Finkiekraut, le pleurnichard, pour une fois rigolard : c'est un coup monté !
Article rédigé par Brigitte Bouzonnie en 2019 + superbe lettre rédigé par Alain Badiou à Finkielkraut
1°)- Brigitte Bouzonnie : Pierre Bourdieu disait de lui : "c'est un pleurnicheur"(sic). Rien de plus juste. Finkielkraut, on le sait : ses pleurnicheries sont devenues son fond de commerce. Chaque fois que je l'écoute à la télé, vidéo, échanges avec Alain Badiou, le mot de Bourdieu me revient en mémoire. Chaque fois, on a l'impression que AF (Alain Finkielkraut) est sur le point d'éclater en sanglots. De grosses larmes médiatiques, qui tachent, mais sans douleur, justes pour impressionner, à l'image de l'Etat "ethnique", qu'il préconise par ailleurs, Telle une pleureuse professionnelle grecque ou romaine de l'Antiquité, capable de pleurer sur commande des heures et des heures. Je l'ai surnommé : "le pleurnichard", à sa façon d'impressionner la France profonde des sans nom, des sans grade que nous sommes.
Chaque fois que Finkielkraut parle, j'entends derrière ses pleurnicheries à l'hectolitre, les notes joyeuses, dansantes de la chanson d'Eddy Mitchell : "Non ils n'auront pas ma peau, et je vais craquer bientôt"(sic). Chaque fois que Finkielkraut prend la parole, ce sont les chansons d'Alain Souchon "jamais content", ou "Allo Maman bobo", qui affleurent en surface. Attention, pas de vulgaires larmes dans sa cuisine dans une feuille de Sopalin, comme le tout un chacun ordinaire. Non, des Pleurnicheries "élégantes", cinq étoiles, compassées, chez lui une véritable marque de fabrique. Des larmes estampillées "Normale Sup", "France Culture", où il animait une émission qui lui a permis de recevoir tout le gratin philosophico-politique du moment.
Certes, Alain Badiou le critique fort justement, tout en refusant de débattre à l'avenir avec lui : (cf son excellente "Lettre à Alain Finkielkraut") Mais je trouve qu'il lui fait bien des honneurs, en le critiquant sur le fond, patiemment, argument contre argument. Finkielkraut, dès que j'entends son numéro de pleureuse XXL, trainant ses larmes dans un semi-remorque, j'éteins aussi sec.
Or samedi dernier, rien de tout ça. Un salafiste introduit dans la marche des Gilets Jaunes, l'insulte, le traite de "sale juif". Au passage, que faisait Finkielkraut au milieu des Gilets Jaunes en pleine action... ? On ne le saura jamais. Que faisait la caméra de BFMTV juste à côté de lui, filmant "à l'avance" le buzz qui n'allait pas manquer d'intervenir.... ? Là aussi, aucune réponse. Pire encore, Finkielkraut, bien qu'insulté et filmé dans son "outrage", prend aussitôt la défense de son polémiste salafiste, calmant le jeu, estimant qu'il n'a pas été traité de "sale juif", comme les journaleux malhonnêtes se sont empressés de le dire. Mieux encore, au lieu de pleurnicher comme à son habitude, Il reste d'un calme olympien, avec des yeux secs comme un coeur d'huissier, registre qui ne lui ressemble absolument pas. Voir même, -si, si-, sourit un peu. Remerciant même avec émotion, façon Star Hollywoodienne majuscule, les milliers et les milliers de messages (on n'a pas vérifié le nombre exact) de défense qu'il a reçus contre l'ostrogoth salafiste.
En clair, c'est un coup monté, un bidonnage. Certes, le racisme ne passera pas. Mais le mensonge cinq étoiles, non plus ne passera pas sur ma modeste lettre. Tant pis si ailleurs, on nous prend vraiment pour des billes, des nazes, justes bon à gober n'importe quoi, qu'on se le dise...!
LETTRE OUVERTE A ALAIN FINKIELKRAUT, par Alain Badiou
1)-Brigitte Pascall : je reposte la lettre rédigée par Alain Badiou à Alain Finkielkraut, où Badiou refuse de dialoguer avec ce philosophe pleurnichard. Je n'ai rien contre cette lettre magnifiquement rédigée, mais je trouve que Badiou consacre beaucoup de temps, beaucoup d'énergie à répondre à ce pseudo philosophe assez terne, juste épris de gloriole médiatique, comme tous les médiocres de sa promotion et les soit-disants "nouveaux philosophes" de sa génération.
D'aucun reproche à Badiou une supposée "soif de gloriole" : elle existe beaucoup plus chez Finkielkraut (curieusement présent tant à Nuits debout et dans une marche des gilets jaunes. De son côté, Badiou est extrêmement discret vis à vis du mouvement des gilets jaunes, estimant dans une interview, "qu'il est trop vieux pour s'occuper de cela"(sic).
On regrette profondément son silence, surtout à un moment où les événements (manif des gilets jaunes tous les samedis) donnent raison à toutes ses analyses politiques : élection, "piège à cons", faire de la Politique indépendamment du Parlement et de la "goche" bobo, celle qui n'a eu de cesse de trahir encore et encore les classes populaires. Justement, ce qui s'invente tous les samedis, c'est une autre façon de faire de la politique, sans élections truquées, sans directions syndicales corrompues, achetées à prix d'or, sans un personnel politique petit bourgeois, composé de professionnels de la politique, grassement payés (malheureusement, cet argument "parle" à beaucoup de responsbales polittiques), officiellement de "gôche", qui n'a eu de cesse de clamer sa prolophobie à tort et à tue tête.
Par ailleurs, que faisait Finkielkraut samedi dernier dans la manif GJ, avec BFM à un mètre de lui... ??? C'est ça la vraie question, au lieu de chercher des poux dans la tête de Badiou, très discret, trop discret à mon avis, depuis le 17 novembre... !!
2°)- Lettre rédigée par Alain Badiou : "Vous vous êtes mis vous-même dans une trappe obscure. Et je crois deviner que vous commencez à comprendre que là où vous êtes, ça sent le moisi, et pire encore."
Par Invité de BibliObs
Publié le 18 avril 2016 à 13h40
A la fin 2009, le philosophe Alain Badiou avait accepté pour la première fois de débattre avec Alain Finkielkraut. Un dialogue publié dans "l’Obs", et qui fut à l’origine d’un livre paru l’année suivante: «l’Explication. Conversation avec Aude Lancelin» (éditions Lignes, 2010). Aujourd’hui il refuse ses invitations et s’en explique dans un courrier rendu public.
Lors des discussions, publiques et publiées, que nous avons eues naguère, je vous avais mis en garde contre le glissement progressif de votre position, et singulièrement de votre crispation identitaire, que je savais être à l’époque sans doute déjà très réactive, mais que je considérais comme loyale et sincère, du côté d’un discours qui deviendrait indiscernable de celui des extrêmes-droite de toujours.
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C’est évidemment le pas que, malgré mes conseils éclairés, vous avez franchi avec le volume «l’Identité malheureuse» et le devenir central, dans votre pensée, du concept proprement néo-nazi d’Etat ethnique. Je n’en ai pas été trop surpris, puisque je vous avais averti de ce péril intérieur, mais, croyez-le, j’en ai été chagrin: je pense toujours en effet que n’importe qui, et donc vous aussi, a la capacité de changer, et – soyons un moment platoniciens – de se tourner vers le Bien.
Mais vous vous êtes irrésistiblement tourné vers le Mal de notre époque: ne savoir opposer à l’universalité, abstraite et abjecte, du marché mondial capitaliste, que le culte, mortifère dès qu’il prétend avoir une valeur politique quelconque, des identités nationales, voire, dans votre cas, «ethniques», ce qui est pire.
J’ajoute que votre instrumentation sur ce point de «la question juive» est la forme contemporaine de ce qui conduira les Juifs d’Europe au désastre, si du moins ceux qui, heureusement, résistent en nombre à cette tendance réactive ne parviennent pas à l’enrayer. Je veux dire, la bascule du rôle extraordinaire des Juifs dans toutes les formes de l’universalisme (scientifique, politique, artistique, philosophique…) du côté du culte barbare et sans issue autre que meurtrière d’un Etat colonial. Je vous le dis, comme à tous ceux qui participent à ce culte: c’est vous qui, aujourd’hui, par cette brutale métamorphose d’un sujet-support glorieux de l’universalisme en fétichisme nationaliste, organisez, prenant le honteux relais de l’antisémitisme racialiste, une catastrophe identitaire sinistre.
Dans le groupe des intellectuels qui vous accompagnent dans cette vilenie anti-juive, on me traite volontiers d’antisémite. Mais je ne fais que tenir et transformer positivement l’universalisme hérité non seulement d’une immense pléiade de penseurs et de créateurs juifs, mais de centaines de milliers de militants communistes juifs venus des milieux ouvriers et populaires. Et si dénoncer le nationalisme et le colonialisme d’un pays déterminé est «antisémite» quand il s’agit d’Israël, quel nom lui donner quand il s’agit, par exemple, de la France, dont j’ai critiqué bien plus radicalement et continûment, y compris aujourd’hui, les politiques, tant coloniales que réactionnaires, que je ne l’ai fait s’agissant de l’Etat d’Israël ? Direz-vous alors, comme faisaient les colons en Algérie dans les années cinquante, que je suis «l’anti-France» ? Il est vrai que vous semblez apprécier le charme des colons, dès qu’ils sont israéliens.
Vous vous êtes mis vous-même dans une trappe obscure, une sorte d’anti-universalisme borné et dépourvu de tout avenir autre qu’archi-réactionnaire. Et je crois deviner (je me trompe ?) que vous commencez à comprendre que là où vous êtes, ça sent le moisi, et pire encore. Je me dis que si vous tenez tant à ce que je vienne à l’anniversaire de votre émission (à laquelle j’ai participé quatre fois, du temps où vous étiez encore fréquentable, quoique déjà avec quelques précautions), ou que je participe encore à ladite émission, c’est que cela pourrait vous décoller un peu de votre trou. «Si Badiou, le philosophe platonicien et communiste de service, accepte de venir me voir dans la trappe où je suis» - pensez-vous peut-être - «cela me donnera un peu d’air au regard de ceux, dont le nombre grandit, qui m’accusent de coquetterie en direction du Front National.»
Voyez-vous, j’ai déjà été critiqué dans ce que vous imaginez être mon camp (une certaine «gauche radicale», qui n’est nullement mon camp, mais passons) pour avoir beaucoup trop dialogué avec vous. Je maintiens, sans hésitation, que j’avais raison de le faire. Mais je dois bien constater, tout simplement, que je n’en ai plus envie. Trop c’est trop, voyez-vous. Je vous abandonne dans votre trou, ou je vous laisse, si vous préférez, avec vos nouveaux «amis». Ceux qui ont fait le grand succès des pleurs que vous versez sur la fin des «Etats ethniques», qu’ils prennent désormais soin de vous. Mon espoir est que quand vous comprendrez qui ils sont, et où vous êtes, le bon sens, qui, si l’on en croit la philosophie classique, est le propre du sujet humain, vous reviendra.
Alain Badiou