Une émission de France 2 sur JAURES du 08 juillet 2014 démonétise le grand homme politique de la IIIème République, transmué en "réformiste libéral", qu'il n'a jamais été. Contre ce fake, cet article se propose de rappeler la socio-genèse de l'intellectuel critique depuis le XIXème siècle. Nous prenons appui sur l'article rédigé par Gisèle Sapiro, élève de Pierre Bourdieu, du mot "intellectuel", dans "Dictionnaire de sociologie", éditions Universalis et Albin Michel, 2008, très bon livre dont on vous recommande chaudement la lecture.
1°)-La genèse de l'intellectuel critique :
C'est à la fin du XIXème siècle, qu'un ensemble de producteurs intervient dans l'espace public en tant que tels, avec l'affaire Dreyfus, afin de demander la révision de son procès. La définition du mot "intellectuel" est codifiée en 1920 par la Confédération des travailleurs intellectuels : "un travailleur intellectuel est celui qui tire ses moyens d'existence d'un travail dans lequel l'effort de l'esprit, avec ce qu'il comporte d'initiative et de personnalité, prédomine habituellement sur l'effort physique".
De tout temps, on trouve un groupe d'individus exerçant une fonction intellectuelle comme le clergé.
- Cependant, c'est à partir du XVIIIème siècle que le pouvoir intellectuel laïc commence à s'autonomiser, sous les effets conjugués de plusieurs facteurs : l'urbanisation qui entraîne la centralisation de la vie culturelle dans les grandes métropoles ; la laïcisation rend possible l'exercice de la raison comme une fin en soi ; l'alphabétisation et l'essor du marche de l'écrit (importance joué par le colportage qui diffuse des résumés du "Contrat social" de ROUSSEAU comme l'a expliqué l’historien Raymond Chartier.
- Au XIXème siècle, le processus d'industrialisation fait naître une demande "d'expertise". Ce mouvement est à l'origine de la montée du "capital culturel"- concept de Pierre BOURDIEU, comme fondement du pouvoir. Mais la généralisation des titres scolaires génèrent de façon dialectique leur dévaluation. Il faut savoir qu'avant 1914, on délivre chaque année tout au plus 1 000 licences en droit, aujourd'hui, plus de 400 000.
Les intellectuels sont tiraillés entre deux aspirations : l'une corporatiste, l'autre politique, cette dernière consistant à s'engager en tant qu'intellectuel pour des causes d'intérêt public. L'autonomisation des valeurs intellectuelles, RAISON, VERITE, JUSTICE, fonde la posture critique de l'intellectuel. Et cela, depuis VOLTAIRE et l'affaire Calas de 1762. ROUSSEAU et son livre "Le contrat social", publié également de 1762. La croyance dans le pouvoir des mots est largement partagée par les artisans de la Révolution Française : ROBESPIERRE, DESMOULINS, MIRABEAU...L'intellectuel bénéficie du transfert de la fonction sacrée du monde religieux au monde des lettres des temps laïcs nouveaux, figure incarnée à merveille par Victor HUGO.
L'engagement de l'intellectuel est symbolisé par ZOLA et son " j'accuse" de 1898. Mais la forme d'engagement de l'intellectuel attachée à l'affaire DREYFUS est surtout destinée à faire valoir le pouvoir symbolique du groupe des intellectuels, soit un engagement de type corporatiste. De la même façon, dans les années 1930, le Comité de vigilance des intellectuels antifascistes lutte contre les formes d'oppression de manière légale, mais encore de façon corporatiste.
Ce que ne dit pas Gisèle Sapiro, c'est que les intellectuels entrés dans la Résistance : ARAGON (avec le Parti Communiste), MALRAUX (gaulliste), ELUARD, René CHAR (Capitaine Alexandre pour la résistance), CAMUS (dans le groupe COMBAT de Claude BOURDET et de Henri FRENAY)...réinventent une nouvelle forme d'engagement d'intellectuel DANS un parti politique, un groupe de résistance, poursuivant un rôle éthico-politique de lutte contre l'occupation allemande, mais cette fois, dans un cadre politique...
Après la seconde guerre mondiale, Jean-Paul SARTRE incarne la figure de "'intellectuel total", fondée sur une philosophie de l'engagement, qui s'est exprimée dans la lutte contre toutes les formes d'oppression, notamment les guerres coloniales : guerres d'Indochine, d'Algérie et du Vietnam.
Mais la montée du paradigme scientifique et de la demande d'expertise entraîne le déclin de la figure du lettré au profit de celle de l'expert (la montée du rôle des économistes). Michel FOUCAULT redéfinit la figure de l'intellectuel critique en forgeant le concept "d'intellectuel spécifique". De son côté, Pierre BOURDIEU propose propose la notion "d'intellectuel collectif", à l'opposé du modèle individualiste de l'écrivain. Et Gisèle Sapiro de conclure : "Son combat (de Pierre BOURDIEU) contre le néo libéralisme, aux côtés des mouvements sociaux a démenti les prédictions sur la fin de l'intellectuel et montré que la tradition de l'intellectuel critique était toujours vivace"(sic)..
2°)- L'intellectuel critique agonise, refusant de se battre aux côtés des Gilets Jaunes et des manifestants anti pass vaccinal.
Ce qu'on retient de ce topo, c'est deux choses :
2-1) - L'intellectuel n’est plus le prophète des temps nouveaux qui a supplanté la figure du prêtre. Il ne joue plus son rôle, absolument irremplaçable, de donner du sens à une société qui n'en a plus. Contrecarrer Macron, véritable machine à désorienter les consciences...
Postuler la fin des intellectuels professionnels, c’est, malheureusement, prendre en compte un tournant nouveau apparu depuis 2017, avec l’arrivée de Macron au pouvoir. Cela signifie que nous acceptons de vivre dans une pure société du spectacle, de l'apparence, sans classes évidemment, sans lutte des classes inégalitaire. Nous ne sommes plus que des machines à vivre, n'ayant besoin ni de Vérité, ni de morale, ni de sens profond, éclairant notre conduite et celle des autres groupes sociaux...C'est malheureusement le choix d'une certaine 'gôche" allant du PRG (Taubira) à la France Insoumise. Ne vivant que pour l'argent de la manne publique donnée aux parlementaires. Et la gloriole publique (passages média) que leur confère le système politique et idéologique français.
2-2)- Depuis le XVIIIème siècle, et pendant longtemps, l'intellectuel critique s’est battu au nom de ces trois valeurs : RAISON, VERITE, JUSTICE. On rappelle que la devise de ROUSSEAU était "Vitam impedere Viro", "consacrer sa vie à la Vérité" Que le projet de l'Encyclopédie était de mettre par écrit la Vérité sur tous les sujets...
Aujourd'hui, force est de constater que la figure de l'intellectuel critique défilant aux côtés des mouvements sociaux, aux côtés de la Classe ouvrière est définitivement morte. Pire, qu'il n'a JAMAIS EXISTE, comme l'émission d'hier soir où Jaures, présenté comme un socio-libéral, n'ayant jamais lutté pour les mineurs de Carmeaux. Valls ajoute même sans rire : JAURES aurait voté sans problème son plan d'économies (et de cadeaux aux employeurs) de 50 milliards.
L'objectif est de nous hypnotiser, nous décourager de poursuivre notre combat idéologique politique, minoritaire, âpre, forcement long et incertain, contre un capitalisme mondialisé aux yeux de pierre, répandant la misère et la solitude dans tout le pays. Sans oublier les Outre Mer, où les jeunes, sans perspective d'emploi, se suicident souvent. Suicides de la misère hélas devenus un véritable phénomène social, naturellement totalement occulté par les média dominants. L'Idéologie dominante veut nous décourager de poursuivre notre profonde solidarité avec les Gilets Jaunes, les manifestants anti pass sanitaire, dont la mobilisation est historique : 3,7 millions de manifestants le 28 août 2021.
Heureusement, il existe une nouvelle opposition idéologique et pratique extra parlementaire continuant à se battre frontalement contre les zélites occidentales libérales : Gilets Jaunes, militants anti pass sanitaires, militants de contre information sur les réseaux sociaux et le net. Cette opposition fonctionne en réseaux. Sans chef. C’est ce qui peut lui arriver de mieux.
Très modestement, notre Rassemblement "Le Peuple d'abord", intellectuel collectif, laboratoire d'idées, est un de ces réseaux. Il a rédigé un programme confiant la rédaction de la Constituante aux gilets jaunes sur les rond points, et aux militants anti pass vaccinal au point de départ de leur manif hebdomadaire. Esquisse d’un double pouvoir, puis d’un pouvoir à la base, où le Peuple décidera seul des choix politiques.
Ce programme vise aussi à tirer par le haut le Peuple paupérisé, en proposant à chacune et à chacun une vie décente et joyeuse, dans une société en rupture avec celle du capitalisme mortifère.