toute personne informée, tout citoyen serbe sain d’esprit, comprend qu’il y a anguille sous roche au long des rivages de La Haye, où baigne nonobstant le fier laurier couronnant le logo de l’ONU.
1/ LES DATES. Comment les juges ont-ils pu borner la plage des crimes « entre le 10 juin 1992 et le 20 mars 1993 », alors que l’accusé Orić, comme ils le précisent eux-mêmes, débute son activité paramilitaire dès le 17 avril, et la prolonge jusqu’en 1995 ? C’est un mystère, car les crimes les plus traitres ont eu lieu au mois de mai 1992, alors que les villageois serbes n’avaient pas eu le temps de s’organiser, pour au moins tenter de se défendre. De multiples témoignages très précis attestent de ces attaques et incriminent précisément Naser Orić ou ses troupes, spécialement à des jours de fête Orthodoxes, St George, St Pierre…
La limite haute du 20 mars 1993 précède d’un mois l’intervention des casques bleus de la FORPRONU, dont la mission était de démilitariser Srebrenicza et prévenir tout conflit entre soldats bosniaques à l’intérieur, et l’armée yougoslave à l’extérieur. En fait, le désarmement des forces musulmanes bosniaques a été un fiasco complet (et très suspect), ce qui leur a permis d’effectuer des attaques de villages serbes en périphérie de la ville, de 1993 à 1995. Cet épisode louche et honteux, dénoncé par des officiers casques bleus eux-mêmes, cause de multiples crimes de guerre, est opportunément évacué par le Tribunal.
2/ Les « QUALITÉS ». Quand de surcroit, les juges se prennent pour les avocats de Naser Orić, affirmant que les chefs militaires sont sélectionnés par leurs « qualités personnelles, telles que le courage et la performance », l’odeur de roussi emplit les salles feutrées de la CPI.
Il se trouve que les « performances » des acolytes de Naser Orić cités par le juge, ont été consignées en 1993 par l’ambassadeur de Yougoslavie auprès de l’ONU, dans le document dument référencé A/48/177.
Voyons d’abord Akif Ustić, qui « selon certaines sources est l’adjoint du commandant Naser Orić ». Parmi ses performances alléguées, il a « brûlé vifs quatre citoyens serbes à Oparke », le 1er juin 1992 ; dans sa tendre enfance, il a « torturé son camarade de classe Radosav Andric », ce qui ne s’invente pas.
Au courage, les procureurs peuvent déjà ajouter la qualité de sadique désaxé.
Hakija Meholjić est impliqué dans le meurtre de « quatre personnes âgées » le 14 mai 1992, mais aussi celui d’un député bosniaque, c’est-à-dire qu’il a pu directement contribuer à l’escalade vers la guerre civile.
Meholjić est un « activiste de la SDA », le parti musulman nationaliste, fondé en 1990 par Izetbegovic, qui dirige alors la “République de Bosnie-Herzegovine“.
Au courage et au sadisme, le critère optionnel d’appartenance au parti s’ajoute au processus de sélection des chefs.
On hésite à s’esclaffer ou pleurer quand le juge Agius plaide que ces chefs de guerre « ont affirmé leur indépendance dès les premiers jours… », en conséquence de leur « performance… » : ce faisant, il évacue la question hiérarchique (les braves agissant pour leur propre compte) et disculpe gratuitement la chaine de commandement, en particulier Naser Orić, mais aussi les élus locaux et régionaux de la SDA qui ont les moyens policiers et administratifs de coordonner les attaques des villages serbes.
Le rapport serbe délivré à l’ONU nomme une trentaine de militants et élus de la SDA et quelques « musulmans extrémistes », suspectés d’être les « organisateurs du génocide contre le peuple serbe ».
!! Ne pas confondre cette accusation de génocide avec le verdict du tribunal de La Haye qui conclura au génocide de Srebrenicza perpétré entre les 13 et 19 juillet 1995 par des unités militaires serbes contre les musulmans bosniaques en captivité.
3/ Le CONTEXTE.
Les juges font une autre impasse majeure : l’auto-proclamation d’indépendance par les autorités bosniaques est reconnue par l’UE le 6 avril 1992, soit deux jours avant l’affectation de Naser Orić à la tête de la police de Potocari.
[ Bien qu’Orić soit natif de Srebrenicza, il avait quitté la région et vivait à Belgrade au moment de sa nomination très opportune].
Sachant que Naser Orić admet lui-même qu’il est « petit-fils d’oustachi », ce qui constitue un solide gage de confiance pour le leader du SDA Izetbegovic, qui avait collaboré après 1943 au sein des “Jeunes Musulmans“ avec les oustachis croates, le tribunal avait toutes les raisons d’enquêter sur ses responsabilités dès avril 1992.
En faisant démarrer l’histoire au 10 juin, voilà ce que les procureurs de la CPI n’ont pas vu, ou voulu voir : une organisation politique, civile et militaire qui a pu planifier des massacres contre des populations essentiellement serbes, souvent sans défense, à un moment où des solutions pacifiques étaient encore envisagées, y compris par de nombreux musulmans modérés de Bosnie.
Corollaire.
La performance de la justice “internationale“ était écrite à l’avance : Naser Orić est condamné en 2006 à deux minuscules années de prison, puis acquitté et blanchi par le verdict d’appel de 2008.
La présidente de l’ONG humanitaire, Nataša Kandić, ne peut ignorer le contexte décrit ci-dessus. Elle ne pouvait décemment applaudir ces décisions de justice, risquant la lapidation dans les rues de Belgrade, ni porter la critique contre les procureurs et juges de La Haye, risquant sa carrière offerte sur un plateau par la Coalition atlantiste, et par Soros en particulier ; elle s’est donc astreinte à un silence intégral sur la caricature du procès “Procureur v. Orić“ – un silence lourd, pesant, épuisant à porter pour toute personne dotée d’une conscience.
Pour parfaire le tour d’horizon, et récompenser les chers lecteurs qui ne nous ont pas encore quittés, nous ne pouvions pas ne pas montrer qu’elle sait s’exprimer, Madame Kandić, lorsqu’une fois n’est pas coutume, les juges de La Haye se targuent d’un verdict qui déplait à ses patrons.
Contre toute attente, le 31 mars 2016, à l’issue des audiences du “Cas Sešelj“, le professeur de droit et chef du Parti Radical Serbe Vojislav Sešelj est acquitté des neuf chefs d’accusation portés contre lui, et recouvre la liberté après plus de 11 ans – tout de même – de détention préventive à la prison de Sheveningen. Insolent, arrogant, provocateur, donneur de leçons, pourfendeur de la CPI, et par-dessus le marché, nationaliste radical, il était pourtant le candidat idéal pour une bonne grosse condamnation.
L’ONG titre le lendemain, avec la photo ad-hoc, et le drapeau en berne :
« Cas Sešelj: En temps de guerre, les lois sont caduques ».
Ce titre fait subtilement référence au temps des Romains, « qui disaient cela pour justifier leurs conquêtes sanglantes et les meurtres de leurs adversaires politiques lors des guerres civiles », dixit Mme Kandić. Pour mieux dépeindre Sešelj en conquérant sanguinaire, elle reprend la citation tronquée d’un discours adressé aux croates vivant en Serbie : « Nous n’allons pas nous mettre à vous tuer, bien sûr. Nous allons simplement vous fourguer dans des camions et des trains, et vous laisser vous débrouiller à Zagreb ».
Qui n’a pas lu l’introduction à ces violents propos, « nous allons expulser les Croates, en exerçant le même droit que Tudjman a exercé pour expulser les Serbes », ne sait pas que c’est une réponse, certes vengeresse et incendiaire, au nettoyage ethnique qui a lieu au même moment, avec des milliers de Serbes affluant de Croatie vers Belgrade, fuyant précipitamment le danger avec quelques valises, d’où la conclusion de Sešelj :
« On vous donnera même les adresses des maisons et des appartements serbes abandonnés, et vous pourrez vous y installer, elles sont encore meublées et tout et tout. Et d’ici, vous pouvez prendre avec vous… tout ce dont vous avez besoin ».
Nous ne faisons ici que rappeler des faits incontournables ; pour se faire une idée plus globale, le verdict du juge français Antonietti, président de la Chambre qui a statué l’acquittement de Sešelj, est accessible en vidéo et transcription.
Fabrique à témoins
Le Cas Sešelj nous en apprend des vertes et des pas mûres sur la production perverse de témoignages, au sein de l’usine judiciaire de la CPI où s’épanouit Nataša Kandić. Le juge Antonietti lui-même n’en revient pas, à tel point qu’il en fait un argument du verdict (emphase ajoutée) :
« La Chambre a admis en preuve les déclarations écrites préalables en faveur de l’Accusation par des témoins qui se sont ensuite partiellement ou totalement contredits lors de leurs dépositions. […] De même, le Témoin VS-061, sur lequel l’Accusation s’appuie beaucoup, n’a pas été persuasif. Il a été pris plusieurs fois à défaut et a dû reconnaître de graves omissions et affabulations dans sa narration.Ces affabulations touchent à des questions aussi essentielles que le meurtre d’un Croate, Mijat Stefanac, que le témoin avait initialement présenté comme étantl’acte qui aurait déclenché la fuite des Croates. En contre-interrogatoire, il reconnaîtra que ce meurtre résultait d’un conflit privé dans un café… »
L’ingérence de Nataša Kandić n’est dévoilée qu’à cause d’une banale déposition de police, faite par un autre témoin du procès, le serbe Goran Stoparic, pour une autre affaire, dans le pays X où il s’est réfugié avec le soutien financier et légal accordé par la CPI aux témoins protégés. Durant le procès Sešelj, l’accusé, qui se défend sans avocat, procède à un contre-interrogatoire, le 24 janvier 2008 :
Vojislav Sešelj (VS) : « … Donc, Mme Natasa Kandić, à plusieurs reprises, vous a mis en contact avec les gens de l’ambassade américaine à Belgrade, n’est-ce pas ? »
Goran Stoparic (GS) : « Je me souviens d’une occasion. »
VS : « Mais vous, vous avez déclaré que c’était à plusieurs reprises ?»
GS : « Je me souviens à présent d’une occasion. Il se peut que j’aie eu souvenir de plusieurs occasions ».
Le témoin avoue même que la présidente du HLC lui a prêté les clés de son domicile, et qu’il y a séjourné ! Tout porte à croire qu’il a fait l’objet d’intenses préparations, briefé par les services américains et coaché par Kandić. Stoparic est un candidat idéal de l’Accusation, en tant que combattant serbe durant toute la guerre civile, et adhérent au Parti Radical Serbe de Sešelj avant qu’il n’en soit exclu.
Le résultat est assez pitoyable, puisqu’il oublie son texte d’une audience à l’autre, maniant des références historiques qu’il ne maitrise pas, confondant la Main Noire, groupuscule régicide en 1903, avec la Troïka Noire, organisation nationaliste serbe de la 2ème guerre mondiale. Plus grave, il ne se souvient pas de détails de sa déclaration écrite, où il affirme avoir vu Sešelj faire un « salut à la Hitler » dans un stade, ce qu’il finit par nier en bloc, comme s’il ne l’avait pas écrit ou dit lui-même.
Autre extrait :
VS : « Ensuite on vous a suggéré de signer une déclaration mensongère disant que les comités du Parti radical serbe, de manière organisée, avaient harcelé des citoyens d’appartenance croate à Sid et dans d’autres localités de Srem ?
GS. Des comités ? C’est peut-être un terme un peu trop important. Certains membres, oui.
VS . Mais qui leur a dit de le faire, qui leur a donné pour mission de le faire ?
GS. Je ne sais pas. Peut-être était-ce de leur propre chef [..].
VS . Mais, Monsieur Stoparic, je vois que maintenant vous changez votre déclaration. Vous dites que ce ne sont pas les comités qui organisaient ces harcèlements…
GS. J’ai dit que ça pouvait être de leur propre chef. Je n’étais pas présent à une réunion où on aurait donné pour mission cela.
VS. Mais dans l’interrogatoire principal, vous avez répété que vous échangiez les hommes d’un comité à l’autre et donc, qu’en tant que personne qui n’était pas connue de la population locale, on se rendait dans différentes localités pour harceler les gens ».
Les affirmations de Stoparic se dégonflent les unes après les autres, réduites à l’état de rumeurs, et quand il s’aventure à donner des noms, lieux ou dates, tout s’écroule. Ainsi de Jovica Stegic, agent immobilier serbe qu’il aurait connu en 1991 (impossible, il a fui Zagreb en 1992), qui aurait « sponsorisé » « à l’époque » une réunion de Sešelj (elle s’est tenue en 1993, lorsque Stegic était mobilisé à l’armée hors Serbie). Jovica Stegic ayant géré des échanges de biens entre serbes et croates, le témoin sous-entend que le parti de Sešelj aurait profité financièrement des déplacements de population. La déclaration de Jovica Stegic bat en brèches, preuves à l’appui, les allégations de Stoparic.
Kandić n’a pas attendu le procès pour produire des témoignages douteux. Dès 1992, elle mobilise plusieurs femmes croates et hongroises de la ville de Hrtkovci en Serbie, pour dénoncer la persécution qu’elles subissent des serbes pour les forcer à fuir. Dans un livre de contre-enquête très renseigné, qui ne fera l’objet d’aucune plainte en justice par Kandić, Sešelj met en pièces l’échafaudage érigé par Nataša Kandić. Si elle a bien manipulé ces témoignages, c’est gravissime, puisque cette affaire médiatisée à grands renforts de tambours, a contribué à attiser les tensions dans tout le pays. Un hongrois de Hrtkovci corrobore l’enquête : « Un jour, début 1992, une équipe de CNN est venue dans ma boutique, je les ai chassées et leur ai dit de ne plus mentir… Il y avait un groupe de plusieurs Croates dans le village qui a fait monter la tension et a convaincu les gens de partir… C’est comme ça qu’ils ont tellement fait peur à ma femme qu’elle était au bord de la dépression nerveuse et qu’elle voulait partir à tout prix…Les Croates qui sont partis étaient en fait ceux qui étaient membres du HDZ [parti de Tudjman]… ».
[ Note : Pour contourner la désinformation, les éditions en langue locale sont un passage obligé, même si les murs de propagande sont polyglottes. Concernant la traduction du serbe, Gogol reste le plus smart (deepL est parfait pour les autres). Les propos qui précèdent sont en page 134 du livre open source ].
Concluons par un dernier échange :
Sešelj : « …Le premier jour, lorsque vous avez commencé à témoigner, Natasa Kandić vous a envoyé un SMS, un message SMS ?
Stoparic : C’est ce que j’ai dit.
VS : Elle vous a demandé comment vous alliez, n’est-ce pas ?
GS : Oui.
VS : Ensuite elle vous a dit que les radicaux étaient en train d’installer le chaos en Serbie ?
GS : Oui.
VS : Quelle est la conclusion que vous avez tiré de ses propos ?
GS : […] Je pense que ce message devait être compris dans une signification qui est celle de pression exercée sur les témoins à venir.
VS : Attendez. Les témoins à venir, où était-ce une pression à votre égard, Monsieur Stoparic ?
GS : Si c’était un message ou une pression à mon égard, cela aurait pu me faire peur ».
Il n’est pas crédible que Mme Kandić, qui a d’abord nié ces envois interceptés (et interdits de par sa position), alerte le témoin de pressions réelles des « radicaux » du PRS, au dernier moment, au risque de l’inciter à édulcorer un témoignage si longuement préparé. La famille de Stoparic est d’ailleurs réfugiée incognito dans un pays occidental, avec des indemnités assez élevées pour qu’il ait pu y monter une entreprise. Ce qu’il risque, en cas de dérapage, c’est de perdre ces aides précieuses.
Cette phrase sibylline ressemble bien à une pression pour qu’il maintienne les allégations prévues, ou à un code préétabli.
Au regard des faits avérés précités, Natasa Kandić n’apparait plus comme la militante des droits de l’homme influencée par ses donateurs, mais comme une simple agente des services américains et européens, agissant avec le soutien, la contrainte et l’accord des agents d’ambassade, lors des situations délicates et stratégiques.
Quel est le rôle de George Soros dans ce cas précis ?
Mise à part l’importante contribution financière de ses fondations au HLC (12% des dons visibles sur deux ans selon Informer), son influence n’y est pas manifeste. Les activités sensibles et subversives de Nastasha Kandić semblent être essentiellement contrôlées par le cœur du pouvoir américain et de ses satellites.
« Soros » est pourtant le premier nom qui vient à l’esprit des serbes lorsqu’on parle du HLC, ce qui est finalement utile pour détourner l’attention des hautes sphères politiques.
On peut lister les apports des fondations Soros aux ONG telles que le HLC, comme suit :
. Un canal de financement moins compromettant que les subventions gouvernementales directes.
. L’arbre qui cache la forêt des politiques d’ingérence occidentales.
. Agents de liaison entre Pouvoir et ONGs ?
. Un réseau local qui alimente potentiellement en “matière première“ les réseaux secondaires ; en l’occurrence, par exemple, des témoins utiles pour les procès (il n’existe aucune preuve sur ce point), ou des informations de première main…
. La base de développement d’un vaste réseau d’influence et de médias soi-disant libres et indépendants, qui filtrent l’information et promeuvent les activités de ces ONG.
Point de vue éthique :
Soros adhère pleinement aux actions et à l’ethos du HLC qu’il soutient depuis sa création. Cette ONG est une brique essentielle de la construction d’une réalité radicalement faussée : criminalisation et culpabilisation à outrance du côté serbe, et victimisation dé-pénalisante du côté des alliés de l’Occident (croates, musulmans de Bosnie-Herzegovine…), très utiles pour déguiser l’OTAN en chevalier blanc lorsqu’elle bombarde la Serbie en 1999.
Sur cette base, le HLC prétend mener le processus de réconciliation entre les populations d’ex-Yougoslavie, à travers notamment le Projet RECOM, cofondé par le HLC et « managé par Nastaja Kandić ».
C’est comme d’essayer de reproduire la dynamique sud-africaine de Vérité et Réconciliation, après avoir craché sur les vérités qui vous dérangent. Un tel processus contrôlé ne peut porter ses fruits (véreux) que par lavage de cerveau des nouvelles générations, instruites par la négation de pans entiers de réalités historiques.
Dans le cadre de l’École nationale de justice transitionnelle, le HLC dispense à cet effet des formations où figure l’« exil forcé » de Hrtkovci, une fournée 2019 comptant vingt-cinq « étudiants en droit, en sécurité, en sciences politiques et histoire, des militants d’ONG, des journalistes, des apprentis juristes et des éducateurs [sic] en histoire ».
Les sociétés ouvertes à la Soros ne sont pas moins clôturées que les autres ; elles ne tiendraient pas sans le camouflage hypocrite des remparts et miradors érigés tout autour.
Modes opératoires
Affiliées au pater familia Soros, les fondations Open Society focalisent l’attention, donnant une teinte moins étatique aux réseaux d’organisations “non“ gouvernementales, qui pour la plupart servent un unique agenda politique et géostratégique.
En 2018, un collectif citoyen serbe écrit une lettre ouverte à l’Assemblée nationale, donnant une vision de leur impact global :
« Dans cette atmosphère, le peuple se voit confisquer sa liberté d’expression, alors que cette liberté est illimitée pour les défenseurs des intérêts étrangers issus des rangs des ONG ».
« À cause de l’action du secteur non gouvernemental qui se comporte comme une agence étrangère – aujourd’hui, en Serbie, c’est tout un appareil qui se substitue continuellement aux autorités de l’État serbe… ».
Les ingrédients qui ont amené à un résultat aussi totalisant sont :
. Le choc : Choc économique suivi du choc de la guerre civile facilitée et entretenue par des facteurs extrinsèques et intrinsèques.
. L’occupation : À comprendre au sens militaire, mais appliqué au domaine civil. C’est le rôle du Couple O“N“G + Médias (appelons-le “COM“), qui finit par saturer littéralement l’espace délibératif de la société visée. La déstructuration consécutive au choc libère de nouveaux espaces, qui sont instantanément investis par le COM, doté de moyens puissants et agissant selon un plan partiellement prédéfini.
. Le temps : Le COM s’inscrit dans un temps long, de l’ordre de la décennie, pour créer les conditions socio-politiques aboutissant, au moment opportun (kairos), au “regime change“, terme anglo-saxon qui désigne indifféremment une transition post-électorale ou un coup d’État.
Rôles spécifiques de George Soros et Open Society.
1. Plateforme locale de développement du COM.
2. Intermédiaire (non exclusif) entre les centres de pouvoir et le COM.
3. Participation active aux changements de régime.
4. Travail d’éducation et de formatage des esprits.
L’étude universitaire de Paul Stubbs nous offre encore des informations, à lire entre les lignes (emphase ajoutée) :
« En Bosnie-Herzégovine, Soros voulait à la fois offrir une aide directe et s’assurer que les organisations humanitaires internationales soient témoins des événements choquants qui se déroulaient ».
Elles auraient donc besoin de Mr Soros pour faire leur travail ! De fait, les ONG des droits de l’homme les plus actives sur le terrain, sont sous influence de Soros (graduée + à +++) :
. Human Rights Watch (+++)
. HLC, Humanitary Law Center (++)
. Comités Helsinki (+)
Et comme les ONG ne sont rien sans écho, les intrications affleurent au premier grattage : la « fondatrice » du grand réseau journalistique BIRN, Gordana Idric, a travaillé comme « directrice de recherche du Humanitarian Law Center [HLC] », ainsi que Human Rights Watch ! Dieu que le monde est petit, chez l’ami George…
Pour l’anecdote, la même Gordana Idric offrait au Monde Diplomatique de septembre 1995, un article sur l’endoctrinement scolaire des enfants de Croatie, Serbie et Bosnie, où sont jetés pêle-mêle des vérités et éléments de propagande, sans décodage, laissant le lecteur dans un état de confusion mentale avancée.
Sur les changements de régime :
Un membre de l’OSF serbe interrogé par Stubbs : « Bien sûr, nous n’avons jamais soutenu de partis politiques, parce que c’était dépasser les bornes. Mais nous soutenions le mouvement de résistance de différentes manières» ; l’un des rôles de l’OSF est de « créer une masse critique de gens susceptibles de pousser au changement démocratique ».
Paul Stubbs : « … l’Open Society Foundation était un acteur … à la fois « international« , faisant partie d’un groupe de plus en plus coordonné de donateurs étrangers travaillant au soutien d’acteurs clés de la société civile, et « national« , étant une plaque tournante pour les intellectuels hostiles au régime, dont certains jouaient un rôle clé dans les groupes créés au sein de la société civile pour apporter le changement et, en effet, par la suite, dans de nouveaux partenariats stratégiques de type « think tank » avec le nouveau gouvernement ».
L’objectif de renverser le gouvernement en place est donc totalement assumé par les acteurs de l’Open Society eux-mêmes ; que la fondation ait financé le « mouvement de jeunesse » Otpor!, et bien d’autres, en devient une banalité.
Question : N’est-il pas naturel d’aider un pays à se démocratiser, à fortiori si des forces vives locales sont mises à contribution ?
Réponses : Même dans le cas idyllique où la Coalition du “Monde libre“ aurait la sincère intention de promouvoir de libres pratiques démocratiques, sans chantage, un mur se dresse : le caractère intrinsèquement corrupteur de l’argent facile. Les millions de dollars déversés à quelques organisations choisies, dans des sociétés qui font face à une brutale paupérisation, ont par nature des effets pervers.
L’objectif d’éclatement de la Yougoslavie et d’affaiblissement maximal de ce qui pouvait en rester (i.e., un État fort non aligné sur l’UE et l’OTAN), s’est réalisé trop vite pour que l’apport des méthodes “soft power“ soit déterminant ; si Slobodan Milosevic eut pu gagner les élections de 2000 pour la présidence de Yougoslavie (moribonde mais encore existante), c’était suite aux bombardements de l’OTAN de 1999 qui ont revigoré son parti malgré les griefs croissants des serbes à son encontre. La défaite de Milosevic n’ayant été que partiellement provoquée, elle n’a pas spécialement exacerbé les frustrations au sein de la population serbe, déjà fort sceptique et désabusée.
En Ukraine, la Fondation Renaissance Internationale (IRF), installée par Soros en 1990, a eu plus de 24 ans pour placer ses pions, durant lesquelles elle « a soutenu 18,032 projets » pour « 55,000 activistes et organisations ».
C’est en deux étapes, la « révolution orange » de 2004, puis la « révolution de la dignité » de 2014, qu’un régime exclusivement tourné vers l’Occident y est installé. Les acteurs clé des évènements de décembre 2013 à février 2014 sont l’ambassade des États-Unis à Kiev, et les groupuscules et partis d’extrême droite, pourvoyeurs de militants aguerris au combat de rue, bénéficiant d’un soutien populaire, partiel et clivé, centré sur l’ouest du pays.
George Soros, « à peine revenu de la région », déclare à CNN le 25 mai 2014 que sa « fondation… joue un rôle important dans les événements qui se déroulent actuellement [en Ukraine] ».
Il assume donc sa participation active au renversement du pouvoir, tout en passant sous silence la nature du gouvernement établi trois mois auparavant, qui compte pas moins deux ministres issus de Praviy Sektor, i.e. Secteur Droit, un groupement à dominante paramilitaire nationaliste et fasciste (dont Sergei Kvit ministre de l’Éducation), plus quatre ministres, dont le vice-Premier ministre, issus du parti ultra-nationaliste Svoboda dirigé par l’antisémite antirusse Oleg Tiagnibok, adepte du salut nazi (ce n’est pas une rumeur, cette fois), mais aussi son ex-compère du parti Social-Nationaliste de consonance nazie, Andreiy Parubiy, nommé Secrétaire du Conseil National de Sécurité et de Défense, aux côtés de son adjoint Andreiy Biletskiy, un nazi pur jus, avocat de la « purification raciale de la nation » et du « IIIème Empire », pour ne pas dire Reich.
Les ukrainiens de l’est et du sud, d’engeance russe en majorité, qui connaissent parfaitement le fascisme russophobe qu’incarnent ces personnages, et contestent de plein droit la légitimité du gouvernement non-élu, se mobilisent pour exiger une solution démocratique, qui ne peut passer que par une fédéralisation des territoires, seule à même de garantir leur sécurité et leur liberté de conscience. Le 25 mai 2014, la réponse des nouvelles autorités, intransigeante, provocatrice, répressive et criminelle est déjà largement entamée.
[Lire ici notre analyse des Réalités fascistes de l’État ukrainien euromaïdan ; révolution et coup d’État n’étant pas toujours différenciables, vous y trouverez les éléments objectifs pour faire la part des choses ].
La trajectoire ukrainienne fournit la preuve définitive que la “démocratie“ promue par Soros, réputé homme « de gauche! », est essentiellement réduite à un argument de vente au service du système de domination atlantiste.
Sur la corruption des esprits et des structures
Les milieux culturels, artistiques et éducatifs sont les cibles privilégiées de toute entreprise de subversion.
L’entité Soros en Ukraine écrit : « Le soutien de l’International Renaissance Foundation [IRF] à la modernisation du système éducatif ukrainien au début des années 1990 a consisté à charger des éducateurs, des universitaires, des administrateurs et des groupes de la société civile à rédiger, à éditer et publier des centaines de manuels scolaires et universitaires, contribuant ainsi à transformer la manière dont ces matières étaient conçues et enseignées ».
Voilà une excellente occasion de s’immiscer dans les structures de production et de transmission des savoirs d’une nation, d’avoir une connaissance globale des contenus programmatiques, et d’établir des relations de confiance très utiles ; nous savons par exemple, que de nombreuses bourses de recherche sont offertes par les ONG, Open society comprises. Les élèves prometteurs bénéficient potentiellement de ces réseaux pour s’insérer dans les cursus universitaires, surtout s’ils optent pour les sujets d’études adéquates.
Entre l’étudiant qui désire faire sa thèse sur les liens amicaux alliant les peuples européens et ceux d’Ukraine, et celui qui se penche sur les liens ancestraux qui les lient aux peuples russes, nous savons bien aujourd’hui lequel a un avenir. Mais dans les années 1990 et 2000 où ces options étaient ouvertes, quelle influence a pu avoir l’IRF ?
Ce qui est sûr, c’est que l’IRF n’a pas moufté quand sont apparus dans les écoles et bibliothèques, après 2014, des livres d’histoire vantant des nationalistes ukrainiens coupables d’ignobles crimes de masse, lors de la deuxième guerre mondiale, contre les juifs, polonais et Roms. Dans le livre ci-dessous, coécrit par l’historien révisionniste en chef Volodymyr Vyatrovych, on voit Stepan Bandera dépeint en BD comme le valeureux chef de paysans résolus à se battre pour la « libération de l’Ukraine ».
En se bornant à la période 1930-1938, les auteurs esquivent le pire. Si George Soros ne connait pas encore le sort réservé à ses coreligionnaires juifs, le 30 juin 1941 à Lviv et ailleurs dans les jours et années suivantes, par les miliciens de l’OUN-B de Stepan Bandera, alors il est urgent qu’il consulte les archives ouvertes de la CIA et du procès de Nuremberg, ou bien la fiche wikipedia (et ses sources historiques) du chef militaire Roman Shukhevych, ou des idéologues de l’OUN-B Yaroslav Stetsko et sa femme…
Mais si l’homme n’est pas un imposteur, il le sait déjà, fermant les yeux au nom d’objectifs “supérieurs“, annihilateurs de toute morale et de toute mémoire, celle de père et mère comprise.
Nous ne parlons pas ici de quelques livres rangés dans une case, ni de faits divers d’un autre temps. Mûrement réfléchi, le conditionnement allie négationnisme historique, peurs et réconforts. Des livrets “OTAN“ sont distribués, où les petits enfants découvrent que « l’OTAN, c’est plus que la sécurité, c’est le soin et la responsabilité ».
L’endoctrinement par l’animosité anti-russe monte en crescendo depuis huit ans, pour aboutir à des scènes d’une pathologie historiquement éprouvée. Dans une école de Nikolaïev, lors d’un goûter organisé selon la chaine WM par les enseignantes et parents d’élèves, sont servies aux enfants des boissons « gratuites » estampillées « sang de bébés russes » !!???
Comme toujours, le conditionnement des foules commence par les médias. Il fallait construire l’ennemi commun, un ennemi extérieur, la Russie. L’IRF de Soros met en avant neuf réalisations, dont celle-ci : « Depuis 2014, la fondation fait partie des financeurs de Stop Fake, une initiative menée par deux professeurs d’université qui se consacre à la dénonciation des mensonges et des mythes sur l’Ukraine ». La vitrine twitter ne fait pas de mystère sur l’origine de ces « mythes » :
Créé le 2 mars 2014, soit 3 jours après la formation du nouveau pouvoir, le projet StopFake s’inscrit d’emblée dans un contexte de guerre médiatique, avant que le moindre embryon de guerre civile n’ait encore émergé. Sa contre-propagande propagandiste, relativement subtile, pratique le mensonge par omission à haute fréquence – ingrédient préféré des “fact-checkers“.
Cas d’école : En 2019, le parlement ukrainien annonce des festivités prononcées en l’honneur du « héros » de la nation Stepan Bandera, jusqu’à l’impression de timbres-poste et des cessions spéciales dans les écoles. Un journal « pro-Kremlin » s’appuie sur un document de la CIA pour dénoncer ses crimes. StopFake répond que « en fait, il n’y a pas de document CIA », car la CIA fait référence à un article de presse ; circulez, y’a rien à voir… Sauf que, dans le même document, les agents CIA de terrain en donnent, des indices.
Note de bas de page : « fasciste ou radical ? les deux ont été dits ». Dans son livre Hitler’s Shadow, le très académique historien américain Richard Breitman, spécialiste de l’Holocauste, est catégorique : « La faction de Bandera (OUN-B) était une organisation militante fasciste », qui « a poursuivi ses propres politiques de nettoyage ethnique complémentaires avec les objectifs allemands ».
StopFake lave plus blanc, citant un article ukrainien : « Après sa libération d’une prison polonaise » en 1939, Bandera « est encore arrêté par la Gestapo » en 1941 ; il a même proféré « des menaces » contre la chancellerie du Reich.
L’artifice, classique et pervers, relève du mensonge par allusion. Tout en omettant les diverses mentions CIA, dont la manuscrite, StopFake en donne une version manipulée par autrui (le journal ukrainien). Passe à l’as le fait que c’est la Wehrmacht (armée allemande) qui libère Bandera de Pologne (pourquoi donc ?) ; le lecteur imagine qu’il est persécuté par la Gestapo, alors qu’au contraire, les excellentes relations entre l’OUN de Bandera et le Reich sont attestées par divers rencontres à Vienne, dans les années 1930. La Gestapo arrête effectivement des chefs de l’OUN en aout 1941, suite à leur auto-proclamation de l’État d’Ukraine : la confiance qu’Hitler accordait à des nationalistes trop slaves pour être “aryens“, a atteint ses limites.
Bandera serait détenu dans le « camp de concentration de Sachsenhausen », il est en fait à côté dans l’aile de Zellenbau, réservée aux éminents détenus tel le Premier ministre Paul Reynaud. C’est d’ici que Bandera et quelques camarades envoient les « menaces » les plus connues, dans une lettre envoyée le 1er octobre 1943 à des célébrités SS comme Goebbels et Himmler. L’OUN-B réaffirme aux nazis sa « nouvelle contribution à la guerre pour le destin de l’Europe », et négocie l’apport de ses forces ukrainiennes selon des termes perçus, par les nazis, comme du chantage, à un moment où ils sont au pied du mur URSS. Les « menaces » très collaboratives de Bandera ne retarderont sa libération par la Gestapo que de dix mois.
[Notons que la “ nouvelle contribution“ répond au “pourquoi donc ?“ initial].
La réalité est une vraie pâte à modeler, quand on contrôle les médias – et que la réécriture de l’Histoire bat son plein depuis trente ans au moins, grâce aux universitaires motivés.
StopFake publie également des articles de fond, dans 13 langues différentes, sans jamais traiter le problème Bandera ; ils ne s’inquiètent donc pas de savoir si l’État ukrainien vénère un fasciste responsable d’atroces crimes de masse racistes, en dépit des conclusions convergentes de nombreux historiens de l’est comme de l’ouest.
Aujourd’hui, soleils noirs, croix gammées et salut hitlériens prolifèrent sur le front au point que CNN et Euronews ne tiennent plus le rythme de la censure… mais rassurons-nous, France 5 le tient encore, l’image de droite au drapeau leur a suffi.
En traduisant plus d’une centaine d’articles de la plateforme “Atlantic Council“, Stopfake ne dissimule pas sa lignée directe avec l’OTAN. La pseudo-réalité résultante, policée, poncée, déformée, amputée, sert alors de référence pour attaquer la « propagande russe ». Ce serait presque banal si les premières victimes n’étaient pas le Kremlin, mais les millions d’ukrainiens d’opinion dissidente ou d’origine identifiable, et au final, tous les ukrainiens ; une conséquence du blocus politico-médiatique fut l’impossibilité de tout débat sur les vraies origines de la guerre civile, donc de tout chemin vers la paix, dont l’aboutissement balisé est cette guerre en cours, anticipée et préparée par les États-Unis et l’OTAN, au meilleur de leur forme belliciste.
La lettre volée
En suivant George Soros, le voyage s’étire dans le temps plus que dans l’espace, l’échelle de transformation des sociétés n’étant pas compressible à l’infini. Nous n’avons couvert qu’un fragment de son terrain de jeu mondial, avec le souci de démontrer un certain nombre de faits, noyés dans le brouillard des faux-semblants.
Ces faits ne font que confirmer le constat de l’éditeur associé du Washington Post et fin connaisseur de ses voisins de la CIA, David Ignatius : en 1991 déjà, il rangeait George Soros dans un cercle restreint d’« agents à découvert » qui « ont fait en public ce que la CIA faisait à couvert… ».
Pour dissimuler ce que vous n’arriverez jamais à cacher vraiment, collez-le devant les yeux des gens, ils verront ce que vous voulez qu’ils voient ; c’est le vieux tour de passe-passe dont Edgar Allan Poe démontre l’efficacité mystificatrice, dans le récit La lettre volée.
Le concept de société ouverte ajoute à ce tour une brillance attractive, un concentré débordant de bienveillance philanthropique. Nous avons vu que lorsque Soros tente de définir ses concepts, il s’égare dans des phénomènes scientifiques qu’il n’a pas compris (par pitié, on vous a épargné ses errements en physique quantique), ou se pavane avec des notions philosophiques étroites qu’il se borne à paraphraser, plaçant Karl Poppers seul au centre du monde des idées. La vacuité résultante nous conforte dans la conviction que sa « société ouverte » est un pur prétexte aux ingérences étrangères.
Un signe fort de la fermeture des sociétés à la Soros, est l’absence criante de critique dans la presse à grand tirage, qui se répand en éloges baveux pour le grand homme, ou en attaques indignées contre quiconque n’y voit pas le parfait philanthrope ; de cette coucherie émane le parfum moisi d’une pensée unique aux vertus totalitaires.
Soros se présente comme un fervent antisoviétique, en lutte contre les totalitarismes et pour la démocratie. Il n’a rien de profond à dire sur cette dernière, le succédané flexible de la « société ouverte » s’en charge tout seul. Creusons pour lui, en partant du principe de séparation des pouvoirs judiciaire, législatif et exécutif.
Soros investit massivement et officiellement sur les questions de justice. L’OSF informe qu’elle « travaille en étroite collaboration avec la Cour pénale internationale (CPI), l’aidant à fonctionner de manière aussi efficace que possible… recueille et présente des informations utiles à la CPI… et contribue au renforcement des capacités du personnel de la CPI… » ; en outre, avec la “Coalition pour la CPI“ (voir plus haut), Soros et les ONG associées effectuent sur place un lobbying permanent.
On reconnait le schéma sorosien du contrôle par la bienveillance, appliqué ici à la Justice « transitionnelle », et nous avons vu avec Nataša Kandić et le HLC comment sont recueillies les « informations utiles ».
Avec un tel respect de l’indépendance de la justice, le triptyque démocratique perd déjà une branche.
L’Ukraine met en lumière sa vision du pouvoir exécutif : Soros rend publique sa contribution active à la destitution d’un président démocratiquement élu, principale cause du désastre absolu actuel.
De Gaulle se vrille dans sa tombe
Fondations Open society en France : « En Europe de l’ouest, dans des pays où la démocratie est solidement implantée, nous nous attachons à aider les individus et les gouvernements à trouver des solutions aux défis sociaux, économiques et politiques générés par la mondialisation… ».
L’Europe est-elle à ce point colonisée pour qu’un magnat américain s’autorise un tel paternalisme intrusif ?
Pour sûr, les bases de l’OTAN y sont solidement implantées, avec leur cortège d’intérêts exogènes portés par nos dirigeants ventriloques ; en France, la démocratie s’écroule à mesure que s’enchainent à la Présidence les experts en rhétorique usagée. Macron Président, réélu avec un record de 35% de non-votes et seulement 38% des inscrits, malgré l’apport éternel de l’épouvantail Le Pen et de la mécanique médiatique, délègue depuis trois ans le pouvoir exécutif à des « Conseils de défense », sanitaire par ci, énergétique par là, présidés par on ne sait qui, par définition du flou “constitutionnel“ et du huis-clos.
Que fait l’OSF chez nous ?
Elle a lancé L’Accélérateur de la Mobilisation, pour promouvoir « l’engagement des citoyens dans l’élaboration des politiques publiques », soit l’équivalent de quelques rustines pour renflouer un canot pneumatique criblé de coups de poignards.
Depuis vingt ans, elle travaille au débat « sur les politiques d’intégration », « aux côtés de la communauté musulmane ». Perso, j’ai vu pas mal de quartiers, connu des descendants d’algériens, marocains, tunisiens, chiliens, des familles… mais une « communauté musulmane » organisée, jamais.
Une étude avec le CNRS sur l’impact des délits de faciès policiers dans les gares.
L’OSF soutient explicitement l’Observatoire International des Prisons et la Ligue des Droits de l’Homme (LDH). Cette dernière s’est spécialement illustrée en période Covid, regardant passer les trains comme une vache repue, ou troquant sa casaque de protecteur des droits par celle de prescripteur universel de traitements expérimentaux.
Bref, si l’on s’en tient à la littérature OSF, son activité en France est marginale. Cela s’explique en partie par les gros efforts portés sur les instances centrales de l’Union Européenne (CEDH, Commission…), dont les retombées profitent aux 28 pays membres ; néanmoins, il faudrait comprendre cette confiance solidement implantée dans la capacité de la “France“ à se ranger en ordre de bataille au moindre son de clairon venu des profondeurs de l’océan atlantique.
Cette confiance est notamment confortée par l’état de déliquescence des structures civiles qui, jusqu’à un passé plus ou moins récent, formaient des garde-fou sur lesquels le citoyen lambda pensait pouvoir s’appuyer. Les chemins qui menaient tous à Rome, conduisent à la désolation, quel que soit le domaine couvert : milieux intellectuels, académiques, scientifiques, syndicats, partis politiques, ONG de toutes sortes, grosses associations loi 1901…
Créée en 1898, la LDH était tout de même un pilier de la France terre des Droits de l’Homme ; paix à son âme.
L’association ATTAC, fer de lance du mouvement altermondialiste, fermement opposée au néolibéralisme, organisatrice principale des Forum Sociaux mondiaux, opposante critique de premier plan au TCE en 2005 (“Traité établissant une Constitution Européenne“), n’est plus que l’ombre d’elle-même. Sur le conflit en Syrie, ses indignations passent encore pour naïves, à la rigueur, en 2013, mais elle s’enferre jusqu’en 2021 dans une propagande bas de gamme, minable, inculte et radicalement négatrice de l’ingérence occidentale meurtrière, dans un appel signé par la LDH (encore elle), le PS, le NPA, EELV, le MRAP, Union Syndicale Solidaires, Ensemble (…), appel qui tonne comme un éloge au cynisme sans foi ni loi des alliés de l’OTAN (lire à ce sujet notre édition L’art occidental de maquiller ses démons).
Quant à sa position sur l’Ukraine, elle n’a d’égal que son aveuglement sans faille tout au long des années 2014-2022; sur ces terrains, c’est le plaisir érectile de tout Général de l’OTAN, élevé au lait des faucons born in USA, qu’ATTAC risque de provoquer.
Seul le candidat du NPA “Poutou2022“ va plus loin, sans trop choquer ses camarades, en se déclarant favorable à l’envoi d’armes en Ukraine. Personne n’avait encore imaginé le « Nouveau Parti Anti Capitaliste » en organe de Com’ de l’OTAN. Tout arrive.
En appliquant la critique sur le prisme de la politique intérieure, le constat est généralement similaire : déplorable.
Nous trouvons bien quelques intellectuel(le)s pertinents, isolés, courageux, et intègres, ils et elles sont tous détestés ou harcelés par l’académie, et bien sûr ignorés des médias.
Quant à trouver une quelconque structure qui ait conservé son intégrité, c’est l’histoire de l’aiguille dans la botte de foin. Pour donner un contre-exemple, il semble que les Faucheurs volontaires d’OGM aient réussi à maintenir la cohérence entre leurs luttes et leurs positionnements politiques ; ils fonctionnent par entités régionales (Rhône-Loire…) et bénéficient d’un ancrage au sol salvateur. Qui dit cohérence idéologique di cohérence financière. Ses bilans comptables, assez stables sur 15 ans, sont parlants :
. Subventions publiques négligeables. En cas de virage gouvernemental pro-OGM, c’est prudent.
. Subventions privées, autour de 200 000 euros annuels, réparties entre une dizaine de donateurs en adéquation avec la ligne des Faucheurs (BioCoop, Fondation Humus, Nature et Découvertes…)
. Une faiblesse : presque 50% des dons viennent d’une fondation unique, Leopold Meyer pour le Progrès de l’Homme (FPH). Lancée par un scientifique humaniste Suisse, la FPH soutient exclusivement des initiatives parfaitement alignées sur la vision des Faucheurs. Cette faiblesse est donc également une force.
De son côté, ATTAC, dont l’influence internationale constituait une menace d’envergure pour l’establishment, était forcément dans le collimateur. Il est toujours possible d’infiltrer une telle structure, mais le plus sûr et efficace est d’en repérer la tendance inoffensive (pour le système). Vice-présidente d’ATTAC-France à l’origine, et aujourd’hui encore Présidente d’honneur de l’association, la franco-américaine Susan George en fait partie.
Elle préside l’Institut Transnational (ITN), majoritairement financé par les Pays Bas (Affaires étrangères), la Suède et l’UE, et par les fondations Open Society et Rockefeller, pour 20% des dons environ. On imagine difficilement pire configuration en matière d’indépendance, pour traiter de sujets aussi stratégiques et complexes que les conflits en Birmanie (axe géostratégique majeur pour le duel Chine-États-Unis) ou la libéralisation des drogues, cheval de bataille de Soros, envisagée sous l’angle « Drogues et Démocratie ».
La passionaria altermondialiste travaille ainsi sans complexe avec les millions (4 ou 5 annuels) des champions privés de la mondialisation débridée et de leurs associés des Ministères européens. N’aurait-elle pas un gigantesque problème éthique ?
Quoiqu’il en soit, Susan George continue d’accompagner sans sourciller l’interminable naufrage d’ATTAC, qui, du solide repère qu’elle formait, est passée au stade de mollusque invertébré. Son cas n’est malheureusement pas l’exception, mais bien plutôt la règle.
Du côté académique, il suffit de jeter un œil à l’EHESS, qui forme la crème de nos élites en Sciences humaines et sociales, pour risquer de le perdre. Le Fonds de dotation de l’EHESS s’octroie le « soutien généreux de Mayer Brown France », un hub d’avocats basé à Chicago qui met en lien l’école avec des partenaires privés. Le Fonds facilite « des contacts avec le monde socioprofessionnel », ou finance des aides pour étudiants, des contrats de recherche… En un click de souris, la neutralité politique de Mayer Brown s’affiche dans toute sa splendeur :
Un des partenaires EHESS (il faudrait chercher les autres…) offrant des bourses étudiantes, sur base de présentation d’un projet de thèse et CV, prend la douce consonance de RBC Capital Markets, parfaitement assorti à la vitrine de la « banque d’investissement » canadienne :
Le futur diplomate, historien ou politologue issu de l’EHESS, citoyen érudit dont le métier est de savoir décoder les évènements, est prévenu d’avance : dans cette démocratie si solidement implantée, sa dissidence éventuelle lui procurera solitudes et pain sec.
Nous n’avons pas les moyens d’évaluer précisément l’impact des activités de l’OSF, déclarées ou non, que ce soit sur une structure donnée ou sur l’ensemble de la société française, l’OSF étant souvent inséparable des autres agents subversifs. Dans nos pays stables en apparence, les résultats sont moins flagrants que dans les pays de l’est traités ici ; une raison importante est que l’intrusion des États-Unis dans nos affaires intérieures culturelles et politiques, depuis 1945, est camouflée et gravement sous-estimée.
Ce qui est « solidement implanté » dans cette Europe sous tutelle américaine, ce n’est pas la démocratie, c’est la colonisation des esprits. Tout effort de persuasion des peuples, propre à la démocratie, a été progressivement abandonné jusqu’à sombrer dans l’ère du bourrage de crânes, du court-circuitage des consciences, du royaume de l’indicible ignominieux que seuls rendent possible le mensonge systémique et son cortège de réalités factices.
Tout cela est infiniment couteux en termes de morale collective, d’économie, de fierté et de libertés pour les uns, en terme de souffrances, de vies humaines et de destruction, pour les autres.
George Soros, en tant que personnage, concept et entreprise tout à la fois, bourreau et victime, bienfaiteur et profiteur, otage et tôlier, milliardaire et miséreux tout à la fois, donne une représentation symbolique autant qu’opérationnelle, de ce coût dont l’humanité n’a pas fini de payer le prix.
Des lois naturelles vénérées dans les sociétés « closes », il en est une :
De l’obscurité jaillit la lumière…
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