FORTE INFLATION, BAISSE DU POUVOIR D'ACHAT : 2023 NE SERA PAS UNE BONNE ANNÉE Par Olivier Berruyer 08/06/2023
Article rédigé le 8 juin 2023 par Olivier Berruyer pour le site ELUCID
Économie
L’inflation perdure en 2023 et les salaires ne suivent plus. Le pouvoir d’achat baisse donc, ce qui se répercute sur la demande intérieure, qui est en décroissance. Comme le gouvernement n’a plus guère le choix et qu'il va diminuer son soutien à l’économie, la situation ne devrait pas s’améliorer, sans même tenir compte des crises internationales ou du climat social chaotique. On peut donc être inquiet pour 2023, et la baisse du pouvoir d’achat pourrait bien se poursuivre.
Une baisse continue de la croissance
Alors que le trimestre précédent, l’Insee annonçait une croissance de 0,1 % au 4e trimestre, ô surprise, une discrète révision indique que finalement, non, la France était alors en très légère décroissance. Le premier trimestre est quant à lui annoncé à un maigre +0,2 %.
Si une faible croissance ou une décroissance est évidemment une bonne nouvelle pour la planète, cela pose d’importants problèmes économiques et sociaux (chômage, pouvoir d’achat, pauvreté), puisque les gouvernements s’obstinent à ne pas modifier radicalement notre rapport à l’économie et aux enjeux environnementaux (qui sont en outre des réalités inévitables à terme pour des raisons physiques), de façon à créer un système qui permet la prospérité sans croissance.
Rappelons que ces chiffres sont calculés avec le controversé indice des prix de l’Insee. Celui d’Eurostat – à la méthode de calcul harmonisée en Europe – est actuellement supérieur d’un point de pourcentage.
De façon générale, les calculs de ces deux instituts publics de statistique ont fortement divergé en 2022. Au final, l’écart entre leur évaluation de l’inflation depuis 2015 atteint 2,5 %, pour une croissance totale durant cette période de +9,4 %. Il y a donc une incertitude sur au moins le quart de la valeur de la croissance de ces 8 dernières années, ce qui est colossal.
Si on utilisait le chiffre d’Eurostat, il apparaîtrait donc que nous sommes en récession. Rappelons en effet que « la croissance du PIB » correspond à son augmentation sous déduction du montant de l’inflation. Le calcul de celle-ci a donc une grande importance pour la communication du gouvernement.
Au final, selon l’Insee, après avoir fortement augmenté en compensation de sa forte diminution en 2020, la croissance sur un an est donc désormais inférieure à 1 % et semble continuer de baisser.
On observe ainsi clairement « une panne » du PIB trimestriel français qui stagne à un niveau à peine supérieur de 1 % au-dessus de son niveau d’avant Covid. La croissance totale pour l’année 2022, par rapport à 2021, s’établit au final à +2,5 %.
Cependant, cette croissance clôture simplement le rebond post-Covid. La perte de production (et donc de pouvoir d'achat) par rapport à la tendance 2016-2019 est très importante.
Le PIB par habitant ne retrouve toujours pas son niveau d’avant crise
Le recours au PIB trimestriel par habitant permet de mieux analyser l’évolution du niveau de vie moyen. Il est en effet important de tenir compte de la croissance démographique : si le PIB augmente de +1 % et que la population augmente de +2 %, la richesse par habitant baisse en réalité de -1 %, car la croissance est trop faible.
C’est pour cette raison que, contrairement au PIB du pays, le PIB trimestriel par habitant n’a toujours pas retrouvé son niveau d’avant crise : il se situe encore 0,5 point en dessous de son niveau du deuxième trimestre 2019, où il était à son plus haut historique.
Sans surprise, puisque notre pays connaît toujours une démographie en hausse, la croissance du PIB par habitant sur un an n’est plus que d’environ +0,5 %.
On est très loin du niveau qu’aurait atteint le PIB si la très forte croissance de la période 1995-2007 s’était maintenue : le PIB devrait être supérieur de 20 points environ. Cela confirme bien que, compte tenu de notre niveau de développement, il est illusoire de penser maintenir une croissance élevée sur une longue période.
Pour mémoire, le PIB par habitant a crû de 2,2 %, 0,3 point de moins que le PIB. Une partie de cette croissance est cependant probablement due à une sous-estimation de l’inflation.
Une croissance plombée par la consommation des ménages
L’analyse du PIB par les dépenses permet de constater que, depuis deux trimestres, la faiblesse de croissance a été principalement causée par la situation de notre commerce extérieur et par un recul de la consommation des ménages et de l’investissement.
Analysons plus en détail pour bien comprendre l’évolution du PIB français.
Le trimestre précédent a ainsi été marqué par :
- une nette augmentation de la production de biens (y compris la production manufacturière) après une année atone. C‘est cependant assez surprenant au vu de la consommation déprimée ;
- une nette baisse de la construction immobilière, qui va mal depuis 4 trimestres. C’est une autre conséquence de l’inflation, comme on l’a vu dans cet article ;
- et le maintien d’une croissance rachitique des services, désormais quasiment nulle.
Le recul observé de la consommation est principalement dû à la baisse continue de la consommation alimentaire. Avoir faim, avoir froid, c’est aussi une conséquence de l’inflation. Ont aussi joué le recul de divers autres secteurs dont celui de la consommation publique.
Concernant le commerce extérieur, le trimestre précédent a été marqué par une très forte baisse des importations – un effet de la baisse du pouvoir d’achat des ménages. Ceci explique la large contribution du commerce extérieur à la croissance de la production, à hauteur de 1,0 point de PIB. Si ce chiffre est colossal, inconnu depuis plusieurs décennies, il faut également y voir un effet rebond de la très forte baisse de 3e trimestre 2022. Sur la dernière décennie, le commerce extérieur pèse plutôt négativement sur la croissance française
L’inflation a aussi eu un fort impact sur les ménages, qui ont diminué de 2,3 % leurs investissements essentiellement à cause de la baisse des constructions. C’est aussi le cas des entreprises. Et le secteur public vient de nouveau d’avoir un effet négatif sur le PIB, en ayant diminué son soutien à l’économie. En fin de compte, la demande intérieure a eu une contribution négative de -0,2 point de croissance.
Enfin, la variation des stocks a plombé la croissance à hauteur de -0,6 point (gros déstockage), ce qui signifie que les entreprises ont dû augmenter leurs stocks en raison de la baisse de la demande.
-0,2 point de demande intérieure, +1,0 point d’effet du commerce extérieur, -0,6 point de stocks : voici l’explication de la croissance de +0,2 point sur ce deuxième trimestre 2022.
Il y a cependant des raisons d'être inquiet pour les prochains trimestres : les ménages semblent aller de plus en plus mal et le soutien public diminue de plus en plus.
Des hausses minimes invisibilisées par une forte inflation
Au niveau des ressources des ménages, le dernier trimestre a été marqué par une nouvelle hausse des salaires versés par les entreprises de +1,5 %. 10 % de ces hausses sont dues à la hausse de l’emploi (+0,1 %) et 90 % à la hausse du salaire par tête.
On constate également une hausse de +1,3 % du traitement des fonctionnaires et une hausse de seulement +0,1 % des revenus des entrepreneurs individuels.
Les prestations sociales ont augmenté de +0,9 %, en raison du versement d’une indemnité carburant et de la revalorisation des pensions de retraite.
D'autre part, les plus fortunés ont vu leurs revenus provenant des dividendes et des intérêts perçus augmenter encore de +3,9 %, du même ordre de grandeur que les trimestres précédents.
Les ménages ont quant à eux payé plus d’impôt sur le revenu (+1,6 %, en raison de la suppression de la contribution à l’audiovisuel public et de la poursuite de la baisse de la taxe d’habitation) et de cotisations sociales (+1,1 %).
On constate ainsi au global une hausse des revenus des ménages de +1,5 % et de leurs charges de +1,4 %. Au final, le revenu par personne (ou plus précisément, le revenu disponible brut par unité de consommation) a augmenté de +1,4 % au dernier trimestre.
Le fait économique majeur de 2021-2023 a été le retour d’une forte inflation. Comme l’inflation a été de +2,0 % au cours de ce seul trimestre, le pouvoir d’achat par personne en France a donc diminué de -0,6 % au cours du premier trimestre 2023.
Au final, selon l’Insee, le pouvoir d’achat a baissé de -0,3 % durant l’année 2022. L’écart entre le chiffre d’inflation calculé par l’Insee et celui calculé par Eurostat, laisse craindre pour beaucoup de Français un recul du pouvoir d'achat réel beaucoup plus important que ces -0,3 %.
En conclusion, en cette mi-2023, il est à craindre que la croissance économique soit déjà en train de s’essouffler. La demande intérieure, plombée par une inflation qui perdure, aura du mal à la soutenir. La prévision de croissance pour 2023, que la Banque de France estime à +0.6 % semble donc optimiste.