FAIBLE CROISSANCE, BAISSE DU POUVOIR D'ACHAT : COMMENT L’INFLATION A PLOMBÉ 2022 !
Article rédigé le 6 avril 2023 par Olivier Berruyer sur le site ELUCID, que je reposte, en raison de sa criante actualité.
Après un premier trimestre de baisse du PIB (c’est-à-dire une baisse de la production et des revenus du pays), 2022 a vu le retour d’une croissance modérée en France. Celle-ci n’a cependant pas cessé de diminuer, plombée par l’inflation. Les augmentations de salaire, tardives, limitées et surtout mal réparties, ont entraîné une baisse du pouvoir d’achat sur l’année.
Baisse des dépenses publiques, hausse des impôts, crise internationale, climat social chaotique en raison des politiques gouvernementales : tout concourt à être inquiet pour 2023. La baisse du pouvoir d’achat va-t-elle se poursuivre ?
Une baisse continue de la croissance
Après une baisse de -0,2 % au premier trimestre 2022 qui avait mis fin à un an de croissance corrigeant les effets de la crise du Covid, le PIB français avait rebondi au deuxième trimestre avec une croissance de +0,5 %. Sa croissance n’a ensuite cessé de diminuer, passant à +0,2 % au 3e trimestre puis +0,1 % au dernier.
On admirera la « précision » de l’Insee, qui évite ainsi au gouvernement de déclarer que nous sommes en récession – récession pourtant évidente dès lors que l'on utilise le calcul harmonisé d’inflation d’Eurostat par exemple. Rappelons en effet que « la croissance du PIB » correspond à son augmentation sous déduction du montant de l’inflation. Le calcul de ce dernier a donc une grande importance pour la communication du gouvernement.
Après avoir fortement augmenté en compensation de sa forte diminution de 2020, la croissance sur un an est donc désormais inférieure à 1 % et semble continuer de baisser.
On observe ainsi clairement « une panne » du PIB trimestriel français qui semble « caler » à un niveau à peine supérieur de 1 % au-dessus de son niveau d’avant Covid.
Enfin, la croissance totale pour l’année 2022, par rapport à 2021, s’établit à +2,6 %.
Le PIB par habitant ne retrouve toujours pas son niveau d’avant crise
Le recours au PIB trimestriel par habitant permet de mieux analyser l’évolution du niveau de vie moyen. Il est en effet important de tenir compte de la croissance démographique : si le PIB augmente de +1 % et que la population augmente de + 2 %, la richesse par habitant baisse en réalité de -1 %, car la croissance est trop faible.
C’est pour cette raison que, contrairement au PIB du pays, le PIB trimestriel par habitant n’a toujours pas retrouvé son niveau d’avant crise : il se situe encore 0,2 point en dessous de son niveau du deuxième trimestre 2019, où il était à son plus haut historique.
Sans surprise, puisque notre pays connaît toujours une croissance démographique, on constate que la croissance sur un an du PIB par habitant n’est plus que de +0,5 %.
On est très loin du niveau qu’aurait atteint le PIB si la très forte croissance de la période 1995-2007 s’était maintenue : le PIB devrait être supérieur de 20 points environ. Cela confirme bien que, compte tenu de notre niveau de développement, il est illusoire de penser maintenir une croissance élevée sur une longue période.
Une croissance plombée par la consommation des ménages
L’analyse du PIB par les dépenses permet de constater que, depuis deux trimestres, la faiblesse de croissance a été principalement causée par un fort impact négatif du commerce extérieur, puis par une forte baisse de la consommation des ménages.
Analysons plus en détail pour bien comprendre l’évolution du PIB.
On constate que la production de biens n’a connu aucune croissance durant toute l’année 2022. Le dernier trimestre a été marqué :
- par une nette baisse de la production manufacturière, plombée par l’inflation des prix de l’énergie ;
- par une baisse de la construction immobilière, qui va mal depuis 3 trimestres, c’est une autre conséquence de l’inflation, comme on l’a vu dans cet article ;
- et par une franche diminution de la croissance des services marchands, désormais quasiment nulle.
Le recul observé de la consommation est principalement dû à la baisse historique de plus de 6 % de la consommation d’énergie (les prix élevés ayant poussé à une forte sobriété) et à une baisse de 3 % de la consommation alimentaire (voir notre article). Avoir faim, avoir froid, c’est aussi une conséquence de l’inflation.
Concernant le commerce extérieur, on observe bien une très forte hausse des importations au 3e trimestre, c’est un effet de l’inflation importée (prix de l’énergie, baisse de l’euro). Les importations ont diminué au dernier trimestre, en raison de la forte baisse des achats d’énergie, ce qui fait que le commerce extérieur a eu un impact positif sur la croissance ce trimestre. Sur la dernière décennie, le commerce extérieur pèse plutôt négativement sur la croissance française, comme nous l'avons analysé dans cet article.
L’inflation a aussi eu un fort impact sur les ménages, qui ont diminué de 1,2 % leur consommation totale au 4e trimestre, et de 0,9 % leurs investissements. En compensation, les dépenses publiques ont continué de soutenir la croissance (avec les aides financières à l’énergie par exemple). En tenant compte de l’augmentation des investissements des entreprises de +0,6 %, la demande intérieure a eu une contribution négative de -0,4 point de croissance.
Enfin, la variation des stocks a soutenu la croissance pour +0,2 point, ce qui signifie que les entreprises ont dû augmenter leurs stocks en raison de la baisse de la demande.
-0,4 point de demande intérieure, +0,3 point de commerce extérieur, +0,2 point de stocks : voici l’explication de la croissance de +0,1 point sur ce deuxième trimestre 2022.
Cette analyse montre cependant qu’on peut être inquiet pour les prochains trimestres : les ménages semblent aller de plus en plus mal, le soutien public diminue de plus en plus, et les stocks commencent à être pleins.
Baisse du pouvoir d’achat
Au niveau des ressources des ménages, le dernier trimestre a été marqué par une nette hausse des salaires versés par les entreprises de +2 %. 10 % de ces hausses sont dues à la hausse de l’emploi et 90 % à la hausse du salaire par tête, sous l’effet notamment de versements de primes de partage de la valeur (ex. « primes Macron », défiscalisées) particulièrement élevées ce dernier trimestre.
On constate cependant une hausse de seulement +0,5 % du traitement des fonctionnaires (après une forte revalorisation le trimestre précédent) et une hausse de +0,5 % des revenus des entrepreneurs individuels.
Les prestations sociales ont augmenté de +0,7 %, après une forte revalorisation le trimestre précédent (due à la revalorisation des pensions de retraite et des prestations familiales).
Enfin, il est à noter que les plus fortunés ont vu leurs revenus provenant des dividendes et des intérêts perçus augmenter de +4,4 %, du même ordre de grandeur que les trimestres précédents.
Les ménages ont également constaté une forte baisse de l’impôt sur le revenu (-3,3 %, en raison de la suppression de la contribution à l’audiovisuel public et de la poursuite de la baisse de la taxe d’habitation) et une hausse des cotisations sociales (+1,0 %).
On constate ainsi au global une hausse des revenus des ménages, de +1,9 %, et une diminution de leurs charges de -1,7 %. En conséquence, le revenu par personne (ou plus précisément, le revenu disponible brut par unité de consommation) a fortement augmenté de +2,8 % au dernier trimestre (en bonne partie à cause de la diminution des recettes publiques, donc de la hausse de la dette).
Le fait économique majeur de 2021-2022 a été le retour d’une forte inflation (analysé dans cet article). Comme l’inflation a été de 2,0 % au cours de ce seul trimestre, le pouvoir d’achat par personne en France a augmenté de +0,8 % au cours du dernier trimestre 2022.
Au final, selon l’Insee, le pouvoir d’achat a baissé de -0,2 % en 2022. L’écart entre le chiffre d’inflation calculé par l’Insee et celui calculé par Eurostat (avec les normes harmonisées en Europe) laisse craindre, pour beaucoup de Français en 2022, un recul du pouvoir d'achat beaucoup plus important que ces -0,2 % .
De façon générale, les calculs de ces deux instituts publics de statistique ont fortement divergé en 2022. Au final, l’écart entre leur évaluation de l’inflation depuis 2015 atteint 2,5 %, pour une croissance totale durant cette période de +9,4 %. Il y a donc une incertitude sur au moins le quart de la valeur de la croissance de ces 8 dernières années, ce qui est colossal.
En conclusion, en ce début 2023, il est à craindre que la croissance économique soit en train de s’essouffler. La consommation des ménages, plombée par une forte inflation qui perdure, aura du mal à la soutenir. La prévision de croissance pour le premier semestre 2023, que l’Insee estime à +0.4 % semble donc vraiment optimiste.